NACHTMYSTIUM, c’est une ancienne « affaire », même si le terme ne doit pas plaire plus que ça à son leader qui s’est empêtré dans un imbroglio d’arnaques avant de « cesser » sa carrière de façon brutale histoire de passer l’éponge. Enfin, cesser sa carrière, disons qu’une fois encore, la vision définitive des choses échappe un peu à la logique du tempétueux et nébuleux frontman, qui une poignée d’années après avoir fracassé les espoirs de fans d’un « adieu » au ton légèrement flou, s’en est vite revenu, jurant ses grand Dieux qu’on ne l’y reprendrait plus. Mais à quoi au juste ? A changer de ton entre chaque album ? A moduler sa musique au point de la rendre parfois méconnaissable à ceux le suivant depuis ses débuts ? A brader des goodies pour mieux les garder de revers une fois l’argent encaissé ? Bonne question, et ce nouvel EP n’apporte qu’une petite partie de réponse, puisque musicalement, « l’affaire » est presque entendue, et révélatrice d’un passé underground glorieux que Blake Judd aime à retrouver pour se recentrer. Et c’est quelques mois seulement après le « comeback » d’Ancient Howls of Dawning Fury que sa créature repointe le bout de ses griffes, dans une nouvelle incarnation, et pour le plus grand plaisir d’amateurs de BM trifouillé, dénaturé, et adapté à des points de vue très personnels. Si l’orée du parcours de la bête se plaçait sous des auspices USBM, ce temps-là est bien révolu, et plus particulièrement depuis les deux « derniers albums » officiels publiés en 2014 et 2014, Silencing Machine et The World We Left Behind, au titre « presque » prémonitoire. Et si Resilient ne vient en rien contredire les postulats énoncés sur Ancient Howls of Dawning Fury, il en prolonge les intentions, et se classe de lui-même dans un créneau de qualité affirmé, exempt de surprises flagrantes, mais aussi de déceptions.
Car cet EP, aussi bref soit-il et à considérer comme une remise dans les flots de l’actualité, est d’importance. Il prouve que NACHTMYSTIUM est toujours ce groupe à part que l’on a connu, et qui suit sa propre route, qu’elle emprunte des chemins psychédéliques, atmosphériques, ou plus généralement Black Metal. Et la tonalité générale du produit en question se situe donc sur un excellent niveau de BM aux ambiances travaillées, et aux arrangements discrets, mais patents. Inutile de le cacher, le travail de l’américain est d’obédience formelle, mais connaissant le niveau du bonhomme, nous étions en doit de nous attendre à l’excellence, ce que confirment les trois « véritables » titres de ce nouveau effort moyenne-durée. Car outre une intro bien sentie, ce sont trois nouveaux morceaux qui articulent Resilient, qui effectivement sert d’écho au passé illustre du groupe tout en regardant vers l’avenir. Cet avenir se veut synthétique, en résumé d’une discographie reprise à mi-parcours pour éviter la grossièreté d’une jeunesse pas encore passée (les allusions aux années 2000 deviennent de plus en plus rares), et certainement couronné de succès au vu des standards de qualité respectés par leur auteur. Rien à redire ni à reprocher à ces vingt-cinq minutes de musique qui pourrait presque passer pour un survol des tendances BM contemporaines, avec des ambiances très marquées, et des scissions prononcées, puisque la triplette de compos originales se veut plurielle et diversifiée, et semble piocher un peu partout son inspiration.
Nous avons donc droit à un passage en revue des qualités les plus évidentes de NACHTMYSTIUM, entre ces up-tempi catchy et entraînant et ces longues digressions progressives et légèrement psychédéliques, qui prouvent que Blake Judd n’a pas l’intention de se calmer niveau expérimentation, sans trop pousser le bouchon. Et puisque le format me le permet, je m’autoriserai à traiter des cas individuels de façon séparés, puisque la démarche n’est pas sans pertinence. Après l’entame « Conversion », plongeant dans le bain fantasmagorique, c’est le lancinant « Resilient » qui ouvre les hostilités de son âpreté et de sa rudesse typiquement USBM contemporaine, qui nous ramène aux racines du groupe tout en évoquant les litanies nineties du genre naissant. D’emblée, le son prend à la gorge et s’avère remarquablement équilibré, laissant la voix écorchée de Judd faire son job nihiliste avec une application remarquable. Les nappes de synthé en arrière-plan tissent la toile, et la progression semble limpide, jusqu’à ce qu’un break léger en up-tempo ne nous entraine dans une autre direction, nous prenant à rebours de sa fausse quiétude en réels grondements. Nous avons donc doit à un pur final atmosphérique, qui nous plonge dans les affres d’un retour en arrière savoureux, jusqu’à ce que les premières notes heurtées de « Silver Lanterns » ne résonnent. Le panorama change alors, s’assombrissant de façon assez conséquente, sans perdre de vue la lumière d’une lune sombre qui impose ses mélodies nocturnes, sautillant sur un beat accrocheur. Les riffs s’accumulent, respectant la cohérence de l’ensemble tout en offrant une variété séduisante, et l’optique BM reste figée sur une dualité froideur/harmonie qui est décidément la marque de fabrique du groupe. Si les arrangements de synthé se montrent parfois envahissants, la voix de Blake permet de rapprocher le tout de la période Viking de BATHORY, lui empruntant même son sens de l’emphase pour imposer une dramaturgie musicale de circonstance.
Ne reste plus qu’à « Desert Illumination » de faire le lien avec les aspirations les plus psychédéliques de NACHTMYSTIUM, et de nous enivrer pendant plus de neuf minutes de déambulations lysergiques assez prononcées. On retrouve évidemment le goût de l’évasion d’un musicien qui refuse la facilité dans ce titre, même s’il semble moins perché que certains autres épisodes de la saga. D’une lenteur presque processionnelle, cette clôture produit un effet assez efficace, et nous fait saliver, attendant avec impatience le retour en longue-durée du combo, même si son « dernier » album officiel n’accuse que quelques mois au compteur. Gargouillis synthétique, voix claire mixée en arrière-plan, guitares qui se mélangent et finissent par s’entremêler dans un fouillis inextricable, pour un voyage intérieur en forme d’introspection, et l’admission d’un particularisme que personne ne viendra contester. Lignes de basse en circonvolutions, harmonies un peu amères, pour un épilogue en demi-teinte, parfaitement adapté au crédo. Sans « vraiment » surprendre, NACHTMYSTIUM continue de fasciner, et cette deuxième étape post « comeback » entérine la validation d’un retour inopiné, et ouvre des perspectives intéressantes pour l’avenir. A moins que Blake ne le ruine une fois encore de ses exactions, mais accordons lui le bénéfice du doute. Et en cadeau bonus, sachez que si vous cliquez frénétiquement avec votre souris à chaque utilisation des parenthèses dans cette chronique, vous gagnez un t-shirt du groupe. Mais quelque chose me dit que je ne pourrai pas vous en confirmer l’envoi ni la réception.
Titres de l’album :
1. Conversion
2. Resilient
3. Silver Lanterns
4. Desert Illumination
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