Preyer

Ilsa

20/11/2020

Relapse Records

En tout bon amateur de B movies que vous êtes (et j’ose à penser que vous l’êtes, sinon, vous n’avez rien à faire là), vous n’avez pas pu oublier cette tétralogie d’exploitation des années 70, mettant en scène la terrible Ilsa et ses protubérances mammaires proportionnelles à sa cruauté. A travers ces quatre films, la belle et sadique Ilsa a endossé le costume de louve des SS, de gardienne du harem, de tigresse du goulag, et même de pénitencier à travers la caméra lubrique de notre bon vieux Jess Franco. Connaissant toujours des fins tragiques, mais revenant telle le boogeyman sexy qu’elle a toujours été, cette brave Ilsa aura meublé les fantasmes de notre enfance, décrivant des prisonniers juifs joufflus et en bonne santé, foulant du pied le bon goût du respect de la mémoire de l’histoire. Ces films, gentiment sexy et poliment malsains appartiennent désormais au passé, mais reflétaient avec exactitude l’aptitude des seventies à s’emparer de n’importe quel thème tragique pour le transformer en étron grindhouse, reflet d’une époque où la liberté d’expression revêtait des atours pour le moins discutables. Quarante ans plus tard, ILSA ne montre plus ses énormes obus, mais fait de la musique du côté de Washington, et reflète toujours les obsessions de son époque. Et à époque plus que trouble musique stridente et souffreteuse, puisque cette incarnation moderne d’ILSA se concentre sur des thèmes sombres, glauques, au travers d’un médium musical d’une puissance assourdissante, au moins autant que le silence complice des institutions en place face à la souffrance humaine.

Plus simplement, ILSA, le sextet, prouve depuis 2008 que les extrêmes en termes de Doom et de Sludge n’ont pas encore été atteints, et que le morbide purulent tartiné par les ENCOFFINATION s’accommodait très bien du putride virulent terrassé par les EYEHATEGOD. Avec déjà six LPs au compteur, ces musiciens sans loi mais avec foi (Orion – chant, Brendan – guitare, Dylan - guitare, Tim – guitare, Sharad – basse, et Joshy – batterie) se concentrent toujours sur leur lutte contre le fascisme d’une religion organisée, sur les injustices les plus flagrantes, mais aussi sur les histoires sombres de serial-killers dégénérés. Ainsi, Preyer propose une fois encore d’aborder le cas de Sean Sellers, premier condamné à mort aux Etats-Unis pour un crime commis alors qu’il était encore mineur, se servant de samples de conversations de l’homme que l’on retrouve en intro de l’aplatissant « Epigraph ». De la légèreté donc, une atmosphère propice aux confidences coquines, aux anecdotes cocasses, et une vision du monde lumineuse qui trouve son achèvement dans une musique abordable, harmonieuse, subtile et totalement radiophonique. Blague à part, ILSA n’a pas dévié d’un iota de son parcours chaotique entamé en 2009 avec The Maggots Are Hungry, et si les asticots ont toujours la dalle, les six musiciens sont toujours aussi motivés à décrire leur nourriture spirituelle au moyen d’un Doom largement souillé de Death, et parfois épicé d’une pincée de Crust.

Dans les faits, ILSA est unique, parce que sans doute le plus malsain du marché. Corpse Fortress il y a deux ans ne déclenchait pas de réaction de joie épidermique, et Preyer ne suscitera pas plus de sourires, à part chez les psychopathes n’envisageant la vie que sous son aspect le plus macabre et désabusé. Comme d’habitude, le groupe n’a retenu que ses riffs les plus lourds, oppressants et moisis, triturés par un trio qui n’a rien de sudiste dans son attitude, mais qui permet aux cordes de sonner encore plus graves qu’un diagnostic fatal. Trois guitares pour le même thème, voilà de quoi mettre l’emphase sur le malaise, qui dure exactement quarante-cinq minutes, et qui suit une logique monolithique implacable. Car chez les ILSA, tout est laid, effrayant, menaçant, glauque, suintant, dégoulinant de crasse et de sueur, et ce sixième LP n’échappe pas à la règle. Soutenu par le géant Relapse, certainement très satisfait du résultat totalement 2020, qui colle si parfaitement à son époque qu’on pourrait l’appréhender comme une période de confinement avec les pires tarés de la planète, n’ayant clairement pas de bonnes intentions à notre égard. Preyer a tout d’une vieille cave décatie et sordide, encombrée d’objets rouillés, d’ustensiles pointus et coupants, dont le sol en terre battue est jonché d’ossements, de cranes de tailles variées, aux murs maculés de sang séché, et au soupirail fatigué ne laissant filtrer qu’un mince rai de lumière. Une cave dans laquelle on étouffe, et où les poumons subissent la dure loi de l’humidité, avant qu’un maniaque ne descende le vieil escalier en bois pour se livrer aux pires sévices.

En gros, et pour faire la synthèse, Preyer incarne à merveille cette sordide année 2020 en accentuant le désespoir, la nausée, et les envies d’en finir d’une population qui a du mal à comprendre des décisions gouvernementales erratiques. Une période noire qui se confond avec cette bande-son parfaitement ignoble, qui cumule les pires travers du Death et du Doom dans un ballet parfois étourdissant de vilénie (« Widdershins »), et qui se souvient des pires sévices de la vague NOLA des années 90 (« Behind the Veil », monstrueux de groove malsain). Et si le Crust ne se manifeste que de façon très éparse, principalement sur « Shibboleth » que le combo a illustré d’une vilaine vidéo, le reste de l’album n’est que lourdeur, pesanteur, suffocation, et plaira aux amateurs d’une musique Heavy et sans concession, comme une version d’INCANTATION joué par des maniaques. Et le spectre de Sean Sellers plane au-dessus de ce sixième longue-durée, à tel point qu’on le retrouve pour l’épilogue maladif « The Square Coliseum » qui prend un malin plaisir à ridiculiser tous les efforts de PRIMTIVE MAN pour sonner le plus perverti et diabolique.

Rien à dire de plus d’un LP que les fans disséqueront comme une pauvre victime passant au mauvais endroit au mauvais moment. Et si jamais vous cherchiez la bonne musique pour en finir avec la vie, alors soyez heureux une dernière fois, vous l’avez trouvée.                          

              

                                                                                                                               

Titres de l’album:

01. Epigraph

02. Poor Devil

03. Moonflower

04. Shibboleth

05. Mother of God

06. Scavengers

07. Widdershins

08. Preyer

09. Lady Diamond

10. Behind the Veil

11. The Square Coliseum


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 09/02/2021 à 14:20
82 %    663

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chazz

Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)

17/01/2025, 22:44

Bill BAroud

Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !

17/01/2025, 17:03

Humungus

Le coup de la goutte de résine, ça va me faire la soirée...

17/01/2025, 16:52

senior canardo

2 sisters 1 cup ! haha joli pochette

17/01/2025, 10:02

Seb

J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.

16/01/2025, 18:21

MorbidOM

Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

16/01/2025, 12:15

Jus de cadavre

Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.

16/01/2025, 10:22

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Styx

Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)

15/01/2025, 12:58

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49