HEALTH fait partie de ces piliers de la scène californienne qui ont redéfini le son Indus-Rock, en y ajoutant du Metal et de la Pop, à la croisée des genres, pour exprimer des émotions viscérales, sans pour autant se départir d’un humour certain. Habitué des gros festivals, HEALTH roule sa bosse depuis suffisamment longtemps pour obtenir ce qu’il veut, et sa fanbase, fidèle, est toujours à l’affut d’une nouveauté à se mettre sous la dent. Dent qui ne risque pas de carier puisque le sucre du trio est toujours amoindri, et renforcé de sel, de poivre, et d’une substance liquide étrange qui transforme les rêves en réalité glauque…mais dansante.
La question se pose donc : peut-on danser en déprimant, ou l’inverse ? Ce nouvel album apporte une réponse claire et quasi définitive. Oui, et oui. Et sans changer de registre, sans se compromettre pour se renouveler, le trio nous offre son album le plus étrange, le plus sombre, le plus puissant, alors même que ses membres ont tous émergé de la scène Noise. Mais le Noisy Rock est bien loin désormais, et la piste de danse ne désemplit pas durant cette rave pour le corps et l’esprit.
Jake Duzsik (chant/guitare), John Famiglietti (basse/production) et BJ Miller (batteur) sont donc allé puiser au fond d’eux-mêmes les néons qui éclairent Rat Wars. Sans savoir si les rats sont tous ces parias qui s’agitent jusqu’à l’aube, ou bien ces moutons résignés qui suivent les ordres, on peut déjà comprendre qu’on ne les attirera pas en dehors de la ville en jouant de la flûte. Les premières notes de « Demigods » donnent une indication claire sur le monde dystopique décrit par les trois associés, et nous entraînent sur la piste des plus grands cauchemars synthétiques de NINE INCH NAILS (celui des débuts, s’entend). D’ailleurs, le trio n’hésite pas à plaquer une formule pour décrire la leur. Ils parlent d’un Downward Spiral pour ceux qui ont au moins deux écrans, et une carence en vitamine D.
Bonne pioche, la réalité des faits est très proche de cette description pleine d’humour.
Mais il n’y a pas que Trent Reznor qui guide les sillons numériques de cette nouvelle réalisation. On y ressent aussi du FILTER, du MINISTRY, et du PET SHOP BOYS, pour la bonne bouche, lorsque la musique se teinte d’une Pop légitime, mais underground. KMFDM est aussi de la fête, tout comme GRAVITY KILLS, mais le tout est si créatif et envoutant qu’on se dit que le nom de HEALTH figurera bientôt aux côtés de ceux déjà cités.
Sacré compliment.
Rat Wars est avant tout la somme de ses compositions, mais il est aussi un magnifique travail de production. Les sons s’entrechoquent mais se distinguent sans effort. Les claviers, la guitare qui lamine des riffs prétextes, l’électronique qui domine les débats, la voix éthérée semblant émaner d’enceintes high-tech, la rythmique qui pulse et qui bat plus fort qu’un cœur après ingestion de poppers, le climat est éprouvant, génère des litres de sueur, et nous laisse gesticuler dans le vide comme prisonnier d’une réalité virtuelle bien plus passionnante que son contrepoint réel. On s’épuise sur le beat martial de « Future Of Hell », attaque sévère et agression sans pitié, on accroche de nouveau ses posters de DEPECHE MODE en savourant le rythme fluide de « Hateful », qui laisse passer de nombreuses respirations, et on dessine un croisement entre l’Allemagne, l’Angleterre, et les Etats-Unis, qui convergent outdoor durant le set d’un D.J à l’humeur sombre, mais aux mains agiles.
Bien évidemment, la comparaison avec Downward Spiral va aiguiser la curiosité, et exciter les esprits. Mais plus que du séminal concept album de NIN, Rat Wars se rapproche de Pretty Hate Machine, pour cet équilibre incroyable entre célébration hédoniste et présent douloureux, et pour ce dosage entre éléments Rock et base Electro-Indus. Les débuts de Trent sont donc la matrice originelle, qu’on agrémente de quelques décors à la FRONTLINE ASSEMBLY, SKINNY PUPPY et autres chantres de l’EBM et de l’Indus martial, mais groovy.
KMFDM pointe le bout de son « Drug Against War » sur « Crack Metal », qui cite aussi les cochons maléfiques de NIN, la lourdeur et l’oppression agrémentent « Unloved » d’une touche de solitude dans la foule, dans l’oubli permanent de l’environnement par une danse tribale en solitaire, qui se prononce comme un mantra, et la voix toujours aussi onirique de Jake Duzsik permet de faire passer les pilules les plus sévères, les effets secondaires étant supportés avec un masochisme salvateur.
Evolutif de bout en bout, ce nouvel album de HEALTH est sans aucun doute possible son plus cru, mais certainement son meilleur aussi. Un genre de KILLING JOKE plus léger et gracile, quelque part dans une cité industrielle de Californie, oubliée par le soleil et l’espoir (« Children Of Sorrow »).
Parfois un peu « trop » au détriment du « juste assez », Rat Wars dessine la guerre que son nom décrit avec force effets et autres dérivations synthétiques. Pourtant, le tout est aussi puissant et méchant qu’un postulat Metal de base. Un peu d’acoustique sur « (Of Being Born) », du Post-Rock et de la Pop de synthés sur « Don't Try », et un silence qui suit une performance intense, comme si le public avait du mal à se remettre de ses propres émotions.
HEALTH n’est pas dangereux pour la santé. Il lui fait juste subir des assauts répétés, à base de virus Electro-Indus, de pathologies Pop-Metal, pour mieux générer ces précieux anticorps qui permettront tous les voyages, même les moins recommandables.
Quelque part dans un champ près de Los Angeles, une fête bat son plein. Les danseurs sont en nage, les convives sur un nuage. Et HEALTH trône sur scène comme un MC messie.
Dansez, jusqu’au bout de votre nuit. Le jour se lèvera assez tôt pour vous ramener à la dure réalité.
Titres de l’album:
01. Demigods
02. Future Of Hell
03. Hateful
04. (Of All Else)
05. Crack Metal
06. Unloved
07. Children Of Sorrow
08. Sicko
09. Ashamed
10. (Of Being Born)
11. Dsm-V
12. Don't Try
Merci pour ta chronique ! Chef-d'oeuvre pour moi et probablement le groupe de Metal Indus le plus intéressant depuis très très longtemps. Si tu as l'occasion, écoute les deux derniers "Disco 4", leurs disques collaboratifs, aussi éclectiques que réussis ! Health est un sacré, sacré bon groupe !!!
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21/11/2024, 08:46
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