W.E.T.
W (WORK OF ART), E (ECLIPSE), T (TALISMAN), soit l’association des trois plus grands talents du Hard Rock mélodique de ces vingt dernières années (et plus dans le cas de certains musiciens), Robert Säll, Erik Mårtensson et Jeff Scott Soto. Et comme une comète passant dans le ciel à quelques années d’intervalles, le groupe passe dans notre horizon de temps en temps pour nous rappeler que la perfection existe bel et bien, celle que les chrétiens réservent à leur Dieu sacré. De fait, et par syllogisme, Dieu a créé W.E.T, Dieu est perfection, donc W.E.T est perfection aussi, pardonnez-moi cette facilité rhétorique, mais au moment d’écouter le quatrième album de la bande, je n‘ai d’autre argument en tête pour en décrire les contours ronds et la profondeur de ton. Et douze ans après W.E.T, huit ans après Rise Up, et trois ans après Earthrage, le trio revient plus inspiré que jamais avec son quatrième survol Retransmission, qui a de faux-airs de best-of déguisé reprenant le meilleur des trois albums précédents, tout en poussant les choses encore plus loin. Certes, depuis la fin des années 2000, personne ne conteste le leadership de cette association internationale sur le monde du Hard n’Heavy mélodique, mais autant reconnaitre que ce retour est d’une flamboyance impressionnante, même au regard du parcours passé de ses intervenants.
Aujourd’hui secondés par Magnus Henriksson d’Eclipse à la guitare, Andreas Passmark à la basse et Robban Bäck, (ex-SABATON) aux baguettes, et une fois encore soutenus par les italiens de Frontiers, les trois fondateurs font plus que livrer un simple quatrième album pour relever les compteurs. Ils visent une fois de plus le haut des cimes, histoire de nous offrir un voyage bourré d’oxygène sur les hauteurs les plus inaccessibles de la musique. Héritiers légitimes des légendes de l’ascension BOSTON, JOURNEY, BRIGHTON ROCK, les W.E.T, sans avoir quoi que ce soit de neuf à dire parviennent une fois encore à recycler des méthodes d’usage pour ridiculiser la concurrence, que ce soit en termes de composition, d’arrangements ou de production. Celle-ci est évidemment énorme, moderne, tape-à-l’œil juste ce qu’il faut, histoire de bien mettre en relief les refrains surnaturels concoctés par le groupe. L’approche est formaliste, le résultat attendu, mais une fois encore, on ne peut que s’incliner face au professionnalisme des trois musiciens qui n’ont pas oublié le sens du mot « enthousiasme » avant d’entrer en studio. Car les onze morceaux de cette quatrième livraison sont autant d’hymnes potentiels qui ne supportent ni l’approximation, ni la complaisance.
Et plus les années avancent, plus le groupe gomme quelques petites erreurs, pour enfin totalement assumer son statut de leader de la scène mélodique hargneuse. Et un morceau comme « Beautiful Game » nous prouve avec panache que les trois compères ne sont pas uniquement obsédés par l’équilibre entre poivre et sucre, et qu’ils sont encore assez malins pour se laisser aller à l’agressivité d’un Hard Rock pur et dur. Certes, en découvrant les arcanes de ce Retransmission, vous découvrirez des stands proposant des barbes à papa, des sucreries alléchantes, et tout un achalandage de plaisirs coupables, mais comment résister à cette attraction pour grands enfants en manque de délices adolescents, surtout quand le groove est traité de façon aussi ludique et contagieuse (« How Far To Babylon ») ? C’est impossible je vous l’accorde, et dès l’entrée « Big Boys Don't Cry », le sourire est là, et les souvenirs remontent à la surface. Intro puissante, riff hautement redondant, agressivité de la guitare, chant velouté mais mordant, les ingrédients sont mieux dosés que jamais, et on pense évidemment à la quintessence de la génération mélodique du nouveau siècle ou de l’ancien, en citant les SUNSTORM, SHINING LINE, ECLIPSE, WORK OF ART, WIGELIUS, JEFF SCOTT SOTO, H.E.A.T., TALISMAN, TREAT pour rester dans le ton de la journée.
Sans sombrer dans l’excès de diabète des ballades à la saccharose, les trois malins osent quand même des moments d’émotion tangible, via la sublime ballade « What Are You Waiting For », moment de tendresse sur lequel la voix magnifique de Jeff fait admirablement bien le job. Comme un rêve éveillé, ce disque fonctionne à plusieurs niveaux d’onirisme tout en restant concret dans les faits. La qualité de l’instrumentation, évidemment au-dessus de tout soupçon n’empêche pas les musiciens de constamment chercher à se dépasser dans l’hommage au classicisme, et les hits s’enchaînent comme à la parade, avec de faux airs de climax Disney dans un parc bondé l’été.
Dosant admirablement bien leur effort, les musiciens tiennent donc la route du départ à l’arrivée, se répandant en puissance Heavy héritée des années 80, avec basse ronde en contrepoids et chœurs angéliques (« The Moment Of Truth »), et refrain taillé pour les stades (« The Call Of The Wild »). Impossible de résister à cette déferlante infernale de bonne humeur et de sourires radieux, et l’album nous bloque sur la fréquence d’une radio divine refusant les fillers faciles pour allécher le chaland conduisant nonchalamment. Ici, tout est calibré, mais sonne spontané sous la couche de vernis élaborée, et les hits s’accumulent, laissant parfois filtrer une guitare acoustique pour tamiser la lumière du soleil (« Got To Be About Love », le plus BON JOVI du lot).
Quoiqu’il en soit, des années après l’émergence du groupe, et après le hat trick de trois albums conséquents, les mots deviennent dérisoires, et les superlatifs répétitifs. Mais le groupe l’affirme lui-même avec plus de lucidité que d’orgueil, « You Better Believe It », et c’est tout ce qu’il nous reste à faire. Croire que ces mecs sont encore capables de nous transcender en nous servant plus ou moins les mêmes mets qu’autrefois, mais en les arrangeant de manière différente. Alors, on se laisse aller, les défenses tombent, et comme je le disais en intro de cette chronique, la perfection devient une donnée tangible, et non plus un concept flou réservé aux élites divines. Mais après tout, peut-être que les W.E.T descendent du paradis. Si tel est le cas, et que mon fantasme personnel est en fait une réalité, je signe tout de suite pour headbanger sur un nuage pour l’éternité.
Titres de l’album:
01. Big Boys Don't Cry
02. The Moment Of Truth
03. The Call Of The Wild
04. Got To Be About Love
05. Beautiful Game
06. How Far To Babylon
07. Coming Home
08. What Are You Waiting For
09. You Better Believe It
10. How Do I Know
11. One Final Kiss
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