Je me sens d’humeur badine, et je vous donne le tout clefs en main. Throatruiner Records, mastering à l’Audiosiege par Brad Boatright himself, et voilà. Si avec ça, votre curiosité n’est pas piquée au vif, alors je ne peux plus rien faire pour vous et vous n’avez plus rien à faire ici. Mais si d’aventure, ces deux éléments ne vous évoquaient rien, laissez-moi vous aider un peu. S’il n’est pas forcément utile de digresser plus en avant sur les implications de proportions homériques de l’ami Brad au sein de son studio, il est toujours indispensable d’apporter quelques précisions sur ce label français qui fait tout ce qu’il peut pour déconstruire la musique moderne. Throatruiner, c’est plus qu’un label, c’est un gage de qualité. C’est une grande famille dans laquelle évoluent des membres individuels au caractère plus ou moins facile d’accès, et qui portent tous des noms charmants. Les COWARDS évidemment, NESSERIA, bien sûr, mais surtout, les PLEBEIAN GRANDSTAND, VERMIN WOMB, SINISTRE et principalement (du moins aujourd’hui), les rennais de FANGE. Et FANGE, à l’instar de son label, est plus qu’un nom, c’est un cri. Un cri primal, sourd, un grondement grave, et un parcours exemplaire depuis sa création. L’assurance de passer un bon moment dans les pires souffrances, de sentir ses tympans se dérober sous la pression, et de savoir sa curiosité rassasiée par un nouveau changement de direction dans la vilénie, puisque le quintet depuis ses débuts prend un malin plaisir à durcir le ton et à accentuer ses aspects les plus repoussants. Et puisque encore une fois est coutume, ce troisième LP fait montre d’un désir d’élargir ses horizons underground pour leur faire épouser les contours de bas-fonds bruitistes dont les formes et déambulations sont de plus en plus fous. Un genre de trip dans les égouts de la soue humaine, à se vautrer dans la boue, manger des détritus culturels pour régurgiter une bile de pesanteur, d’oppression, de distorsion excessive et de pulsions morbides. Pas très gai pour un samedi après-midi, mais cathartique. Enfin, pour qui a l’âme un peu noire et les desseins funestes en adéquation avec une réalité grotesque.
FANGE, pour les néophytes, c’est un concept né aux alentours de 2013, du côté de Rennes. Une sorte de transposition artistique de l’habitat naturel des cochons, dont l’environnement s’est soudainement vu traduit dans un vocable musical, sans que son essence essentielle ne s’en voie modifiée. Se rouler dans la fange est donc un plaisir bruitiste depuis plus de six ans, et diverses formules d’hébergement nous ont été proposées depuis. D’abord en format court, petit passage obligé de quelques jours via Poisse et Skapheusis en 2014 et 2015, avant d’oser mentionner sur le catalogue une halte un peu plus conséquente avec Purge en 2016. D’abord obsédés par le Sludge, les cinq musiciens (Benjamin Moreau - guitare/chant, Matthias Jungbluth - chant, Jean-Baptiste Lévêque - bruit/chant, Antoine Perron - basse/chœurs et Alexandre Jadi - batterie) ont pris grand soin de se construire une image de marque, qu’ils se sont ensuite ingéniés à modifier selon leur inspiration, pour lui injecter d’autres éléments, moins figés, mais tout aussi hideux. C’est ainsi que Pourrissoir semblait se rapprocher d’un Death Metal à tendance Indus en filigrane, taquinant même la violence de la scène Crust scandinave, évolution que Punir parfait de sa froideur ambiante et de ses émanations putrides innommables qui achèvent de transformer la bête en goret géant couinant à tout va, se prenant pour un razorback australien prêt à tout détruire sur son passage. Et en acceptant la métaphore, il n’est pas difficile de voir en la trajectoire des rennais une sorte de parabole vitale actuelle, tant la violence omniprésente sur tous les médias, la déliquescence de la conscience commune, le réchauffement climatique et la montée toujours plus menaçante des extrêmes nous entraîne vers une fin inéluctable, mais surtout, de plus en plus douloureuse. Alors, avec Punir, les FANGE s’adaptent à leur époque, renforcent leurs traits de caractère les moins transigeant, et nous offrent une œuvre définitive, qui risque de sonner comme l’hallali de la mélodie et des structures les plus abordables. Et autant dire que ce fameux mastering de Brad Boatright ne fait qu’amplifier cette sensation de terreur, d’horreur, et ces effluves atroces qui nous pourrissent les naseaux de l’intérieur.
