Il y avait les esthètes, les icones, les idoles, que les kids voyaient comme les fils des étoiles, ou les guerriers électriques (Bowie, Bolan), les désaxés, que personne ne pouvait situer autrement que dans un contexte personnel et à la limite du genre (Fowley, Barrett), les défoncés, qui sortaient du bois attifés comme de vieilles putes fatiguées (DOLLS), ceux qui chopaient le train en marche, un peu chapeautés, et traînés par les pieds (Lou Reed), et puis il y avait les autres, méprisés par la presse et les rock critics bouffis de petits fours et de backstage passes, les prolo, les mal fringués, les mal aimés de l’intelligentsia, et adorés par les gamins qui se reconnaissaient en eux, malgré leurs coiffures improbables et leurs lyrics plein d’argot incompréhensible, surtout pour les parents.
Ceux-là, ils n’ont pas fait rêver l’élite, mais ils ont fait danser la jeunesse, ils l’ont fait rêver, bousculée, et finalement, ils sont toujours là, alors que tous les autres ont jeté l’éponge et disparu depuis très longtemps.
Si, souvenez-vous, même si vous n’étiez pas nés…
Suzi Quatro, les SWEET, SLADE, ces usines à hits de la middle/low class qui revisitaient l’esprit de Détroit la basse à la main et le cuir moulant, les platform-boots et la frange en avant, d’Angleterre ou des Etats-Unis, tentant de retrouver l’esprit de fête que les seventies commençaient à trop…intellectualiser, gimmicker, peaufiner…
Avec eux, c’était du brut de Pop, mais pardonnez-les. Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient et pensaient que tout était permis. Et d’une certaine façon, ça l’était.
Si, en 73, 74, 75, ces trois-là avaient tourné ensemble, les guichets fermés auraient dû poser des pièges à loups la nuit pour que personne ne s’introduise dans la salle. Pensez donc, « Can the Can », « 48 Crash », « Cum On Feel The Noize », « Mama Weer All Crazy Now », « The Ballroom Blitz », « Hell Raiser », de quoi transformer n’importe quel académicien du Rock en gros prolo avec des bretelles pour tenir son froc, des hymnes de stades et un maquillage plâtré qui recouvrait les sales tronches des clowns en question. Un énorme barnum, qui quarante ans plus tard, fait encore baver, peut-être plus que le KISS rock n’roll circus, pourtant attraction la plus prisée de l’époque.
Mais les époques, comme les modes, comme les années, passent. Et en 2017, ces héros du peuple sont toujours là, et arpentent toujours les salles du monde entier, en refourguant à chaque fois aux ordinateurs du cœur des fans les mêmes données.
Binaires, soli primaires, chœurs incendiaires, et nostalgia, rame là-dessus, et souviens toi, kid, de tes quinze ans qui sont morts depuis longtemps….
Un promoteur Allemand avait déjà glissé à l’oreille de Suzi Q il y a dix ans, qu’enregistrer avec Don pouvait être une bonne idée. Alors, les deux avaient collaboré, à l’ancienne, mais pas comme de vieux combattants, avec du sang neuf et l’envie d’aller de l’avant.
Depuis, Suzi Q a multiplié les tournées made in Australia, et a juré il y a peu qu’on ne l’y prendrait plus. Sauf qu’entre temps, la belle et féline basiste de soixante-six printemps s’est acoquinée avec non pas un, mais deux vieux potes de ses vingt ans, pour un projet aussi éphémère qu’important. Outre Don Powell, batteur des mythiques SLADE, la main s’est aussi tendue vers les services d’Andy Scott, gâchette des SWEET, pour un album accolant les trois noms sur sa pochette déjà mythique…
Au menu, des covers bien sûr, pas forcément celles qu’on était en droit d’attendre, mais aussi – cerise sur le proverbial gâteau – quelques compos originales histoire de voir si leur power-tripot pouvait prendre des airs de boogie bar pour aficionados et refouler les poivrots.
Tout ça, mis à part dans la tête des fans du même âge, sentait très mauvais sur le papier. On se demandait ce que ces anciens soldats des paillettes et autres talonnettes pourraient bien raconter une fois leur heure de gloire enterrée sous une grosse pile de compiles…
Un album uniquement dispo au Japon et en Australie, pour illustrer des passages de témoin locaux, ça fleurait bon le truc réservé au marché des cartes vermeil, des salles de bal à parfumer à la verveine et aux photographes avides de haircuts improbables…Tiens, juste un coup d’œil à la pochette et on se marre, z’avez vu les tronches ? Et même si Suzi, Ô Suzi (open up the door…) est toujours aussi mimi, encadrée par ces deux poilus et pas seulement des oreilles et du nez, elle ressemble à une ancienne naïade des seventies à la leather suit au cuir un peu passé…
Tiens, même le discours promo sentait l’obligation formatée…
« Nous avons un background similaire, et nous avons tout appris sur la route comme on dit…Nous jouions à la même époque, et nous continuons de tourner chacun de notre côté. Mais après toutes ces nuits passées à discuter, nous avons senti que c’était le bon moment pour partager nos idées. Et du premier coup de baguette, de la première ligne de basse et le premier accord de guitare, nous avons senti que nous tenions quelque chose de spécial… »
Si ça, c’est pas de la jolie langue de bois pour réchauffer la légende au coin d’un feu de bois de la mémoire…Je veux bien y parier mon exemplaire de Kiss Alive dédicacé…que je n’ai pas, et tant mieux. Parce que c’est sûr, à côté des délires de l’Iggy en compagnie des QOTSA et ARCTIC MONKEYS, ça looke moins branché et étudié pour faire bander les critiques des Inrocks, toujours aussi à côté de la plaque. Mais une fois le disque dans les oreilles, la magie man…Pas celle des seventies, pas celle qui balançait des confettis et qui éblouissait avec des watts de folie, non, celle humaine de trois musiciens qu’on a tous aimés, qu’on aime encore, et qu’on aimera toujours. Une sorte de version cosy d’un Rock pas forcément ramolli, et qui surtout, ne capitalise pas sur des reprises faciles du répertoire des amis.
