Power Up

Ac/dc

13/11/2020

Columbia

En cette époque trouble, et - osons le terme - merdique, tout petit plaisir est bon à prendre. Entre les actes terroristes, les fléaux en tout genre, les virus, le confinement, la catastrophe écologique, les décès, les musiciens, techniciens, artistes, performers, petits commerçants au bord du suicide, l’étalage de vulgarité crasse à la TV, des élections qui opposent des abrutis de gauche à des enfoirés de droite, une montée des nationalismes, tout bonheur, même fugace, même d’un instant est un havre de paix, une oasis dans un désert de déprime. Alors oui, entendre encore une fois un son de guitare connu, se sevrer d’un timbre de voix unique, taper du pied sur une rythmique binaire légendaire est un bienfait qu’il convient de louer à la hauteur de sa contribution d’endorphine. Je n’aurais jamais pensé dire ça d’un album d’AC/DC, mais Power Up est exactement ce dont nous avions besoin pour éviter de sauter dans le vide. Entendons-nous bien, je n’ai jamais été fan du groupe, dont j’aime pourtant un bon paquet de morceaux, et en dehors d’Highway to Hell, de Back In Black et du double live, aucun autre album des australiens ne trouve place sur ma platine, et encore, de temps à autres. Ce qui ne m’empêche pas de respecter le groupe et ses fans, et de bien comprendre pourquoi les frère Young en sont arrivés à ce stade du culte qui tient de l’icône intouchable, eu égard aux services rendus au Rock. Mais autant dire aussi que peu de monde s’attendait à ce que le quintet sorte un album avant sa retraite, au regard des tragédies qui l’ont touché dans un passé proche, et des heurts connus et étalés dans toute la presse spécialisée ou non. Et pourtant, AC/DC est encore là, il est même toujours là, et Power Up, son dix-septième album, est sans doute LE comeback qu’on attendait de leur part. Ce fameux plaisir fugace dont je parlais en introduction.

Cela dit, pouvoir l’écouter tient du miracle. Entre le départ de Brian pour raisons de santé, son remplacement live par Axl « too many burgers » Rose, la retraite de Cliff, et surtout, la mort tragique du plus grand guitariste rythmique de sa génération, le petit frère Malcolm, rien ne laissait présager d’une telle éventualité, encore grotesque il y a trois ans. Mais Power Up est là, et sa naissance n’a rien d’un miracle, ce qui la rend encore plus belle. A l’origine de cette nouvelle épitre, une simple proposition de la maison de disques au triste Angus (qui avait déjà perdu George trois semaines avant Malcolm) de refaire un album. L’écolier, en manque d’action, reçoit la proposition positivement, et attend l’accord du reste du groupe pour lancer la machine. Brian, motivé, reprend alors le micro. Cliff, enthousiasmé sort de sa retraite et rengaine sa basse. Phil, qui a évité la case prison s’installe à la batterie, et Stevie, le neveu d’Angus, reste à sa place et tient la mythique seconde guitare. Une fois assemblé, le groupe ne réfléchit pas longtemps, et sous la houlette d’Angus, décide de dédier ce nouvel effort à la mémoire de Malcolm. Angus qui compose depuis sa naissance avec son frère, fouille dans le carton des souvenirs et exhume un maximum de riffs tricotés par ou avec son frangin. A chaque fois qu’un plan lui semble bon, il le garde, et le propose aux autres. Et de fil en aiguille, le LP prend forme, simplement, sans effort, et le puzzle se complète de la plus logique des façons. Et annoncé avec tambours, trompettes et rifs mortels, l’actualité s’agite de ce comeback, et nous avons droit aux applis qui vous customisent n’importe quel logo aux couleurs et formes du groupe, un nouveau clip, et l’assurance que les australiens sont bien de retour sur les rails.

Encore une fois, ce n’est pas un mordu d’AC/DC qui parle. C’est un amateur de musique, qui a tendu une oreille distraite mais respectueuse sur Black Ice, Rock or Bust, et qui n’en est pas ressorti grandi, ni transcendé. Et je n’affirmerai pas ici que Power Up peut rivaliser avec les grands classiques du groupe, ce qu’il n’est assurément pas capable de faire. Il n’est ni Back in Black, ni Highway to Hell, ni Powerage, ni aucun des chapitres écrits avec Bon ou Brian à la grande époque. Mais il enterre clairement ce que le groupe a produit depuis des années, et ce, de la façon la plus naturelle qui soit. En se concentrant sur l’essentiel, les riffs évidemment, mais aussi la cohésion d’ensemble. En écoutant ce disque, on peut ressentir la joie de ses musiciens au moment de se retrouver ensemble, entre ces chœurs qui sonnent collégiaux, ces tempi martelés par Phil, et cette basse à l’économie de Cliff qui sonne presque joyeuse. Les soli ne sont pas d’anthologie n’ont plus, mais ont cette modestie dont les plus grands font preuve lorsque le plus gros de leur carrière est derrière eux. Et tout ça se sent immédiatement, dès les premières notes de « Realize », introduction parfaite, mais encore plus sur « Kick You When You’re Down », qui fait clairement regretter le temps des concerts, lorsque nous pouvions chanter en cœur entre passionnés, et simplement lever le point, en signe d’allégeance. Même la production du fidèle Brendan O'Brien est presque trop timide face au déballage de moyens d’antan. Mais cette sobriété permet à Cliff de nous gratifier de glissés de basse savoureux sur le délié « Witch's Spell », morceau qui nous replonge directement dans les années 80 du gang. Et c’est d’ailleurs dans ces années-là qu’il faut aller chercher la comparaison, au creux des sillons des mal-aimés Flick of the Switch et Fly on the Wall. Lorsqu’Angus et Malcolm, après avoir écrit les plus grandes pages de leur légende, prenaient un peu de repos et jouaient la légèreté. A l’époque, l’attitude avait été mal prise. Aujourd’hui, elle agit comme une bouffée d’air frais.