Tel un virus, Punir s’insinue dans l’organisme pour le contaminer, nous transformant en zombies sans âme déambulant dans le quotidien comme de pauvres bêtes sans but. Toujours concentré sur un Sludge aux proportions de plus en plus dantesques, le quintet ose cette fois-ci aller jusqu’au bout des choses, et s’acoquiner avec une forme très larvée de Death scandinave, celui de la HM-2, qui respire la mort par tous les porcs. Enregistré et mixé par Cyrille Gachet (YEAR OF NO LIGHT, THE GREAT OLD ONES, CHAOS ECHOES) aux studios Le Bon Accueil et Dick Doom de Rennes et Bordeaux, ce troisième LP fait preuve d’une étonnante maturité dans l’ignominie, et repousse les limites de ce qui restait acceptable en termes de Sludge. Sans accuser les cinq musiciens d’avoir trahi une cause dont ils se moquent, autant dire que ce troisième chapitre n’a gardé de son style d’origine que cette lenteur et cette puissance intrinsèque, que ces sept nouveaux morceaux adaptent à leur humeur. Le Sludge se retrouve donc mélangé à l’Indus, un peu dans une optique IN SLAUGHTER NATIVE, FETISH 69, TERRA TENEBROSA, acceptant d’être torturé par l’électronique, ou mixé dans un gigantesque raout au Death le plus morbide des années 90, celui des GRAVE et NIHILIST/ENTOMBED. On se retrouve donc en terre pas forcément connue, ou la seule variable à prendre en compte est votre résistance à la douleur Noisy, spécialement lorsque le groupe pousse tous les potards au maximum et fond ses influences. De fait, le final traumatique de « Second Soleil » est une véritable épiphanie de torture, avec ses guitares sonnant comme des basses traitées, sa rythmique partagée entre à-coups et stridences électroniques, son chant sous mixé surnageant dans des samples au désespoir patent. Il est donc inutile de vous fier à l’introduction majestueuse et pachydermique de « Ceinturon » pour jauger du potentiel d’un album qui va justement vous prendre pour des derviches tourneurs, et vous faire vriller en bourrique de ses changements de cap. Pourtant, en tant qu’intro, ce morceau à cheval entre Sludge et Death et intronisant le nouveau règne du Sludgy Death est un modèle du genre, développant un son à faire s’égorger entre eux une meute de gorets.
Dès cette entame, on sent que les porcins rennais n’ont pas l’intention de se laisser dicter leur conduite. Sur un tapis de riffs qu’on aurait pu trouver sous la fosse commune de Left Hand Path, le quintet provoque le D-Beat et le Crust aux agapes du Sludge, et c’est sans complexes qu’ils dérivent vers l’abomination totale de « Chien de Sang », qui suggère un tableau de meute dévorant à pleines dents le cadavre d’un pauvre renard. C’est sale, glauque, abrasif, profond dans le rendu, mais dégueulasse dans l’envie, et finalement, essentiel. Sans vouloir trahir l’effet de surprise consenti, je pourrais quand même vous préciser que les tendances Death sont de plus en plus affirmées, tout comme les plans drague Indus, qui finalement se voient dosés à part égales, aboutissant à une nouvelle mouvance, encore plus repoussante que les précédentes. FANGE parvient donc avec Punir à ridiculiser la concurrence mondiale des NAILS, PRIMITIVE MAN et autres VERMIN WOMB, et à se montrer à la hauteur de sa légende de ferme. Un LP qui s’écoute avec des bottes sur les oreilles et un masque sur le visage, sous peine de laisser ses tripes au creux d’un paillasson improvisé.
Titres de l'album :
1. Ceinturon
2. Chien De Sang
3. Les Boyaux De La Princesse
4. Opinel
5. Il Reconnaîtra Les Siens
6. Maintien De L’Ordre
7. Second Soleil
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