Tout ça va finir par devenir très compliqué. Fut un temps, très reculé j’en conviens, où les groupes se contentaient d’un style pour s’exprimer. Il était dès lors assez simple d’en parler, en se basant sur les analyses déjà poussées et proposées, et aussi aisé de les disséquer pour savoir s’ils avaient quelque chose de neuf, ou du moins de qualitatif à proposer dans le créneau, sauf que ces mêmes créneaux n’existent plus depuis longtemps. Plus sous la même forme claire, aux limites bien définies en tout cas. Tenez, en 2017, est-il encore possible de trouver des combos qui se calent bien au chaud au creux d’un Black rudimentaire ? Ou d’un Hardcore lapidaire ? La question semble anecdotique, mais reste d’importance. Parce qu’à force de fouler du pied les limites conjointes ou pas, on finit par se perdre et ne plus très bien savoir de quoi on parle. On parle de quoi d’ailleurs ? De Crust Black ? De Sludgecore ? De Darkcore ? Tout ça devient encore plus ridicule qu’un catalogue de VPC des nineties, et finalement, mieux vaut faire fi des étiquettes pour apprécier la musique pour ce qu’elle est.
Et dans le cas des DARKCHARGE, elle est très vilaine, très méchante, et très sombre. Lettrage de patronyme purement BM, pochette à la The Return de BATHORY, ambiance poisseuse comme les doigts d’un pervers après tripotage en règle de sa victime, on nage en plein cauchemar extrême, mais finalement, il est assez facile d’en identifier les contours puisque le groupe nous file un sacré coup de main, sans le faire exprès, enfin je crois. Mais si, regardez bien, écoutez, et réfléchissez. Un peu d’aide, vous avez du mal ce matin ?
Crust, cris de belette Black coincée dans un piège de soir de sabbat, riffs nihilistes mais galopant, et puis ce nom, qui en évoque deux autres, bien concrets. DARK/CHARGE, le tout graphisé inintelligible histoire de montrer son allégeance. Et puis surtout, du D-beat joué comme à la parade du Metal noir, sans complexe, mais avec beaucoup d’animosité, justifiée. Alors, le mélange commence à vous titiller les neurones ? Sinon, jetez un coup d’œil aux influences de ces américains de Floride, et la réponse vous sautera aux yeux et aux oreilles. DARKTHRONE plus DISCHARGE, égal DARKCHARGE. Facile non ? Et pourtant, rien n’est plus vrai, sauf que le quintette (Chant – Nastros, Guitares - Nick No, Hooey Davis, Khris, Basse - Nick No, Hooey Davis et
Batterie - Nick No) tire peut-être plus d’un côté que de l’autre. Lequel ? Celui vers lequel il va sombrer, et nous entrainer avec lui dans sa chute. Mais ce côté rudimentaire non dénué d’une certaine ambition a de quoi plaire, surtout que le son de la chose, ce Resurrection qui visiblement leur colle à la peau, tire méchamment vers la démo enregistrée un soir de pleine lune pour voir si les loups vont hurler. DARKCHARGE, c’est un peu le pire des deux mondes. Un Crust/D-beat vraiment abrasif, et un BM aussi lapidaire qu’une séance de spiritisme orchestrée par Fenriz et Nocturno Culto, pour un crossover qui fait peur, mais se montre aussi efficace, donc encore plus effrayant dans les faits, puisqu’il n’y a rien de plus vain qu’un bruit modelé à la hâte, histoire de se montrer encore plus extrême que les copains. Extrêmes, les américains le sont, sans conteste, mais ils tiennent à garder prise avec une musicalité qui n’est pas flagrante au prime abord. Alors, ils adoptent les rythmiques échevelées du Crust, et les saupoudrent d’une bonne dose de poivre BM des origines, qui tire même vers sa propre version canadienne, très froide et rigide. Pourtant ça groove, comme le démontre le très malin «When There's Nothing Left to Burn », qui pourrait être un méchant et très humour noir clin d’œil adressé au BURZUM pyromane des nineties. Pas très politiquement correct tout ça, mais on n’a pas forcément envie non plus de faire partie d’une société bienpensante et castratrice.
Alors, ces fameuses influences ? Citées sur leur page Facebook, et remarquables. Et moi, un groupe qui a le culot de juxtaposer dans la même énumération des références aussi cruciales que HELLHAMMER, ANTI CIMEX, DOOM, BATHORY, CELTIC FROST, NAPALM RAID, TOTALITÄR, MAYHEM, PISSCHRIST, ANTISECT, NAUSEA, VENOM, CONFLICT, TRAGEDY ou DISFEAR suscite mon intérêt et ma curiosité, direct. Et un groupe qui en plus, est capable de transposer l’esprit des premières démos de HELLHAMMER dans un contexte purement Deathcrush de MAYHEM (« Disciples Of Destruction »), est forcément constitué de musiciens à la culture globale remarquable, et aux capacités d’adaptations notables. Ce qui est le cas, même si tout ça ne va pas plaire à grand monde de son caractère un peu décalé, et de son approche un peu amateur. Mais si vous aimez les albums épidermiques, enregistrés comme des maquettes et sonnant comme tel, alors l’épiphanie de violence vous guette. D’ailleurs, vous n’aurez pas longtemps à attendre pour le réaliser, puisque le plus que BM que le plus BM des groupes de BM « Ensom Ulv » vous attrape d’entrée sans vous laisser le temps de vous préparer ou vous défendre, comme une attaque conjointe de DARKTHRONE et de DOOM, piège savamment orchestré pour prouver que les intentions ne sont pas si bonnes que ça. Certes, il reste des défauts à gommer, un certain systématisme notamment qui fait que certaines idées sont réemployées d’un titre à l’autre, mais entre ces soli lapidaires et purement suédois, cette rythmique qui cavale de bon aloi, et ce chant absolument répugnant qui vomit son dégoût de la normalité, la valse file la gerbe, et rassure quant au leitmotiv d’une troupe qui n’a cure d’une quelconque politesse musicale.
Alors en gros, tout ça prend des allures de joli orgie sonore, ce que confirme avec force bruitages immondes et lignes vocales ne l’étant pas moins le final « What Lies Beyond », qui pourrait symboliser à merveille la paillardise des premiers VENOM transposée dans un contexte de Crust un peu hystérique, joué par les DAKTHRONE et URSUT en commun. Mais comme je le disais, Resurrection, c’est vilain, pas beau, moche, et pourtant salement jouissif. Et transgressif. Alors, comment ne pas craquer ?
Impossible. Un peu comme un film d’horreur de série B, assez mal foutu, aux effets cheap mais au bon mauvais goût soutenu.
Titres de l'album:
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