Nous y voilà. Il fallait bien que ça m’arrive un jour. A force d’écumer les sites plus ou moins underground, je devais au bout d’un moment tomber sur ce genre d’album, sans vraiment le savoir. Car c’est en cherchant des informations sur le net que j’ai compris que quelque chose clochait avec MAD TRUCKER. Rien sur The Metal Archives, rien sur Discogs, rien ici et ailleurs, si ce n’est cette chaîne YouTube appelée Losers Records…Un label intimiste Russe qui ne me disait rien, et qui cachait un secret assez troublant.
Il m’aurait suffi de lire la courte bio sur la chaîne YouTube pour comprendre que je ne pouvais PAS trouver d’informations sur ce groupe et cet album. Car de groupe, il n’y a point. Mais loin du concept du one-man-band, MAD TRUCKER cache une réalité qui fait peur à tout le monde, spécialement les créatifs qui vivent de leur art.
Mais avant d’aborder cette question épineuse, parlons d’abord de ce disque incroyable. Si vous trouvez que le Heavy moderne cède le pas, et force le trait sur la nostalgie en oubliant la noblesse, alors délectez-vous de Refueling The Beast. Ce disque est une véritable ode au Heavy Metal, quelque part dans la galaxie la plus noble, celle qui a vu graviter les PRIMAL FEAR, JUDAS PRIEST, ICED EARTH, Jorn LANDE, et qui résonne encore des voix incroyables de Ronnie James, Ralf Scheepers et Michael Kiske.
La découverte de « Burning Pavement » sera aussi violente que le choc provoqué par un énorme camion post-apocalyptique heurtant un bambin jouant sur la route. Cette pochette est donc l’indice le plus utile pour juger d’un contenu ferme et définitif, rythmiquement imparable, mélodiquement agressif, et toujours à la lisière d’un Power Metal de haute volée. Les plus classiques d’entre vous y retrouveront leurs chères études Heavy des années 90, et les plus ouverts de la nostalgie de qualité, des soli enflammés, des breaks bien tassés, et des envolées vocales survitaminées.
Le tout paraît même un peu over the top. Le son des guitares, cette voix étrange qui envoute autant qu’elle n’intrigue, ces titres qui semblent un peu trop similaires…Mais l’effet produit sur l’organisme est relativement euphorisant, et on s’imagine déjà assistant à un concert dans une fournaise, avec un frontman dans le rôle du marteau frappant lourdement l’enclume. Les titres sont autant d’hymnes à cette passion Metal qui nous attise depuis des décennies, et qui trouve un écho fidèle dans ces riffs certes classiques, mais francs et massifs.
Quelques accélérations à la ACCEPT des jours de guerre, avec ces chœurs à l’allemande qu’on aime tant, de la solidité au niveau des épaules, un effort sur les arrangements, sobres mais efficaces, et le temps passe, alors que les piétons trépassent. On se sent galvanisé par ces soli en sextolets incendiaires, et par ces couplets d’airain qui jouent sur le sentimentalisme viril, et les quarante minutes finissent par passer comme dans un rêve, ressuscitant ce Heavy d’origine jusque dans les inflexions les plus minimes.
Mais, il y a un hic.
Si derrière ce nom diablement bien trouvé se cache en effet un artiste, il n’a rien d’un musicien conventionnel qui joue de la guitare, de la basse, chante et cogne comme un bûcheron. MAD TRUCKER n’est donc pas un groupe, mais un projet personnel, entièrement composé par une intelligence artificielle. On en parle depuis de longues années maintenant, le résultat concret est là, et il est temps de se poser les bonnes questions.
Certes, le bonhomme reconnaît sa méthode, et admet qu’il faut plus qu’une simple IA pour composer un album entier. Il explique même son processus, les différentes étapes, les plateformes utilisées (Suno, Soundraw, Loudly), et le soin apporté au mastering, à l’édition, aux filtres, pour produire en moyenne trente secondes de musique, chapelets qui une fois assemblés forment un véritable morceau.
Alors…
Doit-on apprécier, ou doit-on au nom de la véritable création artistique conchier ce genre de projet ? Après tout, lorsque les samplers, les claviers et les boîtes à rythmes sont apparus, la même question s’est posée. Il devenait inutile de savoir manier une guitare ou une batterie pour sortir un album, et pourtant, beaucoup de disques enregistrés synthétiquement sont aujourd’hui devenus des classiques.
Lorsque les cartes-son les plus performantes ont vu le jour, un homme seul pouvait grâce à la technique composer des œuvres totalement folles, sans le moindre apport extérieur. Mais ici, la méthode prend des proportions que beaucoup trouveront hors-contexte. Si désormais, n’importe qui est capable de composer un album entier grâce à l’aide d’une intelligence artificielle, que deviendront les musiciens ? Ils se posent déjà la question, et ont raison de s’en faire. Car si l’IA a encore ses limites, elle apprend très vite et son algorithme se perfectionne avec le temps.
Donc…
Faites-vous votre avis. Même si une oreille exercée sent que les guitares ont quelque chose de préfabriqué, et trouve le chant un peu trop ordonné et à la réverbération artificielle, le tout tient debout, comme n’importe quel produit tablant sur la nostalgie. Sera-t-on bientôt nostalgiques de l’époque où de vrais musiciens enregistraient dans de vrais studios ?
Ce qui était une hypothèse alarmiste devient de plus en plus une réalité controversée.
Titres de l’album :
01. Burning Pavement
02. Wheels Under Fire
03. Scorched Betrayal
04. No Stops Ahead
05. Refuel The Beast
06. Unstoppable Machine
07. Endless Journey
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