Avant même de commencer la chronique de cet album, c’est déjà le foutoir. Je me perds entre le line-up indiqué sur le site The Metal Archives et sur celui mentionné par les sites s’occupant du cas du groupe. Alors, une seule chose à faire, faire abstraction de ce détail pour parler musique et rester suffisamment vague sur les détails qui ne sont pas si importants que ça. SCARS nous vient de Sao-Paulo, ville historique dans l’histoire de l’extrême Metal, et les brésiliens font partie des plus anciens représentants Thrash du pays encore en activité, malgré un parcours erratique et plusieurs périodes de hiatus. Fondé en 1991, le groupe dans sa première incarnation n’aura eu le temps de ne publier qu’une démo, Ultimate Encore et son titre prophétique en 1994. S’ensuivirent quatre années de silence radio, avant une première séparation de six ans, un couvert remis sur une période indéterminée avec la publication d’un premier et unique LP, Devilgod Alliance, puis une nouvelle planque dans les bunkers de l’underground jusqu’à une reformation il y a deux ans, fêtée comme il se doit avec un live, deux simples et un EP (The V8 Sessions (Vol. 01)) cette même année 2020. 2020 est aussi la bonne année pour sortir un second longue-durée, qui justement en est un, et qui a trouvé le soutien d’un label américain (Brutal Records), pas peu fier de compter dans son écurie un si vieux et crédible poulain de l’histoire du Thrash. Car c’est bien de ça dont il s’agit, même si la musique des brésiliens s’accroche aux branches d’un groove Metal plus moderne pas totalement assumé, mais qui garantit une fluidité relative à un ensemble compact, et non exempt de nombreux défauts.
Comme le soulignait justement un estimable confère d’un webzine concurrent respecté, un LP de Thrash doit-il vraiment s’éterniser et proposer une heure d’assaut ininterrompu ? Doit-on se fader des compositions ambitieuses de plus de six ou sept minutes alors que justement le style réclame de l’immédiateté, et de la méchanceté compacte et efficace ? Telle est la question à laquelle répond sans le vouloir Predatory, qui en cinquante-cinq minutes répète peu ou prou les mêmes recettes sans vraiment changer l’accompagnement, et qui recycle des idées sur quasiment une heure, sans en vérifier la pertinence originale. Rien de grave dans le fond, alors que les références majeures du genre ont justement tendance à s’éterniser pour lâcher des disques à la durée déraisonnable mettant à mal leur inspiration éparse, et si les chansons des SCARS savent se montrer puissantes à l’occasion, la redondance condamne le projet à des itérations irritantes, qui parfois nous donnent le sentiment d’écouter la même piste ad nauseam. Premier problème, les riffs. Loin d’être mémorisables, ils donnent le sentiment de servir de prétexte à la débauche ambiante, et de gimmicks qui n’accrochent pas l’oreille. Or, on sait depuis « Strike of the Beast » ou « Angel of Death » qu’un riff mortel est l’essence même du Thrash et non une simple composante, ce qui a tendance à handicaper ce projet dès les premières secondes. Evidemment, tout n’est pas à rejeter en bloc sur Predatory, et un titre comme « Ancient Power » pourra satisfaire de sa méchanceté et de son tempo relevé tous les amateurs de nostalgie remise au goût du jour. Mais en enchaînant deux chapitres atteignant les treize minutes, le quintet a pris des risques inconsidérés, d’autant que les chansons en question n’ont pas la patine progressive indispensable pour fasciner les esthètes les plus portés sur la technique. Celle des brésiliens est simple, ruer dans les brancards, jouer la lourdeur, et parfois parvenir à trouver LA syncope qui fonctionne, comme celle qui introduit « Sad Darkness Of The Soul ».
Sauf que. Sauf que d’une, le chant très Hardcore et linéaire est vite insupportable. Avec ses inflexions monocordes, il peine à nous maintenir en éveil, comme si un brailleur NYHC se tapait le bœuf avec le SEPULTURA période post-Max, ce qui ne manque pas de créer un décalage plutôt gênant dans les faits. Sauf que d’autre part, les interventions sont trop longues, la plupart dépassant les cinq minutes, sans vraiment proposer assez de plans pour justifier le chronomètre. Alors, je le concède, parfois, le headbanging est provoqué de façon assez futée, sur « Ghostly Shadows » qui donne quand même méchamment la pèche, mais alourdi par une production standard qui ne permet pas au groupe de mettre son identité en valeur, Predatory sonne si générique qu’il ressemble à un bréviaire à l’usage des débutants Thrash désireux d’apprendre les rudiments du genre. On sent que le combo à les moyens de s’extirper de sa condition (« The 72 Faces Of God » est quand même bien velu et l’un des rares à s’accommoder de ce chant si particulier), mais en choisissant de multiplier les actes de violence dilués dans la durée, les SCARS se noient dans leur propre formalisme, malgré quelques soli bien troussés, des breaks classiques qui tombent pile, et quelques licks qui restent accrochés aux tympans. En résulte un album qu’on interrompt à plusieurs reprises pour ne pas rester en apnée, et dans lequel on n’a pas forcément envie de se replonger après avoir séché. En synthétisant leurs idées et en modérant leur enthousiasme lié à leur retour en force, les cinq brésiliens auraient gagné en cohérence, plutôt que de proposer un disque qu’on oublie assez rapidement pour cause de lassitude accentuée.
On peut être un vétéran de la scène et commettre des erreurs, essayer de faire du GRIP INC ou du WARBRINGER avec maladresse, et rater la cible pour cause d’ambitions un peu trop grandes par rapport à ses moyens. Mais ne tirons pas sur l’ambulance, et en expurgeant Predatory de ses nombreuses scories, on peut le ramener à un timing raisonnable de vingt-huit minutes acceptables. Soit la durée idéale pour un album de Thrash qui se respecte.
Titres de l’album:
01. Predatory
02. These Bloody Days
03. Ancient Power
04. Sad Darkness Of The Soul
05. The Unsung Requiem
06. Ghostly Shadows
07. The 72 Faces Of God
08. Beyond The Valley Of Despair
09. Violent Show
10. Armageddon
11. Silent Force
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