Je lis Portland et je dis oui. J’imagine Portland, Oregon, ses inclinaisons brutales, et je m’évade. Au son évidemment d’une musique crue et sans concessions, la véritable trademark locale, et en déambulant dans les rues, je tombe sur un bar abandonné, à la façade décrépie. Je remarque sur la vitrine une affiche collée il y a semble-t-il des années, en noir et blanc, annonçant la venue d’un groupe du cru pour un concert unique. Un concert lançant leur carrière discographie, une « Launch party » comme on dit là-bas, prévue pour le dix-huit octobre 2019, alors même que le papier décoloré par le soleil noir semble dire que ce concert a déjà eu lieu il y a des années. J’ouvre la porte, et je tombe avec surprise sur le barman. Une sorte de moitié-zombi décati aux lambeaux de chair encore pourris qui marmonne un truc bizarre…
« This is Portland man, but this is Sweden too ».
Il me fait le coup des compiles de Hardcore des années 80 sans doute…D’ailleurs, il bave la seule dent qu’il lui reste, qui tombe à terre avant de fondre comme une vieille illusion. Un autre serveur s’approche, plus frais, mais pas plus sympathique, qui me guide à une table dans le fond, près de la scène. Scène sur laquelle trônent des instruments au lourd passif qui témoignent d’un parcours assez concret. Je sirote un veux soda qui n’a plus de bulles depuis que Donald Trump a perdu sa dernière neurone, avant que le groupe n’investisse l’estrade pour faire son office. Et là, la petite phrase sibylline prononcée par le mort-vivant à l’entrée prend alors tout son sens…« This is Portland man, but this is Sweden too ». Et c’est la vérité. Portland se retrouve projeté du côté de Stockholm, sans perdre de son américanisme prononcé. Et le miracle se produit…Mais le serveur chafouin de vite corriger mon erreur… « Pas de miracle ici mec, ils trainent leurs basques et leur violence dans la région depuis longtemps. ». Et lui, trop fier de me tendre une sorte de vieux flyer moisi, mentionnant les passions suivantes… « Non-band related influences on RANK AND VILE: Sunlight Studios, HM-2 pedals, and the Left-Hand Path. ». RANK AND VILE est donc de cette génération de groupes US traumatisés par la vague suédoise de Death Metal des années 90, au point d’avoir collé des stickers ENTOMBED, DISMEMBER, GRAVE et UNLEASHED sur leurs flight-cases. Enfin je n’en sais rien, mais j’extrapole…Et lorsque les quatre gus (Theo Spence – chant, et aussi membre de VELARAAS, Matt Oien – guitares, Leon West – basse et James Cox – batterie) envoient leur sauce, je comprends mieux pourquoi ils ont choisi ce bar miteux pour y répandre leurs effluves de brutalités…
Une biographie en morbid sans MS m’est même proposée. J’y apprends pas mal de choses que les deux autres marsouins m’avaient déjà dites, mais aussi que le quatuor se sent proche d’autres groupes malfaisants, comme ROTTEN SOUND, MAGRUDERGRIND, ENTOMBED, GATECREEPER, ou BLACK BREATH. J’y apprends aussi (mais je le savais un peu) que selon eux, les riffs sont le plus important dans le Death Grind, et qu’ils se focalisent donc dessus. Mais en entendant le barouf émanant de leurs amplis, flaqués sur cette estrade comme des mégaphones de la mort sur une tombe perdue, je réalise à quel point les RANK AND VILE ont tout pigé avec Redistribution of Flesh. Les riffs évidemment, tronçonnés d’une congère de glace épaisse comme une épée de viking, des vocaux qui régurgitent une haine palpable, des à-coups rythmiques en piège de froid et brûlant, mais aussi, une alternance entre l’ultraviolence et la lourdeur la plus oppressante pour vous laisser sur le flanc. La quintessence d’un Death Grind qui se veut toutefois plus Death que Grind, qui réfute tout principe d’évolution, et qui continue de préférer la nuit au jour. Un buzz qui traîne dans le circuit électrique, une sorte de faux-contact dans l’espace-temps, et un trip aux confins des origines, avec toutefois des allusions franches à la culture nationale.
Le concert n’est pas long d’ailleurs, ils y jouent pourtant tout leur répertoire, mais les dix-neuf minutes sont à peine atteintes. Mais avec une intro comme « Apotheosis », pas la peine de jouer les prolongations, tout est dit, ou presque. Enregistré aux Fester and Haywire Studios de Portland, masterisé par Julian Silva au On Air Mastering, décoré d’un horrible et magnifique artwork de Smelly Elle, Redistribution of Flesh est le genre de petit manifeste d’allégeance qui utilise les meilleurs codes pour parvenir à ses fins. Bien sûr, les guitares sonnent plus suédoises qu’une culotte d’Agnetha, bien sûr, la production donne le sentiment d’avoir été faire aux Sunlight, mais l’imbrication des riffs, les plans qui se télescopent, les ralentissements futés et les silences distribués avec parcimonie témoignent d’une culture du genre, d’une esthétique léchée sur la peau vérolée, et l’ensemble dispose de plus de pertinence que bien des efforts plus importants. On se dit d’ailleurs parfois que les morceaux semblent plus épais qu’ils ne le sont, tant ils font montre d’idées pertinentes, et entre une basse qui groove méchamment et des guitares qui ronchonnent nonchalamment (« Omb », des samples, du glauque, mais du gluant aussi, et on s’en souvient jusqu’au prochain samedi). C’est souvent oppressant comme un embaumement qui tourne mal et qui suinte, mais pour mériter la caution Death/Grind, le groupe n’hésite pas à saucissonner comme un diable de petits éclairs en tranches plus fines (« Killdozer », qui kille et qui doze à mort avec ses blasts entrecoupés), bien qu’il assume totalement le déviant et le mochement lourd, à l’instar de ce traumatique et dégueulant « The Grigori », qui clôt l’album sur une touche de morbide pluriel, avec une synthèse parfaite de tout ce que le style présente de plus moribond et grognon. Le syndrome du piti Grigori sans doute…
« This is Portland man…».
Me revomit le spectre à l’entrée. Mais plus besoin de l’écouter maintenant, d’autant plus qu’il y a longtemps qu’il a avalé sa langue.
Titres de l’album :
1. Apotheosis
2. Cabal Therapy
3. Omb
4. Redistribution of Flesh
5. Grey Goo
6. Killdozer
7. Global Scaphism
8. The Grigori
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