Lorsqu’on baptise son album Répugnance, c’est que l’on a des intentions très claires. Et mieux vaut être à la hauteur sous peine d’être moqué par la communauté qui n’est jamais aussi revancharde que contre ses représentants les plus bruts. Mais croyez bien que si MIASMES a pris ce risque, c’est qu’il est calculé, millimétré pour respecter le cahier des charges nauséabond d’un Black de tradition, qui échappe au Post comme il évite l’expérimentation. Car ce qu’on attend des français est clair et définitif : un BM traditionnel, méchant comme une teigne et repoussant comme un Mortuus sans maquillage.
Un an après nous avoir promis les Vermines, le trio (C - batterie, K - guitare et G - basse/chant) nous offre donc la Répugnance, toujours accompagné dans son entreprise de destruction par les inamovibles Acteurs de l'Ombre. Cette répugnance se développe en neuf chapitres, tous résumés en un seul mot pour accentuer le côté essentiel et urgent de l’œuvre, mais aussi sa tendance universelle. Tout y passe donc, la peste, le calvaire, la destruction, l’aversion et la pestilence, comme un recensement des afflictions médiévales les plus effrayantes. Pour ce faire, le trio a une fois encore misé sur le fondamental, l’obligatoire et l’essentiel, sans se perdre en route, et sans édulcorer son propos, toujours aussi grave et rauque.
On aperçoit sur cette pochette des éléments disparates, des canettes vides, un poing américain, une machette, un crane, une cartouchière, une chaussure, comme si un mercenaire avait laissé tout son attirail derrière lui après avoir accompli sa mission. Cette mission, c’est faire le ménage dans les rangs noirs, pour en expurger les traitres à la cause, ceux qui pensent justement pouvoir détourner les codes pour rendre cette musique plus acceptable et plus présentable.
Et la mission de MIASMES va justement à l’encontre de ces principes. Le Black se doit d’être en permanence affreux, grimaçant, violent et sans compromis. Une sorte de documentaire minimaliste en noir et blanc, mettant l’emphase sur les sentiments les moins avouables et les comportements païens.
Mission accomplie.
Alors évidemment, il faut supporter le classicisme propulsé en art majeur, sans avoir à accepter la tyrannie de cette école old-school qui pompe et repompe les égouts de Suède et de Norvège à longueur d‘année. Ce premier véritable album prouve que l’on peut se réclamer puriste sans s’avouer vulgaire plagiaire, et « Délivrance » de faire passer le message de son intro puissante et de sa guitare tournoyante.
Ici, tout est casher sur l’étal. Le chaland peut donc y aller les yeux fermés, certains de rentrer à la maison avec sa dose de blasts, de lignes vocales éructées comme lors d’une extrême onction diabolique, de riffs concentriques qui tournent sur eux-mêmes, et de volutes de basse rondes comme une lune de tous ses quartiers. L’ambiance est donc gentiment belligérante, et l’ombre du War Metal n’est jamais très loin. Entre MARDUK et deux ou trois représentants de l’école des Acteurs de l'Ombre, MIASMES confirme, place ses pions, et attend les mouvements adverses. Mais méfiez-vous, le groupe est toujours aussi prompt à réagir et à vous damer le pion sous le regard halluciné et respectueux des garants de la légende.
Production exemplaire et atemporelle, batterie organique maniée par un percussionniste qui sait faire la différence entre un fill indispensable et un numéro d’équilibriste gratuit, et puis, ce leadership de G qui hurle comme un beau diable et qui laisse ses quatre cordes répandre leur fiel via une série de notes qui s’envolent comme des vautours. K n’est bien sûr pas en reste et livre sa cargaison de riffs congelés qui nous enfoncent dans les neiges nordiques, lors d’une nuit sans fin qui nous oblige à voir l’horreur d’un monde faisandé en face. Et l’image n’est guère plaisante.
Peu de surprises, aucune déconvenue, le bilan est donc largement positif, et ce premier long tient toutes les promesses formulées par son aîné en format court. En mode emphase, le trio écrase, concasse, se repose sur des gimmicks de mixage pour donner à la batterie une ampleur surnaturelle, et en mode sprint entre les tombes, la précision permet de ne pas trébucher sur une sépulture pour finir la tronche écrasée sur le marbre.
Convenu mais insistant, persévérant mais réaliste, Répugnance aborde celle des facilités d’usage et des concessions gratuites. Le BM étant un genre anobli depuis des années, il convient de lui faire honneur en le jouant tel qu’il a toujours été joué, avec cette petite touche personnelle et française qui assure un label de qualité respecté.
Avec une ou deux idées porteuses, MIASMES construit des évolutions intéressantes, comme ce final « Pestilence » qui empeste la chair putréfiée des condamnés par la mort, le destin, la maladie, ou bien les pouvoirs publics dévoués. Tout ceci ne risque pas d’aérer votre cerveau pour le rendre perméable à des théories optimistes. Les ténèbres, la violence, la rigidité et la franchise étant des qualités louables surtout dans ce milieu, les MIASMES en sortent la tête haute, les ambitions accomplies, et la haine toujours aussi viscérale (« Peste », petit précis à l’usage des misanthropes en culotte longue). Répugnance est donc la carte de visite niquée au carbone que l’on attendait de la main du trio, qui renouvelle ses vœux, et part à la conquête des fans de tradition.
Entre le joueur de flûte et le gourou inflexible, il existe une place à prendre.
Titres de l’album:
01. Délivrance
02. Prophétie
03. Calvaire
04. Peste
05. Répulsion
06. Malemort
07. Aversion
08. Destructeurs
09. Pestilence
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