Vous connaissez bien cette histoire de courrier parvenu à son destinataire des années après avoir été envoyé. Parfois, la poste se sent facétieuse, et au lieu de délivrer la précieuse (ou pas) missive en temps et en heure (soit deux ou trois jours après envoi, localement s’entend), laisse s’écouler quelques décennies avant qu’un préposé plus curieux que la moyenne n’exhume la dite missive. C’est plus ou moins l’histoire que je m’en viens vous narrer aujourd’hui, en digressant sur le premier faux album des finlandais de DROPZONE…Dans la série « nouveauté qui en est une sans en être une », ce Rape Killing Murder se pose là, puisque ce « LP » a été enregistré en 1996, puis oublié dans les sacoches du temps, destiné à devenir à jamais un trésor perdu dans les arcanes du passé. Mais parfois, le temps fonctionne en boucle et en souvenirs qui émergent de nulle part, et c’est ainsi que plus de vingt ans après sa captation partielle, notre label national Osmose nous propose dont le premier jet de ce groupe que certainement personne ne connaît, et pour cause, puisqu’il ne fut qu’un projet initié à la table d’un bar un soir d’été. Mais le plus pertinent est encore de se référer au laïus fourni pour tenter d’en savoir un peu plus.
Björn, guitariste de son état, appréciait l’une de ces soirées de beuverie en bonne compagnie, en l’occurrence celle de Jukka Suksi, des THE FLAMING SIDEBURNS. De fil en aiguille, et je vous passe le détail de cette nuit estivale, et de bières en petit matin, le fier guitariste se mit soudain dans l’idée d’enregistrer un album de pur D-Beat à la scandinave, sans vraiment que l’on sache pourquoi. Il réserva donc quelques heures au studio MD de Munkkiniemi, sauf qu’au moment d’enregistrer, l’homme se rendit soudainement compte qu’il n’avait ni musiciens, ni chansons, ce qui pour autant ne présentait qu’un obstacle mineur selon son point de vue. Et après avoir rameuté un line-up de fortune parmi ses connaissances (avec dans les bagages des membres de FLAMING SIDEBURNS, GANDALF, KYYRIA, HIM, et HYBRID CHILDREN), DROPZONE vit le jour, en tirant son nom du film éponyme…(un vrai chef d’œuvre avec du vrai Wesley Snipes et des morceaux de Gary Busey dedans, c’est vous dire le pedigree, même en 1994).
Toujours est-il que malgré cette soudaine complétude et quelques titres brossés à la hâte, le fameux premier album de ce projet improbable ne vit jamais le jour, puisque pas forcément peaufiné à l’époque, et laissé dans les tiroirs. Il aura fallu un coup de fil de Pale, le bassiste en cause, à notre ami Hervé d’Osmose pour réveiller les démons du passé, et enthousiasmer notre label préféré, qui décida tout de go de sortir la chose en CD et LP ! Certainement éberlué par les bandes écoutées, Hervé nous offre donc ce faux LP d’une durée très limitée de treize minutes à peine, mais à l’impact émotionnel magnifié par la pertinence et la violence dont il fait preuve. S’il est certain que les bases du Crust et du D-beat ont fait partie à une époque du pain quotidien de ces bourrins, le Grind ne devait pas non plus les rebuter, comme le prouvent certains passages aux BPM bien corsés. Et malgré le travail accompli sur les bandes pour les actualiser, on reste médusé devant tant de pertinence dans l’agression, au point qu’il est très difficile de croire que Rape Killing Murder accuse vingt-et-une années d’existence fantôme au compteur…
Certes, et je ne vais pas jouer les hâbleurs de criée, ici, rien n’est original, encore moins foncièrement osé. On nage en pleine adaptation des standards de DISCHARGE, revus et corrigés finlandais, mais la puissance dont fait preuve le quatuor est tout bonnement impressionnante (Pale - basse, Björn - guitare/batterie, Jeska - chant et Gas - chant/guitare/batterie), et nous met à terre en moins de temps qu’il n’en a fallu aux instigateurs pour ramener le projet à la surface. Doté d’une production énorme, cet EP est tout à fait d’actualité, et se permet même de faire la nique aux références actuelles de sa hargne et de sa pertinence. En s’offrant un mixage de roi permettant à tous les instruments de faire la loi, Rape Killing Murder n’est qu’un concentré de haine et de hargne qui séduira tous les amateurs de Crust/D-Beat violent, dans la plus grande tradition des URSUT, ANTI-CIMEX, EXTREME NOISE TERROR, mais aussi WOLFPACK, puisque la démesure semble être un paramètre minutieusement pris en compte à l’époque. Travaillé à la console par le maître Hiili Hiilesmaa (THE 69 EYES, APOCALYPTICA, HIM, LORDI, MOONSPELL ou SENTENCED), ce projet annexe fait souffler un vent de folie sur vos enceintes, et vous entraîne dans une tranche de passé qui a profité d’une exhumation fortuite pour éviter d’être définitivement embaumée, et perdue pour le compte, bien tassée. On y trouve des inflexions vocales dignes d’un Kelvin "Cal" Morris période Hear Nothing, des accélérations dantesques et contemporaines, une basse claquante, cinglante et brillante qui fouette la rythmique dans tous les sens, et une grosse poignée de riffs aussi teigneux qu’ombrageux, pour un résultat qui malgré sa brièveté joue la carte de la diversité, brillamment résumée par l’entrée en matière éclatée de « Persecuted In Existence ». Mais la suite n’est pas forcément à l’avenant, et chaque tranche vaut son pesant, de décibels et de cris bien sûr, mais aussi d’absence de tutelle, puisque le side-project existe de lui-même, et pas seulement à l’ombre des références les plus usuelles (« Enslaved Forever », à la limite du Death Crust, un peu comme si ENTOMBED avait repris à l’époque les ANTI-CIMEX).
Mais le cachet anglais est patent au travers de titres aussi dantesques et intermittents que « Testify The Misery », sorte d’adaptation 90’s du « Protest And Survive » de qui vous savez, avec basse à la Shane Embury jouée par Dan Lilker, alors que quelques saillies purement Grind nous sont chaudement servies (« Manhunt », qui rappelle d’ailleurs méchamment BRUTAL TRUTH dans son entame patibulaire). Le tout se termine dans l’euphorie la plus totale, via un exubérant « Grande Finale », qui n’a pas usurpé son titre de son vivant. Alors, vingt ans, qu’est-ce que c’est au final ? Juste une durée, un moyen de mesurer ? Les deux, mais surtout, le temps qu’il aura fallu attendre pour déguster cette déflagration en pleine face, que l’oubli a transformé en bombe en fragmentation, dévastant tout sur son passage pourtant pas très long. Alors merci à Pale d’avoir glissé à l’oreille quelques notes de merveille à notre ami Hervé, qui s’est chargé de ramener à la vie un projet pas si futile qu’il n’y paraît. Espérons juste que la prochaine fois que Björn picole un peu trop, et qu’il décide de rentrer en studio, il s’assure que son produit est bien fini, et prêt à être distribué, avant de reprendre une tournée.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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