Mes collègues et néanmoins amis (enfin je l’espère) de Metalnews m’avaient mis la puce à l’oreille en annonçant la sortie du nouvel album des tarés US de SHIT LIFE, et au vu des réactions euphoriques étalées dans les commentaires, et le dithyrambe complètement assumé de la communauté, je me devais de réagir et de saisir mon clavier. En tant que fan absolu de Grind depuis les premières exactions anglaises des années 80, que j’ai eu la chance de vivre en live, je me sentais irrémédiablement attiré par la production de ce duo de flingués (Chris - guitare/chant, Zach - batterie/chant), qui se proposaient en vingt-cinq morceaux originaux et deux reprises de replacer le bruit dans un contexte de nostalgie contemporaine, et grand bien m’en a pris. On le sait tous, le Grind est un style facile à jouer, mais très difficile à transcender. N’importe quel clampin sachant blaster, grogner, saccader et faire plus de barouf que la tondeuse du voisin peut se revendiquer membre de la famille, mais ceux capables de jouer le jeu en respectant les règles de qualité sont rares. Et autant dire que les SHIT LIFE ont tout compris aux exigences de genre, eux qui ne dépassent que très rarement la minute au chrono et qui jouent comme si la vie du dernier pack de bière en dépendait. Se revendiquant d’influences logiques, mais appréciables (MAGRUDERGRIND, PHOBIA, INSECT WARFARE, POSER DISPOSER, S.O.B., WOLF BRIGADE, MASSGRAVE, CATHETER, WEEKEND NACHOS, 324, IN DISGUST, P.L.F., ARCHAGATHUS) les deux pingouins peuvent s’enorgueillir d’avoir sorti l’un des albums les plus euphoriques et exubérants qui soit, et rejoignent donc au panthéon de mes idoles les immanquables GETS WORSE, CLOSET WITCH, MINDFLAIR et autres THE KILL, chiens dans un jeu de quilles qui n’en peuvent plus de se prendre mes grosses boules dans la gueule.
Du Grind, d’accord, mais lequel ? Celui qui Gore encore et engore, c’est que le début d’accord, d’agore ? Non, celui qui blaste comme un psychopathe à la machette en Amérique du Sud, celui qui riffe comme une chaise électrique faisant tressaillir un serial killer sur son séant, celui qui marteau-piqueur à six heures du matin sous votre fenêtre en plein été, et qui place quelques inserts en samples histoire de bien rigoler. Et le Grind des SHIT LIFE, c’est celui du proverbial pétard mammouth dans la crotte de chien qui éclabousse le mur du voisin, celui qui fait revivre la guerre du Vietnam à un pauvre vétéran traumatisé, et qui nie toute logique d’évolution de la musique extrême depuis l’émergence des olibrius de Birmingham. Un peu l’anti-école de Canterburry, la négation du progressif, le truc qui stagne depuis sa naissance, mais qui s’en branle et qui mitraille comme un déséquilibré en Norvège. Le truc que le gilet pare-balles le plus résistant ne peut encaisser, à grand renfort d’une double grosse caisse qui tourne à plein régime, le Blitzkrieg, le raid aérien au-dessus d’un camp de scout nazis, enfin bref, le machin qui vous bousille les oreilles avec une joie non feinte et qui vous donne envie de sortir de chez vous pour envoyer chier tout le monde. Mais loin de se contenter de foutre le bordel à vingt kilomètres à la ronde, les deux olibrius ont pris le temps de trousser de véritables morceaux dans la plus grande tradition du genre, à mi-chemin de l’analogique de tonton Shane et de la compression outrancière de la nouvelle génération (le son de batterie pourra agacer les plus puristes, mais au vu de la folie dégagée, il est totalement justifié). Vingt-cinq morceaux, plus finauds qu’il n’y parait, avec des syncopes complètement frappées (« Envelope Full Of Dick Weed », plus barré que ça, je ne connais pas), des références D-beat et Crust comme s’il en pleuvait, et surtout, une énergie à rendre un accro au Red Bull tremblant de jalousie, avec des plans de batterie qui tiennent de la crise d’épilepsie, et un duo vocal en pleine schizophrénie.
