Fast. Heavy. Blastbeats. D-beats. Crust. Grind.
Avec une telle accroche, comment ne pas se sentir irrémédiablement attiré par un album qui joue la franchise au-delà de toute volonté d’innovation ? Impossible je vous l’accorde, d’autant plus que le Grind reste mon talon d’Achille le plus fragile comme vous le savez. Alors si en plus, il nous en vient d’Angleterre, là où tout a explosé il y a une bonne trentaine d’années, je ne vois pas comment décliner l’invitation…C’est donc avec plaisir que j’ai accepté de me pencher sur le second long des HUMAN CULL, celui-là même qui vous accule, et qui vous…Bref, fondé en 2011, ce collectif bruitiste a déjà répandu ses effluves toxiques sur divers formats, dont trois EP, deux splits et une démo, avant de se lancer dans le grand bain du chaos organisé et désaxé via Stillborn Nation, publié en 2014. Obtenant de très bons échos de la presse underground et des fans affolés, ce trio d’allumés (Edd - chant/guitare, Sam - batterie/chœurs et Luke - basse) a donc décidé de pousser ses expérimentations encore plus loin, et de nous livrer l’album de Grind parfait, tournant à dix-huit minutes pour autant de morceaux. Inutile donc de vous attendre au versant progressif d’un genre qui n’a jamais donné dans la dentelle ouvragée, pour autant il est tout aussi vain de craindre une réalisation qui se complaît dans le classicisme le plus total. Bien que les outrages perpétrés par ces anglais tarés soient d’une intensité parfaitement notable, il sera aussi honnête de souligner qu’ils ne sont pas contre une ou deux fantaisies régulières, histoire de transcender leur bordel originel dans une stratosphère un peu moins encombrée.
Se réclamant d’influences logiques (TERRORIZER, GADGET, THE AFTERNOON GENTLEMEN, NAPALM DEATH, NASUM, CONVERGE, KILL THE CLIENT, PIG DESTROYER, MAGRUDERGRIND, ASSUCK, WEEKEND NACHOS, INSECT WARFARE, CARCASS, DISCHARGE, SIEGE, UNSEEN TERROR, ENTOMBED, et je résume la chose), les trois HUMAN CULL n’hésitent pas à brasser les courants pour nager en plein milieu du leur, et évoquent avec malice les BRUTAL TRUTH, ASSUCK et autres THE KILL, pour un ballet d’outrance méchamment bien organisé. Je parlais tout à l’heure de quelques pirouettes de style, et un morceau aussi festif et dissonant que « Think In Only Lies », le démontre avec beaucoup de générosité, rappelant même parfois les miraculeux TOTAL FUCKING DESTRUCTION. Entre un batteur qui n’est pas avare de fills et de descentes hystériques, un guitariste qui en remontre niveau stridences et déviances, et un bassiste qui assure le lien entre les deux de manière assez prononcée, Revenant est un genre de fantôme bien tangible qui fait tinter ses chaînes comme aux grandes heures de manifestation anglaise des années 80, mais qui a repassé son drap à l’américaine de la décennie suivante. Tout ceci est donc méchamment en place, assez coriace, mais groovy lorsqu’il le faut («The Death That Isn't Death ») pour éviter de faire passer les auteurs pour de simples lourdauds. Pas le temps de s’ennuyer, et entre les cris de dément, les accélérations sur l’instant, les breaks à l’avenant et les alourdissements bien pesants, le tableau est générique mais euphorique, et se place d’emblée au rang des plus grandes réussites du genre, parvenant même à chatouiller le souvenir d’un NASUM en pleine montée (« Blood »).
Enrobé dans une superbe pochette en flot de figures désincarnées et doté d’une production à enchaîner les damnés, Revenant est l’archétype même d’album de Grind intelligent, suffisamment ludique pour amuser, mais largement assez puissant pour défouler. Refusant les principes les plus éculés tout en respectant la tradition célébrée, le trio anglais nous offre donc notre pesant de sensations, se posant parfois en prolongement Death d’un Crust vraiment sournois. Mais c’est surtout la bonne humeur et l’énergie qui se remarquent et se démarquent, deux composantes essentielles à tout bon travail bordélique, mais aussi cette créativité dans l’exubérance qui ose caser un max de plans dans un contexte temporel réduit à l’extrême (« Everyday Paranoïa »). Ne refusant aucune astuce leur permettant de se mettre en valeur, les trois instrumentistes se montrent sous un jour flatteur, en bon manieurs de manche, de baguettes et de micro, pour redonner ses lettres de noblesse à un genre absolu qui se voit souvent dévalorisé par un bon paquet d’olibrius. On n’hésite jamais à ralentir la cadence pour inspirer la méfiance (« Baleful Foundation », et son break glauque comme un petit matin londonien), mais le but du jeu étant de frapper le plus fort possible en un minimum de temps, les saillies débridées et instantanées se taillent aussi un costard bien mesuré (« The Worms of God »). Entre roulements affolés et blasts déchaînés, le travail de Sam mérite d’être souligné, lui qui donne de sa personne comme…personne pour catapulter des riffs vraiment accrocheurs jusqu’au décolleté de ta sœur. Si un mix probable entre BRUTAL TRUTH et NASUM reste l’équilibre le plus pertinent pour définir les contours d’un LP vraiment bruyant, les HUMAN CULL possèdent suffisamment de flair pour éviter les comparaisons trop figées, et se donnent sans compter (« Never Smile », impossible de rester placide en écoutant une trombe pareille).
Fast. Heavy. Blastbeats. D-beats. Crust. Grind.
Oui, c’est un fait, mais aussi pas mal de folie, de la créativité, et l’amour du travail bien fait. Le meilleur Grind pour une petite vingtaine de minutes en apesanteur, et une belle démonstration de bruit et de fureur. Le genre d’œuvre qui donne envie de tout envoyer bouler par la fenêtre, voisins y compris. Pas de quoi se faire des amis, mais un bon exutoire au manque constant d’espoir.
Titres de l'album:
1. Harnessing Atrocity
2. Blood
3. The Butcher's Nails
4. Worship Nothing
5. Everyday Paranoia
6. Unmake the Graves
7. Baleful Foundation
8. The Muzzle
9. An Offering to the Machine
10. Like an Emissary into the Abyss
11. The Worms of God
12. The Hecatomb Enterprise
13. Prying Eyes
14. Never Smile
15. Think in Only Lies
16. Flesh
17. The Death that isn't Death
18. Endless Purgatory
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