Cinq ans après les avoir connus par le biais de leur second EP, Sunburst, je retrouve avec un plaisir masochiste les allemands de BAIT, qui s’ils évoquent l’appât de leur nom, auraient plutôt tendance à NOUS considérer comme tel. Nous servons donc de ver accroché à l’hameçon de leur brutalité outrancière, mais en définitive, savons-nous ce qu’ils souhaitent attraper par cette méthode ? Le chaos ultime se cachant dans les bas-fonds d’eaux polluées par le nihilisme et la misanthropie ? La noirceur de l’âme humaine qui n’a de cesse de repousser ses limites d’endurance en écoutant une musique de plus en plus nuisible et dommageable pour la santé ? Les motivations sont encore absconses, mais le résultat concret est là, sous nos oreilles, sous la forme d’un premier long venant sanctionner quelques années d’existence encore fraîches. J’avais déjà dit tout le bien que je pensais du mal qu’ils nous faisaient, et j’avais tenté d’en cerner l’approche avec force comparaisons et superlatifs qu’il va bien me falloir réutiliser aujourd’hui, car depuis 2015, le groupe a encore progressé dans la cruauté, et finalement, cette appellation Post si facile à accoler ne leur convient plus vraiment. Certes, ils sont passés de l’autre côté, vont au-delà de tout, rappellent les exactions de la scène Core allemande, mais ont encore renforcé leur personnalité pour éviter les parallèles trop faciles. En 2015, je les comparais justement avec RISE AND FALL, et surtout, OATHBREAKER, et si l’image est toujours d’une certaine acuité aujourd’hui, je sens pourtant que le trio mérite mieux que cette énumération d’influences qui ne leur ressemblent plus vraiment. Ils ont tourné avec AMENRA, FULL OF HELL, INTEGRITY et OATHBREAKER, de quoi forger le caractère encore un peu plus, mais dans les faits, Revelation of the Pure va justement chercher la pureté dans la rouille de barbelés délimitant le terrain d’action de groupes que l’on aime voir parqués dans de petits espaces faciles à définir. Et sans vraiment changer de recette ou d’approche, les allemands élargissent leur champ d’action, sonnant tout autant Hardcore que Metal, et brouillent les pistes.
Les silences le disputent donc aux riffs les plus tendus, et si on en venait à parler de Post, il faudrait juste y voir un désir d’échapper à la facilité. Cette facilité à laquelle ils tournent le dos sur l’inquiétant « Ruin », qui mixe la rage d’un CONVERGE à la transe hypnotique d’un NEUROSIS, deux autres exemples que je citais à l’occasion de Sunburst. Enregistré et mixé par le fondateur de DER WEG EINER FREIHEIT, Nikita Kamprad, aux studios Ghost City, masterisé par Jack Shirley et décoré d’un artwork signé par Giovanni Raabe, Revelation of the Pure est en quelque sorte le pendant écorché vif du Streetcleaner de GODFLESH, sans les répétitions outrancières et le côté mécanique de la boite à rythme. On y retrouve cette inclinaison à faire rebondir les motifs pour les assener comme des mantras pas vraiment rassurants, cette recherche du pourquoi de l’origine des maux de l’humanité, ce désir de tout réduire à une noirceur insondable, et surtout, cette envie de défricher pour ne pas se contenter d’une redite maladroite, et déjà exploitée par des aînés. Le trio (David Schneiker : guitare, chant et composition, Alexander Welzel : batterie et Nicolas Ziska : basse, chant et paroles) propose donc une virée dans les arcanes de la douleur, sensorielle et psychologique, et nous pulvérise de sa lucidité qui emprunte tout autant au Black qu’au Hardcore déconstruit et nauséeux, avec toujours en exergue cette opposition entre des plans dissonants et déviants et des attaques massives et franches. Alternant les mélodies tournoyantes sur low tempo martelé et les pics d’intensité sur lit de blasts, ce premier album fait évidemment la part belle à la violence et la douleur, mais ne nous enfonce pas dans le marigot de la dépression gratuitement. Il brosse un portrait du monde actuel assez fidèle à sa laideur, et se sert de tout ce que la musique agressive moderne a pu enseigner ces trente dernières années pour arriver à ses fins. Mais ne vous attendez pas pour autant à de longues litanies stériles ou contemplatives, le parti-pris a été mis sur la concision et la rapidité, puisque à part une occurrence, les titres ne dépassent pas les cinq minutes et concentrent les idées sur un temps très raisonnable.
On se prend à rêver à une mouture contemporaine des UNSANE parfois, avec ces rythmiques chaotiques, ces hurlements sourds et arrachés à une gorge en mauvais état, mais l’art des BAIT est justement de multiplier les clins d’œil tout en faisant confiance à sa personnalité propre. Le son, gigantesque et sans pitié écrase les tympans, mais permet de discerner les détails, pour peu que la basse ne soit pas d’une présence indispensable pour vous. On encaisse tout comme un choc massif, un coup porté par les MELVINS et NEUROSIS (« Revelation of the Pure »), qui vous enfonce le thorax et vous brise les côtes, vous laissant chancelant, presque blessé à mort, mais les yeux grands ouverts sur la réalité d’un monde exsangue et sans futur. No future ? C’est plus ou moins le crédo, et tout est aussi réaliste qu’une demi-heure d’infos relatant des catastrophes en série. BAIT ne prend pas en traître, et commence son effort par une déflagration gigantesque qui fait dévier le faisceau d’électrons pour le rediriger vers la réalité d’une pièce vide. « Nothing is Sacred » pose les jalons, rien n’est sacré, et surtout pas la vie, décrite ici comme un chemin de douleur qu’on arpente…parce qu’on n’a pas le choix. Entre des guitares tendues comme des arcs prêts à débander pour décocher la flèche fatale, des strates de son assourdissantes qui vous compressent le cœur, des structures mouvantes qui utilisent les variations de tempo pour mieux perdre les repères, rien n’est facile, et la douleur se mérite. Elle permet de comprendre qu’on est toujours en vie, et qu’il nous faut nous battre pour le rester, en affrontant nos propres démons, et ceux d’un monde moderne d’une façon plus générale. Pas vraiment BM dans la forme, pas vraiment Post non plus, le groupe allemand arrache tous les dossards qu’on lui accole pour se poser en parangon de violence sourde. Et même si parfois la densité en appelle au Mathcore, ou au BM le plus formel (« Leviathan III »), aucun courant ne s’impose vraiment, ils n’ont pas le temps. Le trio passe d’une humeur maussade à une humeur massacrante, reste lucide, lent, oppressant, étouffant, maladif même, mais toujours efficace et méchant.
En version (très) lourde, il est un paroxysme (« Eternal Sleep »), singe le Doom et le Sludge tout en restant Hardcore, impose des accélérations folles qui dénotent, mais l’ensemble tient debout, logique et implacable. Tout ceci n’est pas vraiment le rayon de soleil d’une journée qui s’annonce bien, mais personne n’a dit que tout allait bien justement. Tout va mal, les cachets peinent à soulager, les amours se fanent, et les années passent, charriant leur cortège de mort et de résignation. Quelle belle bande-son de l’horreur et de la souffrance que ce Revelation of the Pure qui ne fait que relater des faits incontestables, sans en rajouter.
Titres de l’album :
01. Nothing is Sacred
02. Leviathan III
03. Into Misery
04. Lightbringer
05. Ruin
06. Odium
07. Revelation of the Pure
08. Forlorn Souls
09. Eternal Sleep
10. In Aversion
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