Il parait que dans le monde, un petit panda roux subit les dernières exactions lorsqu’un inconscient écoute un album de Death Grind à fond. Je m’excuse donc auprès du petit plantigrade qui se verra souillé par ma chronique du jour, mais je n’ai pas su résister à l’envie de vous entretenir du premier LP des lusophones d’AXIA. J’imagine déjà cette pauvre créature aux grands yeux malicieux pousser de petits cris de terreur alors même que je me repaît en bon égoïste des effluves morbide de ce LP qui finalement, justifie à lui seul cette atrocité. Je n’ai pas d’âme, pas de cœur ? Si, mais que voulez-vous, la chair est si faible…Et puis sincèrement, une fois vos tympans endommagés par cette première livraison, vous ne ferez pas preuve de plus de compassion, alors inutile de jouer les bon samaritains estampillés WWF. Car les AXIA portent aussi la caution WWF. World Wide Fucked. Et selon leur point de vue musical et littéraire, le monde est baisé, genre bien baisé. Et nous aussi. L’histoire de ce quatuor aux relents assez forts trouve son origine au Portugal donc, là où le passé des musiciens les a fait participer à divers projets, dont COLOSSO, HOLOCAUSTO CANIBAL, THE OMINOUS CIRCLE, ou HEAVENWOOD, avant de se réunir sous la même bannière de violence sans tolérance, mis à part celle en forme d’exutoire qui nous rend jouissifs face à une telle débauche de brutalité. Brutalité, Death-Grind, tout le monde connaît un peu la façon de procéder. Sauf que ces portugais-là ne font pas grand-chose comme tout le monde. Ils jouent vite certes, mais ne considèrent pas leur style comme une simple Catharsis à la chienlit ambiante. Non, ce sont de véritables amoureux de l’agression grave, et Pulverizer, outre la justesse de son titre, se veut combinaison de plusieurs options, qui transforment leur musique en séance de torture/plaisir inavouable. Ou presque.
Les mecs n’ont pas forcément joué la facilité, mais ils ont privilégié l’efficacité, celle plus intellectuelle qu’il n’y parait, et qui ne se limite pas à un assaut sonique d’une petite demi-heure. On trouve bien sûr dans leurs morceaux de sales traces des NASUM, de BRUTAL TRUTH, mais aussi des preuves patentes qu’ils ont attentivement écouté les CARCASS, mais aussi MESHUGGAH. Ce qui nous donne donc une jolie symphonie excessive, mettant au même plan la technique et la franchise, pour une union pas si contre nature que ça. Déstabilisant autant qu’il n’est euphorique, cet objet presque non identifié souffle tout sur son passage, et détruit l’environnement à des kilomètres, en juxtaposant des plans méchamment rapides et d’autres moins limpides, dans un désir constant de rendre palpable la douleur que représente le simple fait d’être en vie. Et cette douleur se matérialise dans des répétitions et autres itérations, qui mettent à la colle le barouf des portugais avec la science mathématique de Fredrik Thordendal et des siens, notamment sur le miraculeux et redondant « Still Unresolved », qu’on croirait issu de sessions secrètes de Chaosphere. Tout n’est évidemment pas construit sur le même moule, et une grande partie des morceaux semble privilégier l’optique d’une chaotique violence, même si cette dernière est un peu trop bien agencée pour n’être qu’épidermique.
Alex Vale (chant), Max Tome (guitare), Ze Pedro (basse) et Marcelo Aires (batterie) se proposent donc de synthétiser pour vous tout ce que le plus extrême de l’extrême compte d’idées les plus véhémentes mais pertinentes, et y parviennent, en élaborant leur plan patiemment, mais urgemment. Prenant parfois des airs de gigantesque mash-up entre le CARCASS de Surgical Steel/Necrotism et le NASUM de Helvete, Pulverizer propose aussi des théories plus personnelles et glauques, qui digressent sur des thèmes déjà employés par les LOCK UP ou NAPALM DEATH, dans leurs instants les moins complaisants. Ainsi, les ambiances ne sont pas sacrifiées sur l’autel de la démence, et le climat devient parfois très poisseux, limite Indus nauséeux, lorsque le beat faiblit et que le chant moisit (« Absence of Light »). Il faut préciser qu’avec un son aussi gigantesque, les astuces les plus faciles passent comme une lettre à la poste restante, et remercions de fait la mastérisation de l’ami Peter In de Betou (ARCH ENEMY, AMON AMARTH, MESHUGGAH, HYPOCRISY), qui a su donner aux graves une profondeur abyssale et aux guitares une gravité phénoménale. De son côté, et en bon Monsieur Loyal qui se respecte, Alex vitupère et vocifère, mais n’en rajoute jamais, même dans les passages les plus arrachés, généralement doublés pour accentuer la fureur qui anime les mots d’horreur. On se prend alors à rêver d’une créature biomécanique élaborée en laboratoire pour ne retenir que les traits de caractère les plus agressifs des monstres déjà nés, tant ce premier effort sonne la perfection comme d’autres le clairon. Singeant à merveille les intonations sardoniques de Jeff Walker, Vale apporte à cet ensemble massif le petit plus d’ironie distanciée qui lui convient à merveille, et lorsque tous les genres convergent vers un seul, le massacre est sans pitié (« Posthumous », et cette basse qui tourne et vire comme une vigie la nuit).
Massacre, mais à la précision chirurgicale. Loin d’éclabousser, AXIA fait montre de talents d’équarisseur capable de séparer chaque pièce avec douceur, même si parfois, la machette s’emballe pendant quelques secondes pour nous faire perdre les pédales (« Forward Leads Nowhere », « As Above So Below », « The Filth »). Mais lorsque les mouvements prennent un angle plus biaisé pour ne pas charcler le cartilage, on se perd un peu dans le délire d’un Techno Death qui vire vite Grind, mais qui indique aux THE KILL qu’il y a autre chose dans la vie qu’un simple dépeçage établi (« It Still Clicks (I Hope You Die) »). A vrai dire, la façon de faire des portugais est presque un cas d’école, tant les comparaisons s’affolent, mais ce qu’il convient de retenir en premier lieu de ce premier album qui va faire bien des envieux, c’est que ces portugais font évoluer le genre à leur manière, sans chercher à repousser les frontières, mais en refusant de les admettre comme limite. Alors oui, en écoutant ce disque, vous allez faire le malheur d’un petit panda roux qui ne demande qu’à faire un bisou sur votre joue avant de vous offrir un morceau de bambou. Mais la violence à ses raisons que la raison dément. Alors inutile de vous en vouloir, puisque si vous êtes là, c’est que vous n’avez pas de cœur. Les AXIA si, mais ils le mettent à l’ouvrage. Et le leur est extensible à l’infini. L’univers est la limite paraît-il. La leur semble plus lointaine.
Titres de l'album:
01. Mass Suicide
02. Fading Into Nothing
03. Still Unresolved
04. In Shameful Skins
05. This Is The Sound Of Death
06. The Filth
07. Absence Of Light
08. Normative
09. Posthumous
10. Forward Leads Nowhere
11. Vultures
12. From Here To Eternity
13. Shattering Glass
14. Another Black Day
15. Compulsive Lying Disorder
16. A Deteriorated Vision
17. Not There Yet!
18. It Still Clicks (I Hope You Die)
19. Means To An End
20. As Above So Below
21. Self - Inflicted Obsolescence
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