Désolé mais lorsque des norvégiens se pointent vers moi, encapuchonnés et fardés comme les MISFITS un soir d’Halloween, j’ai tendance à me méfier et à planquer mes bonbons. Réflexe naturel de survie au regard de la violence de musiciens habitués à la brutalité la plus crasse, ou simple terreur nocturne humide et onirique ? Nul ne le sait, mais je reste sur mes gardes. Le brouhaha étant ma tasse de café préférée surtout lorsqu’il est corsé.
Et GOATKRAFT est du genre gratiné dans les clichés et autres images d’Epinal. Fondé à Bergen en 2017, ce trio infernal (A - basse/chœurs, O - guitares et G - chant/guitare) rapidement signé par les bargeots d’Iron Bonehead s’épanouit depuis ses débuts dans un Black/Death intense, noir comme l’intérieur du gros colon de Glenn Danzig, et poisseux comme le slip de Joey DeMaio après une séance d’aérobic.
Chantres d’un boucan tout à fait délicieux, les trois musiciens ont déjà démontré toutes leurs tares à l’occasion d’un premier album joyeux et champêtre, Sulphurous Northern Bestiality, bordélique à souhait, et qui avait soufflé un vent redoutablement chaud sur cette pauvre année 2019. Quatre ans plus tard, l’attitude n’a pas changé, et le résultat non plus. De fait, Prophet of Eternal Damnation est aussi traumatique que son grand frère, et agit comme une armée de tiques sur le dos d’un pauvre clébard fort marri.
La force de GOATKRAFT est assez évidente en soi, et parfaitement résumée par son label. Aucune évolution, aucune concession, et aucun espoir. Ce qui est en effet ce qui ressort d’une première écoute de ce second long qui ne l’est pas vraiment. La preuve, seule une petite demi-heure vient nous bousculer un lundi matin, pas forcément passé au soleil.
Mais c’est aussi ce qui ressort d‘une deuxième, puis troisième écoute. Prophet of Eternal Damnation, en bon prophète de mauvais augure nous avertit du caractère cavalier de sa démarche, entre cauchemars hantés par des démons mythologiques et rêverie diurne de massacre dans une école primaire catholique.
L’impossibilité de discerner le moindre riff, l’acceptation d’une rythmique en constante explosion, les coups de fouet infligés par un chant sourd et en arrière-plan, comme un cousin honteux planqué sur la photo de famille vous obligent à envisager le tout comme un tout justement, et non comme une somme de parties. Car la seule philosophie de ces norvégiens est de vous retourner le cerveau en mode bouillie, pour faire de vous les esclaves d’un diable courant toujours après de bonnes mauvaises âmes.
Et la réussite est là, contre toute attente.
Enthousiasmant comme un sataniste pissant sur la statue de la Vierge Marie, Prophet of Eternal Damnation reprend à son compte les recettes du vieux BATHORY des débuts, pour mieux les accommoder d’une impudeur sonore digne de Mories. Beaucoup de bruit donc, des interludes Ambient pour planter le décor, mais surtout, une passion indéfectible en un Black/Death des années brésiliennes, porté à ébullition par un jeu collectif aussi soudé que les guiboles d’une nonne.
N’attendez donc aucune pitié de ces huns, qui brulent tout et reviennent pour trousser les survivantes. C’est un bordel absolu, avec quelques coups de crash qui vrillent les tympans, et des blasts qu’on devine plus qu’on ne les subit.
Trente minutes de misanthropie sous couverture blasphématoire, pour un concert de folie collective en pleine transe infernale. Alors certes, le make-up, les tenues, tout pousse sur les stéréotypes underground que l’on chérit tant, mais la musique, forte, lourde, concentrée et agressive autorise tous les délires personnels, entre une masturbation de tympans sévère et une petite olive sans lubrifiant entre deux psaumes.
Voilà de quoi effrayer les curés de votre patelin. Les miens, défroqués et excommuniés depuis longtemps ont beaucoup apprécié ce disque qui a servi de bande-son à la dernière brocante de village, terrorisant les touristes perdus sur la mauvaise route. Et en adoptant le même principe que les mauvaises herbes qui poussent n’importe où, GOATKRAFT envahit vos massifs de fleurs sans aucun remord.
Et j’aime ces marsouins qui vont jusqu’au bout de leur démarche, quitte à sonner encore plus evil qu’un rot de KING DIAMOND. J’aime donc Prophet of Eternal Damnation qui me rappelle mes tendres années de tape-trading à travers le monde, à la recherche de la maquette la plus bruyante en provenance d’Amérique du Sud.
Production cradingue, grave saturés, la sensation d’écouter une vieille cassette mal enregistrée est tout bonnement délicieuse, et les effets produits tout sauf néfastes.
Si évidemment, vous avez une morale douteuse et une absence totale d’empathie.
Titres de l'album :
01. Portal to Annihilation
02. Herald of Death
03. Bestial Black Metal Hordes
04. Filth Eradication
05. Prophet of Eternal Damnation
06. Death Psalm
07. Barbaric Hatred and Doom
08. Primal Instincts
09. Thermonuclear Genocide
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