Le Rock, et quoi d’autre ? Rien puisqu’à la base du Blues, l’objectif était clair : chanter avec son âme, mettre sa personnalité à nu, et entraîner le public dans un monde où tout est permis, même de croire que nous sommes tous égaux. Alors, depuis les débuts des années 50 et ces petits blancs piquant aux afro-américains leur son, jusqu’à aujourd’hui et ces ramifications toujours plus denses, rien n’a vraiment changé. Le nombre de groupes en activité est devenu gigantesque, et il n’est pas toujours facile de faire la différence entre un Hard-Rock joué avec les tripes, et un Hard-Rock qui aimerait bien être joué avec les tripes.
Accrochez-vous aux rideaux, et cramponnez-vous au pinceau, je retire l’échelle. Direction l’asile de fous des seventies, avec son cortège de drogues, d’alcool, de groupies charnues. La belle époque des CACTUS, SIR LORD BALTIMORE, des fulgurances du JEFF BECK GROUP, et évidemment, du ZEP, du SAB’, BLUE CHEER, etc…
Les LA CHINGA ne sont ni américains, ni anglais. Ils sont canadiens, de Vancouver, et s’activent depuis 2012 dans leur local de répète et sur les scènes du monde. Quelques albums pour asseoir la réputation, et une impulsion, celle d’un Hard joué pleine bourre, les watts à fond les ballons, et les cheveux balayant l’espace. Power-trio dans le sens le plus noble du terme, LA CHINGA cite ses idoles, mais joue comme si sa vie en dépendait. Loin d’un trip psychédélique fumant et finalement peu inspirant, les trois acolytes soudés comme un fil de cuivre sur une résistance s’adonnent au plaisir d’un Rock joué dur et mélodique, comme si ces satanées seventies référentielles étaient finalement le seul mètre-étalon capable de reconnaître le vrai talent au milieu d’un océan de plagiat.
Carl Spackler (basse/chant), Ben Yardley (guitare/chant) et Jason Solyom (batterie) sont un peu les cousins éloignés de nos DATCHA MANDALA, et des BLACK CROWES, des contemporains de GRETA VAN FLEET, mais surtout, des érudits qui savent placer la bonne rime après le bon riff. Un peu STONES en version cartoon et plus abordable pour les mères de famille californiennes, LA CHINGA nous offre avec ce torride Primal Forces un état des lieux de la sueur dépensée, un bilan des scènes arpentées, et un rapide résumé du nombre de fans dans le public acquis à leur cause. Rien de bien révolutionnaire, mais de l‘honnêteté, de la sincérité, et une capacité incroyable à faire trembler les murs, sur lesquels sont collés des amplis Orange, trafiqués avec du matos Marshall.
Inutile de trop réfléchir cependant, puisque ce nouveau disque donne le sentiment d’avoir été enregistré live dans la même pièce. Un minimum d’effets, des arrangements réduits à la portion congrue, mais un chant qui sent bon Paul Rodgers, et une guitare qui paie sa dime aux légendes Iommi/Page. Une batterie si solide qu’elle ferait passer les monstres Bonham et Powell pour de gentils maréchaux-ferrants débutants, et roule ma poule, jusqu’à la prochaine ville pour contaminer d’autres âmes esseulées réclamant un peu d’attention décibellique.
Les décibels justement, sont forts ici. Très forts, très gras, entre Stoner et Proto-Desert-Rock, à la manière d’un Vincebus Eruptum légèrement allégé, et débarrassé de tout son cortège de Hells Angels.
Le groove, le stupre, les accents sexuels d’une moue lippue après un énorme riff à faire bander Keith lui-même (il en est encore capable, et sans viagra !), tout est là, y compris l’urgence, ce grain de folie, et cette patine vintage qui refuse la copie carbone pour mieux allumer le dernier joint.
Il est assez bluffant de constater dès la première écoute que ce tracklisting ne cède aucun pouce de terrain à la facilité. Les hymnes se succèdent comme s’ils étaient pondus par une poule très fertile, et dont les œufs énormes font la joie du voisinage. Sorte de ferme bio expérimentale avec couveuses, serres, et herbes rares, LA CHINGA produit la qualité comme s’il en pleuvait, et annonce une campagne live qui va laisser des traces. De fumier, mais aussi de gasoil.
Primal Forces est exactement le genre de disque dont notre époque troublée à besoin pour oublier un peu ses traumas et autres discordes. Entre NWOBHM dix ans avant l’heure, Blues-Rock joué avec les potards poussés à 11, Heavy Metal chafouin et barbu, et Rock en salopette pour ne pas se couvrir de graisse, LA CHINGA se joue des codes et des normes pour simplement brancher ses instruments, et envoyer la sauce. Et cette sauce coule le long de la viande musicale avec une sensualité brute, assis à la table d’un restauroute quelconque du côté de la banlieue de Vancouver.
Le purisme anglais au service de la décontraction américaine. Une formule qui en vaut une autre, mais qui résume assez bien l’affaire. Une affaire claire comme de l’eau de Rock, et qui se règle les yeux dans les yeux et les oreilles dans le juke-box.
Un peu de passion dans un monde d’apparence sans transparence.
Titres de l’album:
01. Light It Up
02. Ride The Dragon
03. Bolt of Lightning
04. Backs To The Wall
05. Witch’s Heart
06. The Call
07. Stars Fall
08. Rings Of Horsepower
09. Electric Eliminator
10. Motorboogie
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