Allez, direction le Canada pour y rencontrer deux hommes des cavernes qui n’ont ni la télé, ni Internet, ni aucun lien avec l’extérieur d’ailleurs, et qui se sont isolés en plein milieu des années 90, persuadé que le Death Metal des origines était le Graal sacré qu’ils emportaient avec eux entre leurs murs de pierre. Fondé en 2013 du côté de la Colombie britannique, à Victoria, le duo ALTERED DEAD se concentre donc sur la cohésion entre ses deux membres, et leur passion pour le Metal de la mort le plus putride et inamovible. Formé autour de la batterie de Julian (RESENT, ex-SHIBBOLETH), la guitare/basse et le chant de Mic (KRONOSFEAR, RIGOROUS OBLITERATION, DARK NORTHERN FOREST OF SATAN'S FUNERAL, EMPIRE OF FROST, END OF ETERNITY, KABLLAH, RED DEVIL, ex-SHIBBOLETH), ALTERED DEAD nous propose donc un trip en pleine immersion des nineties, honorant la mémoire des grands fossoyeurs pour développer sa propre mise en terre, guère plus cocasse que celle de ses modèles la pelle à la main. Signé par les espagnols sadiques de Memento Mori, le duo n’en est que plus fier de nous présenter le second chapitre de ses exactions, quatre ans après un premier LP éponyme qui mettait les choses au point et qui humait les cadavres encore frais. Peu de changements à se mettre sous le linceul, toujours cette foi aveugle en une musique extrême mais terriblement catchy, et toujours cette science de la violence qui ne renie pas le potentiel accrocheur de riffs mémorisables.
Memento Mori ne s’embarrasse guère de principes au moment de présenter ces deux croque-morts et balance des références pêle-mêle, citant avec assez de justesse AUTOPSY, DEATH BREATH, GRAVE, ASPHYX, DARKTHRONE, UNLEASHED, EXHUMED, et CARNAGE, ce qui a le mérite de baliser le terrain défriché par les deux canadiens. Adeptes d’une formule instinctive, les deux musiciens se basent donc sur les théories des années 90 pour broder leurs propres thèmes, et nous assomment d’un Death de premier choix, gentiment barbare, mais juste assez cuit pour ne pas tâcher notre salopette de sang. Et malgré le titre évoquant le retour à la vie, c’est bien de mort dont il s’agit ici, une mort froide, implacable, mais néanmoins d’humeur badine, et prête à laisser ses victimes s’agiter encore un peu comme une souris dans les pattes d’un chat-fouin. Et sous cette sublime pochette vintage de Matt Sidney se cache donc une grosse demi-heure de Metal de la mort de tradition, élaboré avec amour, précision et juste assez de sauvagerie pour ne pas passer pour des gens éduqués.
Pas de fioritures, en dehors de quelques ambiances savamment distillées, et de quelques intros dignes d’un slasher des eighties. C’est ainsi que débute en tout cas « Mental Suicide » qui rappelle immédiatement les techniques oppressantes du malsain AUTOPSY, prônant la joie d’un riff éléphantesque sur fond de rythmique traînante comme une hache sur le sol de la cave. Doté d’un son parfait, juste assez passéiste pour qu’on s’y croie, Returned to Life est une jolie parade de zombies dans le jardin truffé de pièges à loup de deux psychopathes ayant aménagé l’avant de leur caverne comme la hutte de deux hillbillies planqués dans les collines, et prêts à fondre sur leurs victimes. Guitare qui tronçonne tranquille, batteur qui blaste juste quand il faut, humeur assez Crust par moment, attitude subtilement Punk, pour un mélange détonnant qui s’inscrit totalement dans la mouvance old-school actuelle. Nauséabond mais bon enfant, ce second LP du duo canadien est véritablement jouissif de rigor mortis, aligne les motifs sombres mais joyeux, et nous convainc rapidement de son potentiel de régénération d’une légende passée.
Rien de bien neuf, mais du très vieux qui empeste la putréfaction, et qui empile les corps sur le charnier. Une alternance de morceaux très brefs et percutants (« Returned To Life ») et de digressions plus malsaines et développées (« Empostomb »), Returned to Life mélange la joie initiale d’un Eaten Back to Life, la nausée d’un Severed Survival, l’efficacité rigide d’un Where No Life Dwells, et la psychose d’un Dark Recollection pour nous proposer une sauce épaisse, qui reste en bouche, mais qui accommode fort bien les tripes fraîches…ou pas. La lancinance est parfois de rigueur, et le tout fonctionne comme des clous qui s’enfoncent doucement dans les chairs, ou au contraire comme une décharge de gégène qui vous fait danser la gigue. Assez proche de l’attitude D-Beat suédoise lorsque le tempo les en prend, les ALTERED DEAD font feu de tout bois dans le poêle du docteur Petiot, et nous balancent les buches en pleine gueule (« Ensanguine Path »), singeant avec flair les premiers réflexes d’accueil de la scène scandinave la plus fiable et rigoureuse. Festif dans le morbide, ce deuxième album se déguste comme une tranche de mort racontée par des spécialistes pour des masochistes, et loin de se contenter d’un simple rappel de BCG, insuffle sa propre créativité d’outre-tombe pour oser un peu plus qu’un simple hommage déguisé habilement (« ...Of The Oppressed »).
Mais l’hommage est bien là, indirect dans les compositions originales, mais plus direct dans le choix d’une reprise culotté du classique intemporel de CELTIC FROST, avec un « Into The Crypts Of Rays », assaisonné à la 2020 pour sonner encore plus prophétique et de mauvais augure. L’intro n’est pas finaude et gentiment bruitiste et le traitement Punk donne au classique des allures de clin d’œil à VENOM et TOTALITAR, mais terminer sur cet exercice permet aux canadiens de boucler la boucle et de reboucher le trou, nous laissant sur l’impression de deux dégénérés connaissant leurs classiques sur le bout du fémur. Grossier mais pertinent, agressif mais léger, ce second LP est d’une haute teneur en formalisme, et saura rendre le sourire à tous les fans d’un Death non altéré, qui sort de sa tombe comme le diable de sa boîte.
Titres de l’album:
01. Mental Suicide
02. Returned To Life
03. Final Pathogen
04. Prosodemic Realms
05. Empostomb
06. Thrawing In Agony
07. Ensanguine Path
08. Rotting Outwards
09. ...Of The Oppressed
10. Into The Crypts Of Rays (CELTIC FROST Cover)
Dans le name dropping, Morbid Angel m'apparait gros comme une fondue de pangolin.
C est cair le morbid angel des grandes années.
Juste excellent en effet (et très Morbidangelien oui) !
Moi qui est tendance à fuir ce qui ressemble trop à Morbid Angel, là, je dois dire que le titre en écoute est plutôt bon.
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