Alors justement, le répertoire, ça donne quoi ?
Des classiques, à peine réarrangés pour coller à la carte d’identité, et à l’état civil, avec d’ailleurs en ouverture un demi aveu plein d’ironie, qui vous conseille de ralentir avant même d’être parti.
Et dès ce « Slow Down », explosé par Lennon durant cette décennie qu’on a tous saisie, c’est parti, et bien parti. Alors oui, la voix de Suzi a vieilli, mais la maturité lui va très bien, et derrière, c’est pas vraiment l’orchestre de bal non plus. Ça cogne sec, pépère mais sec, la production est rude and brute, le jeu de Don est toujours aussi basique mais cathartique, et la guitare d’Andy riffe toujours aussi sweet…
Le « Tobacco Road » de John D Loudermilk/Nashville Teens/Blues Magoos/Spooky Tooth/David Lee Roth sonne bien sûr toujours aussi Blues que Rock, semble un peu fatigué sur les bords, mais a gagné en gravité tout en gardant la légèreté de ses chœurs ludiques, et son riff bien poisseux si typique. Les voix des héros s’entremêlent et semblent sourire dans le micro, et ça groove baby…
Enregistré dans le studio de Peter Gabriel à Bath, QSP balance un album qui respire la joie de jouer, la joie de se retrouver entre légendes de la musique populaire, qui finalement, est celle dont se souviendront toux ceux qui vivent le son, pas ceux qui l’écrivent. Si les compos originales font parfois preuve d’un sentimentalisme assez éloigné des classiques des trois musiciens impliqués (« Long Way From Home »), si le Rock cède parfois la place à des ambiances Jazzy, avec saxo qui s’époumone dans la nuit pour un boogie de bar enfumé (« Mend a Broken Heart »), et si l’ambiance évoque un Noël aux chorales de rue, la hargne et le mordant ne sont pas pour autant aux abonnés absents (« Broken Pieces Suite », un final homérique qui prouve que les trois anciens tiennent encore bien leur futur en main), et l’émotion est palpable, dans les intonations du timbre si chaud de la Quatro (« Just Like A Woman », poignant)…
C’est évidemment très loin de l’urgence, assez éloigné de l’instantanéité, parfois même bizarre, progressif, tribal et incantatoire comme une soirée qui vire bizarre (« I Walk on Gilded Splinters »), souvent orienté Blues’n’Groove, pour ne pas oublier d’où tout ça vient (« Bright Lights, Big City », de quoi faire danser Sydney qui en a déjà des fourmis dans les pieds), un peu Rock adulte, mais au clavier surchauffé et aux guitares endiablées (« Little Sister », le pied avec la petite dans sa chambre en train de gigoter sur du KISS sans oser l’avouer), et même parfois, à la hauteur des standards de la Suzi, lorsqu’elle mouillait sa combi loin de son Détroit natal (« Late Nights Early Flights », un résumé de la vie on the road), enfin, c’est tout ce qu’on pouvait en attendre alors même qu’on n’en attendait pas grand-chose….
Mais…
Les critiques à l’esprit chagrin vont vite ranger ce disque dans la catégorie « pathétique qui ne veut pas vieillir », tandis que les fans, les vrais, et finalement les seuls qui comptent vont s’extasier devant cette opportunité, qui est unique comme chacun le sait.
Et comme d’habitude, il y aura scission. D’un côté, les esthètes, les icones, les idoles, qui ont vu s’écraser le Bolan en plein vol et David partir l’année dernière, pas de bol. Les désaxés, au cerveau cramé depuis longtemps. Les défoncés, qui ne sont jamais retombés et qui regardent toujours David Johansen en se demandant si finalement, il n’en serait pas une plutôt qu’un. Et puis les autres…
Ceux qui ont des enfants et des petits enfants depuis longtemps, et qui sont heureux que certains soient toujours vivants. Ceux-là, ces prolos d’antan, retraités maintenant, n’ont pas oublié, et se contentent toujours de sourire sans chercher à intellectualiser ce qui ne devrait jamais l’être, jamais.
Et ceux-là, aimeront QSP. Et ça tombe bien, parce que c’est à eux qu’il est adressé.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
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