De la franchise, un brin d’opportunisme, voici la recette d’un album carré, performant et électrisant. Mais les originaires des Midi-Pyrénées de WORSELDER n’en sont pas à leur coup d’essai. Redshift est en effet leur second longue-durée, intervenant six ans après le premier, ce Paradigms Lost qui avait déjà mis le feu aux poudres. Le groupe accuse aujourd’hui près de quinze ans d’existence, au long desquels sa personnalité s’est forgée, au point de devenir un leitmotiv qu’ils résument parfaitement :
Pas de concessions sur le style ou les tendances... cela pourrait être la devise de WORSELDER. Mais là où le groupe pourrait proposer une musique old-school sans chercher l'originalité, WORSELDER distille au contraire un métal à la croisée des chemins, à la fois baigné de multiples influences et impossible à étiqueter.
Ce qui pourrait passer pour un simple argument promotionnel destiné à allécher le chaland et sa bourse remplie, est en fait une vérité indéniable. Et ce nouvel album aux contours polis en est la preuve la plus probante. On trouve en effet dans la musique du quintet des éléments de Thrash, de Heavy, de Fusion, de Death, de Metalcore, pour un cocktail rassérénant, subtilement chargé en alcool de riffs, mais assez light pour ne pas enivrer trop vite.
Jérémie Delattre & Yoric Oliveras (guitares), Michel Marcq (batterie), Yannick Fernandez (basse/chant) et Guillaume Granier (chant) nous proposent donc en 2023 un nouveau concept, Redshift, qui s’explique via la description scientifique ci-dessous :
Le décalage vers le rouge (redshift en anglais) est un phénomène astronomique de décalage vers les grandes longueurs d'onde des raies spectrales et de l'ensemble du spectre — ce qui se traduit par un décalage vers le rouge pour le spectre visible — observé parmi les objets astronomiques lointains.
Voilà un peu d’originalité dans le petit monde fermé du Metal moderne, et autant avouer que le concept choisi colle parfaitement à la musique composée. En effet, ces neuf nouveaux titres poussent dans le rouge avec une dynamique extraordinaire, conférée par une production exemplaire. Entre traditionalisme et envie de modernité, WORSELDER louvoie avec beaucoup d’intelligence, et parvient à rester homogène dans la diversité. Et chose rare, chaque titre possède son identité propre et ne se contente pas d’être le petit frère jumeau du précédent.
De fait, laissez immédiatement tomber toute envie de catégorisation. Contentez-vous du fait que WORSELDER joue un Metal décomplexé, moderne mais pas trop, agressif mais compréhensible, et surtout, équilibrant avec panache la puissance et la délicatesse. La puissance s’articule évidemment autour d’une rythmique bouffe-bitume, claquante, féroce et brillante, tandis que la musicalité profite de deux guitares à l’unisson dans les harmonies. En gros, le tout explose en mode étoile géante et nous éclabousse de particules de talent, chacun étant irremplaçable à son poste.
Je louerai avant tout les qualités incroyables d’un chanteur versatile, capable de hurler, de susurrer, de feuler, de partir dans les aigus avant de racler grave, et finalement, de se mettre dans la peau d’un conteur Metal de premier ordre. Un tel vocaliste est un atout non négligeable pour un groupe multicarte, et beaucoup de collectifs internationaux pourraient nous envier le talent de Guillaume Granier, frontman comme on en connaît assez peu finalement dans notre beau pays.
Mais l’autre point fort de cette association réside dans son osmose. On sent que les musiciens sont sur la même longueur d’ondes, et que les choix effectués sont collectifs. Il suffit pour le comprendre de choisir au hasard l’un des morceaux les plus percutants, disons « The Exoteric Verses » par exemple, à cheval entre Metal progressif et Nu Metal teinté de Thrash classique, et de se laisser bercer par ces bras musclés qui soulèvent de la fonte comme ils cisaillent menue une arabesque boisée.
Dansant, jumpy sans porter le survêtement, mais surtout surpuissant, Redshift est un petit monstre très grognon qui pousse son premier cri avec beaucoup de conviction. « Para Bellum », premier single extrait de l’album est le genre d’ouverture dont on rêve en tant que fan/chroniqueur, une machine à broyer devant autant aux 7 WEEKS qu’à SPINESHANK. Le monde de WORSELDER est donc universel, complexe et riche mais accueillant, et ouvrant ses portes à tous les passionnés d’un Metal affranchi de tous ses clichés
Avec un tracklisting ne laissant passer aucune approximation ou erreur, Redshift se permet donc quelques fantaisies plaisantes, comme ce diptyque « Insurgents », qui en sept minutes collées nous entraîne dans un univers évolutif, sombre, mais strié d’interventions aussi lumineuses que chaudes. Pour tous les gouts, toutes les envies, et une manière de fidéliser son public par une attitude honnête. Voilà donc la démarche de ce quintet sympathique, une démarche évidemment louable qui transforme un simple deuxième album en réussite totale et en carton dans le mille.
Une œuvre qui nous change de la monotonie old-school mensuelle, et qui se termine même par une dernière pirouette Heavy du plus bel effet, légèrement psychédélique sur les bords, entre HAWKWIND et FEAR FACTORY. Un Space Metal pragmatique, un Heavy/Thrash stellaire, et finalement, ce que vous y verrez du moment que vous regardiez à deux fois avant de juger hâtivement.
Titres de l’album :
01. Para Bellum
02. Point of Divergence
03. Pillars of Smoke
04. Absurd Heroes
05. Atheist
06. The Exoteric Verses
07. Insurgents (Part 1)
08. Insurgents (Part 2)
09. Ascent to Rebirth
Une pépite cet album !
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