Not let boring controversy begins…
C’est ainsi que Chris Welch débutait sa chronique de Sgt Pepper dans le Melody Maker, le 3 juin 1967. Il faut dire qu’à l’époque, dans certains quartiers de Californie, l’album résonnait de fenêtre en fenêtre, comme émanant d’un tourne-disque géant à l’aiguille de diamant. Il y a plus de cinquante ans, le chef d’œuvre ultime des BEATLES donnait lieu à des affrontements de fans et de néophytes, d’amateurs passionnés et de spécialistes, médusés par sa complexité et son désir de fédérer en allant plus loin que n’importe qui jusqu’à lors. Depuis, d’autres sorties, moins iconiques et universelles se sont affrontées sur le terrain de la controverse, le concept dépassant de loin les simples ambitions artistiques. Car il convient de préciser qu’un album, aussi emphatique et dramatique soit-il, aussi énormes soient ses enjeux, n’en reste pas moins au départ une simple affaire de ressenti, d’amour, une déclaration d’intention n’ayant d’autre but que de distraire, d’offrir un peu de plaisir dans un monde ou la joie devient un luxe, et le bonheur une denrée rare qui se paie comptant. Et sans vouloir dresser un historique des groupes qui ont un jour déchaîné les opinions contradictoires, je peux quand même affirmer que le dernier album de GHOST s’apprête à enrichir une liste déjà longue de masterpieces et de tentatives foirées. Mais quel est le véritable problème de GHOST ? Ses certitudes, ses doutes, son décorum, le barnum qui selon certains peine à cacher un manque d’inspiration tenace ? Son concept glorifié qui semble gêner les puristes qui préfèreront toujours le passéisme et la fausse humilité d’une vieille Télécaster directement branchée sur un ampli ? Je n’ai pas de réponse à cette question , mais je peux au moins dire que les suédois ont rejoint au panthéon des ensembles vaniteux les figures pieuses de KISS, de SLIPKNOT, de METALLICA, et de tous ceux qui ont à un moment donné du prouver leur valeur par leur talent, et non leur sens du marketing, bien que les deux ne soient pas incompatibles.
Je ne reviendrai pas ici sur le succès météorique de Meliora, ni sur la refonte totale du scénario, qui a vu deux acteurs majeurs se voir indiquer la porte de sortie sans ménagement. Précisons pour le souci du détail que les deux guitaristes Martin Persner et Simon Soderberg ont quitté (ont été jeté hors ?) du navire par Tobias Forge, et que ce dernier s’est inventé une nouvelle figure centrale, ce Cardinal Copia qui semble tout droit sorti d’un pastiche de Brian De Palma. Mais tout ça, vous le savez déjà, comme vous avez tous déjà vu les clips balancés sur la toile comme autant de teasers d’un film pour les oreilles qui a fait bien plus que mettre en appétit. La curée est lancée depuis des semaines déjà, depuis que le groupe a osé dévoiler une partie de son plan qu’il a mis à exécution le premier de ce mois, et qui sous le titre assez culotté de Prequelle a déjà enflammé la toile. D’où cette pénible controverse qu’il a déjà suscitée, les pro et anti s’affrontant à coups de métaphores usées, de traits d’esprit fatigués, d’hagiographies boursouflées et de dithyrambes lyriques tout aussi déplacées. Car non, Prequelle n’est pas l’épiphanie annoncée par les gnostiques, elle n’est pas non plus le retour du messie crucifié sur l’autel du mercantilisme de la déification artistique, c’est juste un nouvel album, peut-être moins bon que les précédents, mais en tout cas, différent, et ça, que vous fassiez preuve de mauvaise foi du contraire ou non, est révélateur des plus grands, ceux qui refusent de se voir cantonné dans un rôle un peu trop précis, engoncés dans un costume qui n’est pas à leur taille. Car ce nouvel épisode de la saga GHOST est du sur-mesure, et non du prêt-à-porter pour que les masses s’affichent fièrement avec le dernier t-shirt à la mode. Tobias Forge est beaucoup trop intelligent pour céder à la facilité de la séduction de masse, et réserve une fois de plus son goût de l’étoffe aux plus tolérants, aux plus accommodants, et surtout, aux plus ouverts d’entre nous. Non qu’il soit impossible de détester cet album, puisque son auteur lui-même nous donne moult raisons de le haïr. Cette production d’abord, aussi slick qu’un blockbuster ravageant le box-office, et signée Tom Dalgety (Opeth, Royal Blood), polie par un mixage qui l’est trop pour être honnête d’Andy Wallace (Nirvana, Slayer, Bruce Springsteen, Faith No More), celui-là même qui en son temps avait donné cette patine si Pop au Nevermind de qui vous savez et qui avait pourtant réussi à le transformer en machine de guerre pour charts en mal de nouveaux héros.
