N’est-il pas rare de tomber sur un groupe formé en 1982, et dont soixante-quinze pour cent du line-up n’a pas bougé depuis ses origines ? Si, je le pense aussi, et ce petit miracle mérite d’être souligné, tant les changements de personnel sont monnaie courante dans le Rock et le Metal. La stabilité semble donc être une valeur première pour les japonais d’OUTRAGE, qui mènent leur barque depuis l’orée des 80’s. Mais mieux. N’est-il pas encore plus rare de tomber sur un groupe avec trente-cinq ans de carrière au compteur, pratiquant une musique musclée, dont les membres n’ont presque jamais quitté le navire ? En ajoutant ces points de détail bout à bout, la performance n’en devient que plus ahurissante, et c’est donc avec grand plaisir que je traiterai ce matin du cas du treizième album studio de ce quatuor de Nagoya (Yoshihiro Yasui – basse, Shinya Tange – batterie, Yousuke Abe – guitare et Naoki Hashimoto – chant), Raging Out, l’un des LP les plus féroces de ce mois d’octobre, et qui pourtant, ne s’est pas départi d’une musicalité prononcée. Difficile de résumer le parcours d’un groupe aussi ancien en quelques formules choisies, mais je dois reconnaître que le choc frontal subi à l’écoute de ces onze compositions sans concessions m’a profondément marqué, moi pourtant habitué à affronter les assauts récurrents de troupes fondant leur approche sur une violence instrumentale tangible. Mais ce nouvel LP des japonais est si puissant, si actuel, et si accrocheur que je laisserai l’enthousiasme guider ma plume, puisqu’aucun défaut majeur ne semble handicaper le projet…Bluffant ? Pour le moins, et difficile de croire qu’ils étaient là en pleine explosion de la NWOBHM, et qu’ils furent les contemporains de LOUDNESS, EZO, et autres stars montantes de la culture Metal asiatique d’il y a trois décennies…
Tout ça laisse songeur…Et pourtant, en choisissant de ne pas s’écarter de leur genre de prédilection, les quatre instrumentistes n’ont pas choisi la facilité, le créneau étant largement saturé depuis des années. Mais la conviction qu’ils insufflent à de solides compositions, leur créativité qui leur permet de placer des arrangements bien trouvés à espaces réguliers, et ce sens du lyrisme brutal dont ils font preuve les placent en pole-position des nouveautés de cet automne, sans que personne n’ait besoin de situer des références pour les qualifier. Certes, le spectre d’ICED EARTH, celui de JUDAS PRIEST, le fantôme de PANTERA, ou la trace ectoplasmique des compatriotes SPELLBOUND/UNITED semblent hanter le paysage environnant, au même titre – et c’est plus surprenant – que l’ombre d’un MOTORHEAD vraiment véhément (« Hysteric Creatures », ou comment inviter le souvenir de Lemmy aux agapes d’OVERKILL), mais l’identité du combo est si affirmée qu’il est impossible de ne pas les considérer en tant qu’influence par eux-mêmes, tant ils semblent piocher dans leur propre répertoire de quoi avancer sans se décourager…Mais en me basant sur l’étonnante vitalité de ce treizième album, je pense qu’ils ne sont pas prêts de stopper leur avancée, tant tous ces morceaux enragent de Heavy et dégagent d’un Thrash vraiment compact, nous ramenant quelques souvenirs en arrière, lorsque les rois du Big Four et leurs enfants illégitimes (TESTAMENT, VIO-LENCE, HEATHEN ou FORCED ENTRY) saccageaient la chambre des adolescents, heureux d’avoir enfin trouvé des super-héros à la hauteur de leurs attentes. Mais finalement, que cache donc cet album à la pochette colorée et culotée ? Une gigantesque progression en tension évolutive, qui partant d’un Heavy sanglant taille sa route jusqu’à un Thrash vraiment détonnant, se basant sur la complémentarité d’instrumentistes qui connaissent leur boulot et qui se connaissent par cœur, et qui mettent à profit une gigantesque production pour pousser en avant des chansons faussement simples, mais vraiment carton.
