Vous le savez si vous suivez plus ou moins régulièrement mes écrits, les groupes inclassables, c’est mon crédo, ma foi, ma catharsis. Il n’existe rien qui m’enthousiasme plus qu’un combo qui fait tomber les barrières, qui refuse les cloisonnements, et qui joue sa musique, en dehors de toute limite. Un groupe qu’on ne peut pas ranger sur une étagère entre le Apocalyptic Raids d’HELLHAMMER et le Fame Monster de Lady Gaga. Des disques qui ne se placent pas d’eux-mêmes dans l’interstice séparant le premier UZEB du dernier SHOW ME THE BODY.
Des œuvres qui évoluent dans une dimension parallèle, où le temps et l’espace ne sont pas des données physiquement figées, mais mouvantes, et assujetties à des variables de calcul. En gros, j’aime perdre mes repères, déambuler dans des couloirs en quatre dimensions qui me font pousser des portes qui mènent sur des univers qui n’existent pas.
Alors, un groupe comme KRALLICE pour moi, c’est une sorte de guide pas zen du tout, qui m’attache un bandeau sur les yeux et me fait tourner fou avant de me relâcher sans m’indiquer la direction à suivre.
Et ce, malgré les deux voix combinées de leur guitariste et de leur bassiste qui se partagent les interventions.
KRALLICE depuis 2007, c’est une constante dans la démesure, une logique dans l’illogisme. Cinq albums, un single, et deux EP, dont un en début d’année dernière, Hyperion, qui comme d’habitude, nous perdait dans la stratosphère d’un avant-gardisme tout sauf boursouflé.
Avant-garde. Pour beaucoup, c’est devenu un gimmick, un autocollant qu’on place sur des pochettes virtuelles pour prévenir d’aspirations artistiques qui ne sont souvent que poudre de perlimpinpin aux yeux embués.
Sauf que dans le cas de Colin Marston (guitare), Mick Barr (chant et guitare), Nicholas McMaster (basse et chant) et Lev Weinstein (batterie), le mot est juste, comme le verbe, et les intentions claires comme une équation insoluble posée sur un tableau d’infortune.
La craie ? Leur musique, leur technique, leur absence de complexes, et leur désir d’aller plus loin que n’importe qui.
Si vous connaissez la musique de ces mathématiciens de l’extrême, vous savez que l’écoute d’un de leurs albums requiert une attention toute particulière. Un peu comme suivre un film de Lynch ou Resnais, une fois la piste perdue, on ne peut plus se raccrocher aux branches.
Celles que vous tendent les New-yorkais sont une fois de plus biscornues, et vous permettent à peine de tenir en équilibre instable. Les quatre morceaux de ce nouveau long (ou EP ? Qui le sait ?) qui fut lâché non sans arrière-pensée au moment du solstice d’hiver sont une fois de plus d’une complexité et d’une densité qu’aucun autre groupe ne peut prétendre approcher, même de très loin. Prelapsarian, plus qu’un simple disque de plus à ajouter à leur discographie si riche est une étape supplémentaire sur la route de la déconstruction globale, celle de la brutalité, de la complexité, de la densité, de la folie instrumentale, données qui atteignent des pics dans le cas du quatuor qui finalement, n’a pratiquement jamais composé un morceau tenant debout comme une simple chanson Rock.
Mais ils ne font pas de Rock. Les critiques au verbe facile vous parleront de Black d’avant-garde, les plus feignants de Techno-Death poussé à l’extrême.
Certains évoqueront des noms, peut-être ceux de WOLVES IN THE THRONE ROOM, de VAURA, de BEHOLD THE ARCTOPUS, de DROTTNAR, mais toutes ces comparaisons n’auront pas beau jeu face à l’étalage de capacités hallucinantes dont ces quatre musiciens font preuve, tout en restant d’une violence inouïe, et d’une noirceur de poix.
On pourrait suggérer un croisement de fortune entre un RUSH négatif de l’autre côté du miroir et un ATHEIST onirique de cauchemar perdu dans les délires de Lewis Carroll, dont la rencontre amuserait beaucoup Trey Azagthoth et Morgan de MARDUK, et finalement, on ne serait pas si loin que ça d’un parallèle presque vrai.
Toujours est-il qu’une fois encore, les KRALLICE nous prennent de face mais à revers, et qu’ils parviennent en seulement quatre morceaux à nous rendre fous, de plaisir, de démence musicale, et d’interrogations multiples.
Cette musique est-elle jouée par des êtres humains doués de sentiments empathiques ?
Post Black, BM, Post Death, Death progressif, Metal Progressif, Jazz Rock Black, Post Ambient, dadaïste et prosélyte, renfermé mais généreux, Prelapsarian, en à peine une demi-heure remet les pendules à la sienne, et continue les expériences de Ygg huur, dont on retrouve de sales traces sur le lapidaire « Hate Power », étonnant single sorti en amont qui n’atteint même pas les quatre minutes.
Mais au-delà de cet avertissement, ce sixième LP se fond en deux compositions de longue haleine, qui déboulent sans vraiment prévenir et nous affolent de leurs signatures rythmiques impensables, de leur petit jeu de dupes et de montages russes qui ne semblent admettre ni haut ni bas inatteignables.
De plans de basse acrobatiques en riffs à peine croyables, d’une dualité vocale schizophrénique à des exercices rythmiques à faire rougir le fils de Neil Peart et Terry Bozzio accro au crack des triples croches, « Transformation Chronicles » en intro de plus de douze minutes vous fait abandonner de vous-même tout jugement rationnel pour vous laisser plonger dans un rêve où se côtoient les fantômes d’EMPEROR et de VEKTOR, dans un ballet sans chaînes qui flotte au-dessus de la conscience collective « raisonnable ».
« Lotus Throne », ou comment ridiculiser des croyances qu’on pensait irréfutables, et renvoyer dans les cordes les CYNIC, ATHEIST, WATCHTOWER sans forcer son talent, et en fondant le Jazz dans une centrale de Black torride et poisseux, sans jamais se départir de cette propension à renier le temps et les coordonnées géographiques.
Je suis là, je ne suis plus là, je suis Black, je suis classique, je suis progressif, je ne suis plus là, et les échos des partitions flottent encore dans l’air, entre deux breaks malsains, entre deux riffs circulaires qui foutent les jetons, et deux écrasements de basse qui pourtant en placent toujours autant sur la portée.
Ils se permettent même un joli down tempo presque régulier, qui finalement découle sur une partie encore plus complexe que le reste, qui tourbillonne et nous rend dingues. Si Boulez avait conduit de sa baguette les exactions d’un GERYON affolé de ne pas avoir le temps de finir ses phrases musicales, l’ambiance n’eut pas été différente, juste un peu moins enivrante.
Montez dans la capsule et faites confiance à l’élastique qui vous y rattache. Et dites-vous à chaque seconde qu’il est susceptible de lâcher.
Vous ne savez pas où et quand vous allez atterrir ? C’est le but, et les sensations proposées.
Et finalement, Prelapsarian sera certainement le meilleur album de 2075 qui soit sorti en 2016. Mais même à cette époque-là, il ne sera pas compris mieux qu’aujourd’hui.
Titres de l'album:
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