Je l’ai déjà dit, mais je le répète encore, le Progressif, on y met un peu ce qu’on veut. Il faut immédiatement faire barrage aux idées préconçues qui consistent à affirmer que seule l’école de Canterburry mérite ce titre, et que le genre ne peut supporter que les structures pompeuses, les émanations classiques, et les digressions interminables d’ego boursouflés. Tout simplement parce que comme il n’y a pas qu’un seul Rock, il y a plusieurs Progressif, et ne s’y rangent que les groupes proposant une musique évolutive, hors des figures normatives et insipides de la Pop et du mainstream. D’ailleurs, qui irait encore dire aujourd’hui que les PRIMUS, NEUROSIS, MASTODON, PEROPERO, NOMEANSNO ne sont pas des groupes progressifs ? Ceux qui n’y connaissent rien, ou ceux qui aiment les petites étiquettes restrictives comme Sludge, Post Hardcore, Fusion, Jazz-Metal ou Rock expérimental. En même temps, j’imagine bien la tronche de Christophe Godin encaissant le péremptoire « Et sinon, t’as toujours joué du progressif ou bien ? » au détour d’une fin de concert du côté de Lille. Pourtant, le quidam aurait raison, puisque MÖRGLBL est résolument progressif, de la même façon que Bjorn BERGE l’est, ou que les canadiens de TEMPÊTE le sont. Sauf qu’eux, visiblement, acceptent la chose. Et en extrapolant un peu, il serait possible de voir en ce quatuor d’iconoclastes une sorte de liaison entre le groupe de Christophe, PRIMUS et NOMEANSNO. Car comme ceux-là, ces originaires de Montréal privilégient une optique rythmique, des riffs à la lisière du Thrash et du Hardcore, liant le tout avec un élastique de caleçon qui miraculeusement, ne leur revient jamais dans la tronche. Alors oui, Progressif, et pas seulement parce que les morceaux sont parfois très longs, mais surtout parce que ces marsouins adorent broder sur un thème, le transformer, le déformer, pour essayer de le faire revenir à son état normal au final. Et c’est jouissif, bien vu, et surtout, impeccable en termes de solfège sauvage. Un gros trip à la mode canadienne ? Oui, et c’est maintenant, et pas à la mode de quand.
Formé à Montréal, Qc, en 2005, TEMPÊTE, devant son nom à une expression du Saguenay, est un "power trio" avec une énergie brute, des changements de tempo surprenants et une basse omniprésente. Dans la grande famille du rock, TEMPÊTE est en fait un heureux mélange de Hardcore, Métal, Punk, Jazz, Funk et même Country. Et ça n’est pas moi qui le dit, mais eux, d’où l’emploi des guillemets. Et en plus, ils sont honnêtes puisque c’est exactement ce qui vous attend sur les sillons numériques de ce Pyro[Cb]. De là à affirmer que ce titre vous somme de mettre le feu à votre carte bancaire, il n’y a qu’un pas que j’ose franchir, puisqu’une fois acheté le truc dix balles en version physique sur leur Bandcamp, vous n’aurez plus à dépenser d’argent. Car ils vous en donnent pour, en mélangeant effectivement les courants, sans complexe, et avec une énergie rare. Se situant donc en convergence de toutes les influences (qu’ils assument ou pas, mais en partie au vu du listing de leurs propres idoles) que j’ai déjà énoncées plus haut, TEMPÊTE est l’archétype même de groupe qui n’a cure des cloisonnements et des jugements, et qui pratique la brutalité en dextérité de haut vol, imposant des couplets limite Hardcore sur de longs passages pluriels. Et Marc (basses, guitares, voix, omnichord), Nick (guitare, basse, batterie), Dug (batterie/basse) et Tony (glockenspiel, égoïne) s’amusent comme des fous à vous faire tourner la tête de leur valse sans hésitations qui au détour d’un break se la jouent Bossa, Tango, Jazz ou Renault Fuego. Un vrai festival de folie en capacités majeures, une guitare qui caresse en son clair pour mieux fouetter en grosse distorsion, une basse qui louvoie, qui ondule, qui cogne et qui recule, et des patterns déséquilibrés pour suggérer une arythmie qui n’est pas des plus désagréables. On pense donc évidemment à la facilité déconcertante avec laquelle les NOMEANSNO avaient admis avoir raison sur Wrong, à l’écœurement suggéré par Les Claypool et ses potes et subi après l’intensive écoute de Sailing The Seas ou Pork Soda, mais aussi à la démence précoce des ZEUS, de PEROPERO, à l’ultraviolence millimétrée des DILLINGER ESCAPE PLAN, à du FANTOMAS sans l’esprit cinéphile et en moins chafouin, et en gros, à la quintessence de la musique expérimentale, qui l’est par besoin, et non par obligation pour se démarquer de la masse.