La règle : trois minutes et quelques par morceau, pas plus. Mais trois minutes qui permettent les private-joke, comme cette entame de « Demon Fire » louchant méchamment vers « Whole Lotta Rosie ». Ou même moins tiens, sur le bluesy et agréable «Wild Reputation » qui sonne comme un bœuf entre vieux combattants se retrouvant autour d’un feu de camp. Trois minutes et quelques qui nous font oublier des heures d’idées noires, même en se contentant d’un lick classique et d’une ambiance bluesy de bar-band (« No Man’s Land »). Trois minutes et quelques de plaisir collectif, de retrouvailles sacrées, d’une poignée de main et d’une accolade dans le dos, avec en fond sonore, un déhanché de « Systems Down », glissant comme un médiator d’Angus maculé de sueur. Cet album était loin d’être une évidence il y a quelques années, mais aujourd’hui, il en est devenu une, une simplicité qui fait chaud au cœur, et une envie renouvelée, à tel point qu’on a du mal à croire que ces idées sortent d’un vieux carton nostalgique. Il y avait très longtemps que je n’avais pas dodeliné de la tête en écoutant AC/DC, et pourtant, je me suis repassé « Money Shot » des dizaines de fois à la suite, comme si je savourais un « What do you do for Money, Honey ». Quarante minutes, pas plus, mais les saccades habituelles (« Code Red »), du Rock comme s’il en pleuvait d’un ciel pourtant chargé en orage, un Brian en très grande forme, et une unité spéciale entre Phil et Cliff. Un Angus qui joue sobre mais efficace, et un résultat qui défie tous les pronostics établis.

Il fallait que le groupe joue la carte de la famille pour retrouver sa place studio qui lui faisait défaut depuis longtemps. Il fallait qu’AC/DC s’humanise dans l’immédiateté pour reprendre les rênes de sa carrière. Et il fallait que Power Up vienne nous toucher en plein cœur pour qu’il oublie de saigner pendant quelques minutes.

               

                                                                                             

Titres de l’album:

01. Realize

02. Rejection

03. Shot In The Dark

04. Through The Mists Of Time

05. Kick You When You’re Down

06. Witch's Spell

07. Demon Fire

08. Wild Reputation

09. No Man’s Land

10. Systems Down

11. Money Shot

12. Code Red


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par mortne2001 le 12/11/2020 à 15:44
80 %    1188

Commentaires (6) | Ajouter un commentaire


Simony
membre enregistré
13/11/2020, 07:34:09

Et bien, cette chronique me conforte dans mon idée, je pense que je ne vais pas regretter l'acquisition en prévente de cet album. J'ai hâte maintenant...


Humungus
membre enregistré
13/11/2020, 09:32:27

" Alors, oui, NECROPHOBIC comme AC/DC ne change pas grand-chose à sa méthode, n’affiche pas la même longévité et peut encore se permettre d’être provocateur et créatif, mais offre quand même plus qu’un album déjà mâché et prédigéré"

Tu changes d'avis mortne2001 ou ta phrase du 09 octobre dernier pouvait être mal comprise ?


philippe
@194.153.110.6
13/11/2020, 12:37:20

je n accroche pas du tout du tout à ce nouvel album...ac de déchets.


mortne2001
membre enregistré
13/11/2020, 19:39:35

@Humungus : J'ai chroniqué NECROPHOBIC bien avant d'avoir écouté le dernier AC/DC. Je parlais dans cette phrase des albums "relevage de compter pour partir en tournée" comme Black Ice ou Rock or Bust. Si Power Up avait été de ce calibre, je ne l'aurais jamais chroniqué ;)


mortne2001
membre enregistré
13/11/2020, 19:40:14

Je voulais évidemment dire "relevage de compteur".


Humungus
membre enregistré
13/11/2020, 22:31:04

A force de t'encenser, faut bien que je te tacle de temps en temps hé hé hé...

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Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

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Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

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Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

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Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

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