Plus simplement, je n’avais ressenti telles vibrations depuis la découverte de The Evolution of Chaos des HEATHEN il y a maintenant sept ans. On y retrouve la même optique d’un Thrash traité façon Speed déchaîné, basé sur des riffs vraiment cohérents, une rythmique qui pilonne d’un tempo incessant, et un chant vraiment hargneux, qui use de son timbre grave et rauque pour lancer ses invectives à l’assemblée sans reprendre son souffle ou user de formules éculées. Des chœurs guerriers vraiment bien agencés, des breaks inopinés carrés, des soli incandescents, et une osmose de déments, voilà donc la recette d’un album sans complexe, qui ridiculise de sa force et de son courage une grosse partie de la production occidentale, qui a trop tendance à se reposer sur ses lauriers. Il semblerait que les japonais pensent encore avoir beaucoup de choses à prouver, et qu’ils ne doivent pas capitaliser sur leur longue carrière pour continuer d’un rythme tranquille, attendant une retraite bien méritée à grands coups de best-of et autres compilations déguisées. Alors, l’album égrène ses litanies, expulse ses coups de gueule, et taille dans des guitares de plomb de quoi alourdir une chape qui pèse déjà sur vous comme une tonne de béton. Cette envie de provoquer et de marquer les esprits est patente dès l’introductif « Doosmday Machine », qui en doublant sa propre double grosse caisse d’harmonies simples mais efficientes nous entraîne dans un ballet étourdissant de brutalité à peine nuancée, dans une veine ARCH ENEMY/SOILWORK revue et corrigée HM des années 80. C’est bluffant, admirable, et pourtant classique dans le fond et la forme, mais joué avec tellement d’implication qu’on en reste pantois, et admiratif…
Et ce premier morceau est loin d’être l’exemple qui définit la règle, puisqu’au fur et à mesure des interventions, le ton se durcit, le rythme s’épaissit, et la vitesse de croisière dégénère, au point de friser les sommets du Thrash le moins délétère, via un enragé « Machete » qui découpe quelques têtes, et charcle tout ce qui passe à sa portée, en juxtaposant un riff aux saccades miraculeuses et un flow teigneux qui détache chaque mot comme un tir de rafale sans repos. On pense à un GRIP INC vraiment remonté, et si « Wake » se frotte encore à l’ambivalence d’un METAL CHURCH plus puissant que d’ordinaire, « We Warn All Belong », nous prévient bien des intentions d’un quartette qui joue crânement sa carte d’esthète des origines, qui accepte volontiers les us et coutumes plus modernes. Difficile d’extraire un titre au détriment d’un autre tant tous sont recommandables et se distinguent facilement, même si le lapidaire et complexe « Heroes Falling » se permet de revisiter le SCANNER allemand le plus imposant, tout en agrémentant cet hommage de quelques harmonies d’outre-Rhin typique d’un Speed-Thrash de la fin des années 80.
Le massacre prend des allures de véritable boucherie, tant on attend en vain la petite baisse de régime qui nous laissera une chance de nous reprendre en main. Et alors que « Wolf And Raven » se permet de donner une petite leçon d’histoire à James, Lars, Dave et les autres, en leur démontrant qu’on peut encore jouer velu passé un certain âge, « Outrage » termine le boulot sans presser la pédale de frein, et nous laisse médusés, certain d’avoir assisté à un petit miracle comme seuls certains groupes peuvent en accomplir…
Je le dis sans aucune hésitation, Raging Out est un LP qui n’est pas prêt de quitter mes pavillons. Je reste admiratif face à cette déferlante de violence exubérante, qui s’accompagne d’une maitrise de composition imposante, et ce, sans trahir un quelconque background ou jouer d’un opportunisme déplacé. Difficile de croire que cet art consommé de la sauvagerie est pratiqué par des mecs à la cinquantaine bien tapée, qui traînent leur Metal depuis plus de trente années. Un disque bien plus jeune d’esprit et de corps que bien d’autres combos qui ont encore tout à prouver, et ni plus ni moins que l’album Heavy-Thrash de cette année 2017. Sayonara ne fait certainement pas partie du vocabulaire des OUTRAGE. Sauf pour prévenir qu’ils auront tôt fait de revenir histoire d’achever les rares survivants à leur passage avec le sourire…
Titres de l'album:
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30