Mais alors, qu’est ce qui coince sur ce disque, qui finalement, n’est pas forcément si éloigné que ça dans le temps et l’espace des travaux antérieurs du suédois chapeauté ? Sa brillance qui fait reluire les idées les plus putassières ? Sa facilité déconcertante à brouiller les frontières entre la Pop et le Rock, entre les dancefloor et le béton des usines abandonnées dans lesquelles ont vient achever les traîtres ? Son génie harmonique qui dévie des dogmes si respectés dans un style Hard-Rock la plupart du temps trop cloisonné pour accepter de se fondre dans des possibilités moins rigides ? Non, car ça, la centaine de musiciens suédois en activité ces dix dernières années s’en sont déjà chargés, et nous ont fait comprendre que le Rock, aussi aride soit-il s’accommode toujours aussi bien d’harmonies célestes et de compromis. Sont-ce donc ces ballades récurrentes qui rapprochent le groupe d’une décalque à peine déguisée de monstre des 70’s en pleine crise de romantisme ? Ce « Pro Memoria », empreint de tristesse et de perte des héros passés, les Lemmy, les Prince, les Bowie qui resteront éternellement des Dorian Grey sans rides et sans cicatrices, le visage reflété par le miroir de leur propre audace ? Ça pourrait être tout ça, cette direction générale qui privilégie le doux aux aspérités, cette façon de concevoir l’avenir comme un faux miroir du passé, mais surtout, le fait que les GHOST et Tobias plus précisément se foutent complètement de ce qu’on pourrait penser d’eux, et qui se livrent à une des manipulations les plus intelligentes du business depuis le séminal Imagine de Lennon. Une manière à peine cachée de nous envoyer nous faire foutre en décidant de jouer la carte de la simplicité la plus fourbe qui soit, et de refuser le magnum opus en lui privilégiant la sincérité. Ou mieux, comme John il y a plus de quarante ans, d’enrober le message nihiliste dans une épaisse couche de sucre pour que les masses acceptent la dime comme une confiserie qui s’avère plus acide au palais qu’une dose de poivre avalée d’un trait (« Witch Image », plus proche de la perfection tout en assumant sa trahison, c’est impossible, et avec de bonnes raisons…).
Alors certes, « Rats » et sa démarque de MAIDEN version HELMET, le tout frappé du sceau THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA produit par Giorgio Moroder, c’est malin, mais classique. Alors oui, le faux Doom disco de « Faith » n’est qu’une habile manière de capitaliser sur un glorieux passé pour s’assurer un futur live des plus sombres. Mais comme Tobias l’a affirmé, cet album, c’est aussi une façon de percer les ténèbres pour y voir la lumière, sauf que derrière la pénombre, il y a plus qu’une simple lampe de chevet divine répandant sa chaleur à quelques centimètres à la ronde. Il y a une énorme boule à facettes qui dévoile par énigmes l’identité d’un concept beaucoup plus intelligent qu’il n’y parait. Pour le prouver, je pourrais citer le Hard-Rock faussement sale de démiurge de « Dance Macabre », l’un des trucs les plus volontairement populaires du lot. Ou les deux succulentes reprises qui clôturent l’effort, et qui permettent aux PET SHOP BOYS et à COHEN de se refaire une place dans une actualité qu’ils auraient pu apprécier, d’autant plus que ces deux réappropriations, plus que des astuces, sonnent comme de véritables hommages. Mais le plus honnête serait sans doute possible de vous aiguiller vers une petite pépite, qui au prime abord ne paie pas de mine, et qui se cache à mi-parcours, comme pour ne pas être repérée trop vite. Cet instrumental qui semble servir de transition, mais qui finalement est le véritable pivot de l’album, celui qui prouve que l’ombre de Michael Mann et du YES des années 80 plane sur cette réalisation un peu plus bas qu’on ne pensait. Ce petit miracle d’ambitions progressives, qui profite d’une rythmique synthétique mais foncièrement Pomp pour faire le job, et repasser les nouveaux costumes à la blancheur immaculée, et qui juxtapose l’insouciance crasse d’une décennie acclamée et devenue une référence, et le réalisme d’un nouveau siècle qui a compris que la nostalgie n’était pas qu’un argument de vente, mais bien un aveu quelque part. Car « Miasma » est sans doute la plus belle progression dramatique que vous pourrez entendre cette année, et même l’année prochaine. Avec ses claviers tendant des perches flagrantes reliant les news romantics aux chantres du Hard-FM, avec son saxo exhumé d’une nuit sans brouillard filmée en pellicule, du 16mm gonflé en 35, et son final en baiser volé au coin d’une rue de passe près d’un hôtel borgne, « Miasma » justifie à lui-seul l’achat de cet album, trop intelligent pour nous laisser dupe, mais suffisamment naïf pour faire fondre les sceptiques.
Loin de se désincarner et de disparaître dans les tréfonds des effets de mode éphémères, GHOST se réincarne, troque sa papauté de clinquant en vous forçant à cliquer pour des deals de gangster à la petite semaine, mais réalise le plus gros hold-up jamais commis en plein jour. En guise de Hard Rock léché et harmonique, il vide les coffres et n’y laisse qu’un tableau de Synth-Pop spectrale à peine emballé dans un joli paquet de riffs policés et soignés comme un dernier Noël de condamné. Nous aurions beau jeu de préparer la sépulture pour une mise en terre prématurée, mais la vie qui anime les sillons de ce nouveau bébé en font plus une créature divine qu’un mort-né promis aux bidons de matières organiques dangereuses pour la santé. Une Prequelle qui laissera bien des séquelles dans les esprits chagrins et dans le cœur des pourfendeurs de grandes causes. Mais les causes les plus anecdotiques sont souvent les plus nobles. Alors, laissons la controverse mourir de sa belle mort. Puisque GHOST est sans aucun doute possible le plus grand groupe mineur d’une époque de nostalgie majeure.
Titres de l'album:
1. Ashes
2. Rats
3. Faith
4. See The Light
5. Miasma
6. Dance Macabre
7. Pro Memoria
8. Witch Image
9. Helvetesfonster
10. Life Eternal
11. It's A Sin (Pet Shop Boys cover, deluxe edition)
12. Avalanche (Léonard Cohen cover, deluxe edition)
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