C’est simple, le tout à des allures de fête paillarde tournant très mal, avec deux mecs pas invités qui viennent pour tout picoler et tout ruiner, et qui laissent la maisonnée la tapisserie pleine de merde, les chiottes bouchés et la fille de la maison la culotte baissée. Pas forcément portés sur la raison, Chris et Zach jouent au contraire leur va-tout et cherchent l’exagération, riffant comme des malades mentaux, et aménageant des espaces plus groovy mais saignants, permettant à leurs morceaux pourtant brefs de contenir plus d’idées que des discographies entières de héros célébrés. Difficile parmi cette pléthore de blagues supersoniques de faire son marché avec discernement, mais avec quelques pauses lourdes et intéressantes (« SMOKE BREAK », hyper groovy et genre ZZ TOP repris par les NASUM), des fulgurances de branleurs fans de Crust accéléré et soudainement enflammé (« We Don't Give A Fuck What You Think », dix-neuf secondes de démence précoce), un tempo qui en fait vraiment trop, mais qui nous dynamise plus efficacement qu’un barrissement de troupeau (« Fuck Corporate Weed »), et qui lorsqu’il n’en fait pas trop, en fait encore plus trop (« Grinder's Eve »), des aplatissements en règle sous rouleau compresseur conduit par un arriéré (« Nug Destroyer »), et des allusions à SLAYER subtilement détournées façon humour potache (« Raining Bud »), Reign In Bud est plus qu’un simple album de Grind, c’est l’hommage ultime au genre, la révérence suprême avec rots bruyants mais application religieuse, l’exécution même pas programmée sans foulard sur les yeux, et surtout, une façon d’extérioriser sa violence intérieure tout en gardant un sourire enjôleur.
Et comme les gus ont de l’humour et de la culture, ils terminent dans la tendresse avec un « Slow Grind » qui vous permettra d’emballer votre golden retriever avant le retour de votre femme (immanquablement jalouse, comme d’habitude), mais surtout avec deux reprises de derrière les fagots, l’une des maîtres de REPULSION (« Black Breath », ça pue de la gueule, mais le dentifrice c’est pour les bourgeois), de l’autre les références canadiennes de RAZOR (« Bad Vibrations », joyeusement densifié et accéléré, mais toujours aussi heureux de thrasher). Bon, je me demande pourquoi je suis encore à mon clavier alors que vous devriez avoir pigé depuis longtemps pourquoi les SHIT LIFE méritent votre intérêt. Lorsque le Grind, le vrai, se manifeste, toute affaire cessante, vous courrez le rejoindre, si possible pas loin d’un centre commercial qui ne demande qu’à cramer. Une allumette, un pétard bien maousse, et vous attendez les soldes. Lâchez-le au milieu des furies qui s’étripent pour un chemisier pourri moitié prix, et vous aurez plus ou moins l’effet obtenu par ce Reign In Bud, la Leffe blanche des albums de Grind.
Titres de l’album :
1.I Hate The Law
2.Useful Idiots
3.Dirt Ensemble
4.Dank State
5.Grind The Weak
6.Thought Police
7.We Don't Give A Fuck What You Think
8.Fuck Corporate Weed
9.You Cried On Election Day (Illusion Of Choice)
10.March Of The Reefer Deathsquad
11.Don't Bring Piss To A Shit Fight
12.Thrashgrinding Fuckmachine
13.SMOKE BREAK
14.Inhale/Inhale
15.Grinder's Eve
16.Heavy Metal Dresscode
17.High Ground
18.Nug Destroyer
19.Shitcophagus
20.Envelope Full Of Dick Weed
21.If You Suck, Yer Fucked
22.You Smoke Mids
23.Brainslug
24.Raining Bud
25.Slow Grind (Take It Sleazy)
26.Black Breath (Repulsion cover)
27.Bad Vibrations (Razor cover)
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