En France, on a des idées, plein même. Nos groupes rivalisent d’imagination pour proposer des thématiques sinon neuves, du moins liftées, qui font plus ou moins avancer les choses, et dont la réflexion aboutit parfois à un débat d’importance. Les accointances stylistiques ont-elles encore une quelconque pertinence au moment de parler de la musique d’un groupe, ou se doit-on d’accepter ce qu’on nous propose sans y accoler d’étiquettes ? Je suis moi-même farouchement opposé à ce principe, mais comme il faut bien aiguiller le lecteur sur une piste, même floue, nous sommes obligés de poser quelques jalons et de disposer des barrières, histoire de limiter le champ d’action.
Mais ces mêmes barrières sont régulièrement bousculées par nos musiciens qui décidément, ne supportent pas d’être parqués dans une catégorie. Alors, en définitive, on pourrait affirmer que tout ça est vain, et qu’un groupe s’apprécie pour ce qu’il est. Non ce qu’il est censé être, mais ce qu’il joue, dans les faits. Et au moment de parler du second album des lillois de DEAD SEASON, je souhaite bon courage aux maniaques des labellisations pour leur coller une quelconque étiquette justement.
Ce groupe formé à l’orée des années 2000 du côté du Nord-Pas de Calais a largement eu le temps d’affirmer sa personnalité sur la scène, et surtout, celui de sortir quelques démos, EP, et même un premier longue durée en 2013, From Rust To Dust, que les connaisseurs avaient célébré sans vraiment être capable d’en expliquer les tenants et aboutissants.
Aujourd’hui, Nicolas (basse), Guillaume & Guy-Noël (guitares), Grégoire (batterie) et Julien (chant) reviennent avec un second tome à ajouter à leur épopée, Prophecies, qui justement joue les oracles un peu obscurs tentant de prévoir le futur sans vraiment exposer le présent. Si le qualificatif de « Musique sombre et progressive » leur colle à la peau, celui plus lapidaire de Heavy Thrash semble aussi leur convenir, mais à vrai dire, ces querelles de clocher n’ont aucune importance. Tout ce que vous avez à savoir, c’est que les DEAD SEASON jouent sur Prophecies une musique sombre, puissante, mélodique et agressive, et surtout, échappant à toute précision un peu trop restrictive. On retrouve tout au long de ces douze titres des éléments inhérents à divers courants, du Néo-Thrash bien sûr, un peu de Death, du Heavy traité au prisme d’une électronique légèrement cyber sur les bords, mais surtout, beaucoup d’intelligence de composition, et un monde particulier et personnel que peu d’autres groupes parcourent ces dernières années.
Alors, pour couper court à toute polémique, nous parlerons donc de musique, sans chercher à se montrer plus précis.
Le quintette lui-même concède quelques influences, allant de TESTAMENT à NEVERMORE, en passant par GRIP INC ou PANTERA, en gros, une variante assez 90’s du Thrash de la fin des années 80, toutefois teinté d’autres subtilités complètement hors contexte. IL n’est pas interdit non plus de penser au diablotin Townsend, et surtout son projet STRAPPING YOUNG LAD en écoutant des pavés d’ultraviolence compressés comme « Homogenic », qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes et caresser sa brutalité d’une douceur mélodique presque jazz à la CYNIC. Le tout se mélange très bien dans notre imaginaire, et colle de sa froideur au graphisme d’une pochette un peu anonyme, qui pointe du doigt un avenir que personne ne semble capable de prévoir.
Pour être honnête, chaque morceau a sa propre empreinte, et il est terriblement difficile d’affilier les DEAD SEASON à une mouvance quelconque, puisque chaque déduction est contredite immédiatement par une nouvelle orientation.
Ainsi, l’entame « The New Man », suggère des rapprochements avec le MEGADETH le plus compact et touffu, jusqu’à ce qu’une grosse caisse explose celle des sextolets qui s’en donnent à cœur joie. Et puis, les mélodies cèdent la place à un concassage écrasant, strié de dissonances, de hurlements, et de breaks plus ou moins atmosphériques à la VIRUS mélodique ou à la SHINING moins recourbé sur l’échine, tandis que l’ombre de NEVERMORE flotte bas au-dessus des cranes…
Difficile dès lors d’être pertinent dans les métaphores et autres jeux de comparaisons, surtout en prenant en compte le nombre de plans proposés à la minute, et cette basse qui ondule et se redresse soudain, jouant enfin son véritable rôle harmonique et rythmique…
« Blood Links Alienation » attire lui aussi l’attention par son jeu de miroirs concaves et déformants, réfléchissant de nombreuses images pour renvoyer cette d’un visage aux traits multiples. Les traits d’un NERVERMORE rebondissent alors sur un Death progressif et envoutant, comme si SAVATAGE et QUEENSRYCHE avaient utilisé la véhémence comme vecteur d’expression pour se mettre à la hauteur du CARCASS de Heartwork.
Il faut dire que la gigantesque production fait tout pour troubler la surface du lac de la créativité, en compressant les guitares pour les rendre encore plus performantes, tout en offrant à la rythmique une incroyable dynamique explosant l’espace à chaque frappe de baguette et de note. Mais cette production n’est pas responsable du bouillonnement d’imagination qui déborde de ce second LP qui ne semble tolérer aucune limite, elle n’en est que la conséquence, et la matérialisation d’une surcouche qui devait se montrer digne du gâteau qu’elle recouvre. Les lillois ont laissé parler leur nature profonde, et ont mis à profit les quatre années séparant leurs deux albums pour devenir une machine mi- organique mi- cybernétique, pas vraiment humaine mais aux traits y ressemblant (d’où cette superbe pochette ornée d’un mannequin de magasin traité façon studio Hipgnosis), et qui parfois réfléchit sur sa condition comme un être vivant, rempli de doutes qui se mêlent aux informations formelles (le piano troublant les quatre minutes mécaniques de « Four Minutes Of Hate »).
Le choix d’avoir privilégié des compositions longues était très risqué, mais même de ce côté-là, les DEAD s’en sortent haut la main en adoptant la posture du non-choix et de l’avancée bille en tête, pour parfois nous proposer des hymnes Heavy modernes dansant, au groove impitoyable de crudité (l’opposition entre l’instrumental élastique et le chant froid et caverneux de « Ministry Of Truth »)
De la cohésion donc, un lien entre les diverses époques, et surtout, une confiance totale et une foi sans faille en une musique atypique, toujours sombre dans les faits et la forme, mais délicieusement lumineuse dans le fond, comme le démontre le diptyque final « The Dissident », qui joue des modulations vocales comme des heurts rythmiques fatals.
Mais pourquoi, encore une fois, vouloir classifier les groupes dans de jolis dossiers…Parce que c’est plus pratique ? Mais l’art ne s’est jamais voulu pratique…Et celui pratiqué par les lillois sur Prophecies est d’importance, et pourrait même annoncer une nouvelle ère…S’il n’échappait pas au temps par ses propres atouts.
Mais ce deuxième album n’est rien d’autre qu’une réussite majeure, qu’elle soit Death, Dark, progressive ou intuitive.
Titres de l'album:
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