Mais je ne vous cache pas que d’une, cet album (le troisième, et les deux autres sont tout aussi recommandables) est réservé à une poignée d’amateurs qui en apprécieront les méandres, et de deux, qu’il reste difficile à apprivoiser, d’autant plus qu’il commence directement sans intro ni ménagement, par un lapidaire « Charogne », qui empeste en effet les poncifs et autres clichés crevés dans le fossé. Et c’est parti pour sept minutes de tangage style ferry traversant des eaux déchaînées, avec un roulis de fond à la MAGMA, des clapotis sévères à la KING CRIMSON des années 90, et un roulement enivrant à la PRIMUS le plus Thrash, pour un Proto-Metal jazzy et progressif aussi violent qu’il n’est malin. Bien sûr, tous s’en donnent à cœur joie, du batteur au bassiste, et Marc, derrière son micro est assez convaincant dans son imitation de Mike Patton en pleine crise de foi. Le monsieur hurle, vitupère, pousse de petits geignements, et danse la gigue avec ses potes, stimulant nos zygomatiques tout comme nos pieds et nos cheveux qui s’agitent sans discontinuer. Le genre d’entame que l’écurie Ipecac nous a refilée pendant des années, et qui trouve ici un éclairage nouveau, moins abstrait mais plus ludique, et surtout, euphorique. Le tout va son rythme, qu’il accélère, décélère, écrase, stoppe, en lâchant des harmonies bizarres, des chromatismes épileptiques, des stridences, avant de se barrer en tandem avec le Sgt Baker sur « Bétail », histoire d’assurer la transhumance avec un minimum de recul. Agressif mais fluide, méchant mais plutôt bon enfant, le Rock déjanté des TEMPÊTE est indubitablement Metal, mais loin de n’être que ça, et pas uniquement parce que la cowbell imite celle des vaches. Et l’avantage de ce genre de réalisation, est qu’on ne sait jamais à quoi s ‘attendre, puisque les malandrins sont capables de passer d’un riff salement SLAYER à un pont de basse digne de Jaco Pastorius en pleine détente tantrique.
Je recommande chaudement « À qui le Tour », parce que c’est le leur et à cause des cocottes de guitare qui rappellent le DEP d’Ire Works, « Hiver Volcanique », parce que c’est doux, puis bourrin, puis fou, puis doux, puis bourrin, « Les Tardigrades et le Temps » parce que ça me ramène à la joyeuse époque des pâquerettes françaises ayant éclot dans les seventies du côté d’ALICE et de GONG, « Promis, Juré, Craché », parce que c’est Bossa-Thrash et pas Nova, un peu flagorneur et prétentieux, mais très courageux, « Ponik » parce que c’est à la fois DREAM THEATER (ça pompe même un peu « New Millenium »), PRIMUS, Steve VAÏ, MÖRGLBL et CONVERGE (si, c’est possible, et parfois en même temps), et évidemment « Le Minuit », parce qu’il est vingt- heures et que c’est suffisamment décalé pour être probant. Du progressif, je t’en foutrais moi…Mais pourtant si, et c’est tant mieux, parce que les boursouflures post solo de clavier ça m’emmerde prodigieusement, et parce que depuis « Big Dick » de NOMEANSNO, personne n’en a eu une plus grosse. Non, la vôtre ne l’est pas, alors gardez-là dans votre pantalon.
Titres de l'album :
1.Charogne
2.Bétail
3.Patente
4.À qui le Tour
5.Hiver Volcanique
6.Les Tardigrades et le Temps
7.Promis, Juré, Craché
8.Nation Histrionique
9.Ponik
10.Charcoal
11.Le Minuit
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