Procrastiner, c’est bien, c’est cool. Tout remettre à demain aussi. Faire comme s’il n’y avait rien à faire, c’est pas mal non plus. Croire que les problèmes du monde vont s’arranger d’eux-mêmes si on n’y pense pas, c’est sympa. Sauf que ça ne sert à rien, puisque rien ne va s’arranger tout seul. Vous avez déjà vu le gond d’une porte se remettre dans son axe sans intervention humaine ? Ou une crise économique déboucher sur une reprise sans que le gouvernement n’y mette son nez ? Bien sûr, je connais le refrain, le capitalisme, les banques, les industries pharmaceutique, pétrolière, de l’armement, le patronat, tous à la botte du Dieu argent, alors que faire sinon vivre sa vie sans se préoccuper de celle des autres ? Et en musique, c’est la même chose…Pas de salle, un circuit de promotion inexistant, des labels voraces qui vous bouffent vos dividendes, des fans qui ne se déplacent pas pour voir les concerts…
Bla, bla, la rengaine habituelle. On la connaît tous puisqu’elle nous est refourguée à toutes les sauces. Pourtant, de par le monde, des groupes jouent, enregistrent, sans se plaindre. Leur recette miracle ? Ils sont conscients des réalités du marché, et choisissent une voie alternative, sans rechigner. Une voie qui exige de la discipline, et aussi une bonne dose d’abnégation. Celle du DIY, de l’éthique, du « jouer là où l’on peut », tout en refusant de jouer n’importe où et de cautionner n’importe quoi. C’est en tout cas l’attitude prônée par les grecs de PROCRASTINATE, qui depuis des années, font leur trou dans leur coin, sans s’apitoyer sur leur pauvre sort. Sort qui est d’ailleurs enviable, si l’on considère leur parcours…
Les mecs ont des principes, et n’y dérogent pas. Dans la grande tradition Hardcore séculaire, ils refusent toute forme de discrimination, rejettent l’homophobie, le sexisme, le racisme, le capitalisme, et propagent leur message au travers d’une musique sombre mais réaliste, qu’ils se refusent à définir avec précision, préférant que leurs auditeurs s’en chargent. De fait, et en tant qu’auditeur avant d’être chroniqueur, je me permets donc d’appliquer leur consigne en vous indiquant que ce quintette (T. – chant, A. – guitare/chœurs, C. – guitare, C. – basse et K. – batterie) joue un teigneux mélange de Crust, de Hardcore, de Darkcore, et qu’il propose avec ce LP éponyme sa première œuvre longue durée, disponible en numérique et vinyle, tous vendus sur son Bandcamp. La version dématérialisée est d’ailleurs téléchargeable en NYP, ce qui en dit long sur leur optique…Et à ce prix-là comme on dit, il serait inconscient de s’en dispenser, tant la musique des PROCRASTINATE gagne à être connue. Evidemment, on connaît les accointances, mais les grecs tiennent la distance en multipliant les ambiances, toujours plombées, souvent poisseuses, parfois rapides, souvent teigneuses, sans pour autant négliger l’apport indispensable de mélodies qui loin d’aérer l’ensemble, ont tendance à encore plus en accentuer la mélancolie. Si les parties Crust/D-beat ont visiblement tiré parti des enseignements scandinaves en la matière, avec cette dilution des BMP dans des harmonies un peu amères, les segments plus pesants semblent se situer en convergence de toutes les excroissances modernes du Hardcore, sans pour autant occulter complètement cette patine Metal qui le rend si agressifs.
Du très bon boulot certes, pour une bonne demi-heure de Crustcore moderne et mal dans son époque, dans un pays ravagé par le chômage et la crise, et soumis au diktat d’austérité économique imposé par l’Allemagne. Alors, on en parle justement, comme de toutes les autres injustices qui sidèrent, ce qui confère à ce premier album un doux parfum contestataire, qui ajoute une belle plus-value à son engagement volontaire. Révolte contre la misère, l’enfance sacrifiée sur l’autel du profit, ces ailes brisées qui vous empêchent d’atteindre votre propre paradis, sur fond de musique incroyablement puissante qui prend quand même le temps de se vouloir aussi envoutante.
Les morceaux défilent, et difficile de trouver le moindre angle mort pour en minimiser l’impact, puisque tous sont portés par des motifs qui rebondissent du tac au tac. Les riffs oscillent entre les saccades bien distillées et les accords plaqués, les arpèges anémiés, et les harmonies déprimées, sans pour autant que l’ambiance ne dégénère en enterrement de troisième classe. Ici, on a toujours de l’espoir, mais il sait rester lucide, et peut compter sur une implication dévouée pour éclater. Alors, des compositions aussi percutantes que « Bygones », ou « Nothing To Harvest », qui jouent merveilleusement bien avec les cassures progressives, agrémentent un premier album qu’on sent plein de maturité, et profitant d’une expérience scénique bien rodée. Les instrumentistes maîtrisent, le chanteur vocalise sec, mais cherche quand même la nuance bien grise pour ne pas tomber dans la redite gonflante, et la section rythmique, sans prôner l’ambivalence, alterne, digresse et mène la danse d’un tempo d’enfer qui catapulte un « Wallflowers » direct hors de l’enfer.
L’enfer, c’est ce quotidien que tout le monde doit supporter, le petit peuple encore plus que les autres. C’est aussi l’enfer des femmes harcelées, des homosexuels moqués et persécutés, des travailleurs exploités, des migrants stigmatisés, qui trouvent ici un porte-parole digne de leur souffrance. C’est aussi ces enfants qui regardent le ciel de leur avenir s’assombrir, et qui voient en « Faceless Children » un reflet assez fidèle de leurs rêves qui crèvent sous les assauts d’adultes qui n’ont cure d’une trêve, et qui continuent leur chemin à toute vitesse sans prendre le temps de les consoler. Alors les PROCRASTINATE font ce qu’ils peuvent pour les extirper de leur cauchemar éveillé au son d’un Crust si carton que mes enceintes en furent contraintes à l’abandon. Gros son, pour morceaux carton, qui n’exploitent pas les idées comme les chaînes de montage les ouvriers. Celles-ci sont intelligemment agencées et développées, que le beat soit insisté (« The Stench Remains », on a beau asperger de parfum Heavy, la puanteur Crust saisit toujours des naseaux flétris), ou modéré, pour épouser les contours d’une autre journée, qui risque d’être inutile s’y personne ne s’emploie à la rendre effective (« Broken Feather », pas lourd, mine triste, mais redondance prédatrice).
Voilà en gros les tenants et aboutissants de cette nouvelle affaire Core, qui à n’en point douter, va mettre tout le monde d’accord.
Avec Procrastinate, PROCRASTINATE prouve qu’il ne sert à rien de se replier sur soi-même, et qu’il faut voir le monde dans toute son horrible beauté. Mais les grecs prouvent aussi que tout peut arriver à celui qui sait se bouger, et savoir ne pas se contenter de ce qu’on lui donne pour aller chercher ce dont il a besoin. Une leçon qui vaut bien des discours, pour un Hardcore qui se fait entendre des sourds, et qui redonne la parole à ceux qui l’ont perdue.
Titres de l'album:
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