A priori, rien ne distingue une sortie vintage Thrash d’une autre…Les albums se succèdent à une cadence presque plus infernale que la production d’époque, et les groupes s’engouffrent dans le créneau comme une meute traquant le chevreuil en forêt, sans se poser la question de la pertinence de leur démarche. Dès lors, comment débusquer la perle rare sans avoir à faire un tri phénoménal dans cette toile d’araignée jonchée de cadavres rances et de proies fraîches ? Pas d’autre alternative en effet que de plonger ses mains dans le bourbier du formalisme extrême actuel, et autant dire que le nombre d’œuvres dispensables dépasse de loin le chiffre des travaux méritant l’attention. Et c’est justement en piochant au hasard de mes pérégrinations que j’ai découvert les espagnols de DEMONIC, dont la pochette du second LP ne dénote pas vraiment de la moyenne graphique actuelle. Je m’attendais donc à disséquer du tout-venant prévisible en diable, jusqu’à ce que je pose aléatoirement mes oreilles sur « Rise », le second morceau de la dite galette. Et là, le choc frontal, et l’assomption que quelque chose de différent allait enfin m’arriver. Car si les DEMONIC appartiennent sans conteste à cette génération de jeunes musiciens avides d’exploration d’un passé les ayant durablement troublés, ils ne se rangent pas aussi facilement que ça dans la catégorie des instrumentistes/compositeurs prévisibles…Et loin de singer pour la millième fois avec une maladresse touchante les figures paternelles de James Hetfield, Tom Araya, Gary Holt, Chuck Billy et autres Rob Cavestany, ces pourfendeurs de routine musicale sont allés piocher beaucoup plus loin leurs propres influences, au point de ne ressembler à rien d’existant actuellement. Et si l’écoute de leur musique permet ce constat, la simple lecture du tracklisting de ce Rise from Chaos permet de s’en rendre compte, puisque les combos de revival Thrash capables de proposer des morceaux de plus de vingt minutes en plein milieu du timing sont une denrée plus que rare…
Un peu d’histoire pour débuter les hostilités, et précisons que ces madrilènes se sont formés en 2007 sous le patronyme de DEMON, avant de se rebaptiser en 2012. Déjà responsables d’un premier LP d’excellente facture, Las Cenizas de la Tierra, publié en 2013, ces quatre musiciens (David Alarcia - chant, Hugo González & Víctor Salinero - guitares et Gonzalo "Icarus" - basse) ont ensuite tenté le coup du live, avant de prendre un peu de recul pour revenir avec une œuvre susceptible de marquer les esprits. Et naviguant dans les eaux de l’autoproduction, il serait dommage qu’ils se voient condamnés à l’anonymat, eux justement qui ont tous les atouts pour s’en extirper, en faisant parler leur talent de mélodistes et de compositeurs aux ambitions concrètes. Enregistré aux studios Sadman (HAMLET, VITA IMANA, WORMED), Rise from Chaos a bénéficié d’une production soignée conjointement des attentions de Carlos Santos et Irene Génova, puis d’un mastering de Jens Bogren aux Fascination Street d’Örebro en Suède, et présente huit morceaux aux constructions alambiquées et à l’inspiration plurielle, à cheval entre Heavy puissant et lyrique, Thrash modéré, et Progressif toléré. En gros, la quintessence d’une ouverture d’esprit qui n’est pas que conceptuelle, mais bien factuelle, et qui se ressent de titre en titre jusqu’à atteindre une apogée créative dont peu de groupes peuvent se réclamer. Enthousiasme à mâtiner des critères de dépréciation constante de combos se repaissant de quelconque et de facilité de fond ? Oui et non, puisque ce second LP peut se juger non par rapport aux grouillots habituels incapables de faire la différence entre hommage et plagiat, mais eut égard à ses propres qualités, qui éclatent au grand jour dès l’entame prodigieusement violente de « Burning My Soul », qui en quatre minutes résume tout ce que la scène Thrash classique et contemporaine a pu proposer de meilleur. En choisissant de ne pas choisir, et de ne pas se fixer sur un courant particulier, les DEMONIC affirment leur singularité, et agrémentent leur Heavy agressif de touches Death subtiles, sans s’ancrer dans une époque particulière, même si les effluves de la Bay Area et la période de transition du meilleur TESTAMENT sont palpables. On pense évidemment aux METAL CHURCH, mais aussi aux DEATH ANGEL les plus inspirés, bien que toutes ces références restent vaines au moment d’établir un jugement définitif. Avec des réminiscences du KING DIAMOND le moins complaisant, et des clins d’œil appuyés en direction des FIFTH ANGEL et de la clique des CRIMSON GLORY, sans se départir d’une énergie incroyable héritée de la génération des enfants illégitimes du PRIEST, ce morceau d’introduction valide en peu de temps tout l’intérêt que vous pourriez porter aux madrilènes, et qui le méritent amplement.
Mais loin de se satisfaire d’un titre choc placé aux avant-postes, les espagnols continuent leur travail et rebondissent de plans surprenants en idées choc, et « Rise » de faire son petit effet, confortant le talent d’un soliste qui n’a pas les doigts dans sa poche, et d’une section rythmique à l’abattage inouï, pour une démonstration de fertilité Heavy, aussi sombre qu’il n’est lumineux. A la lisière d’un Techno-Thrash de première importance, Rise from Chaos ne sombre pourtant jamais dans la démonstration stérile et facile, et se démène pour prouver son bienfondé, empilant les riffs majeurs et les cassures en heurts, pour nous entraîner dans un étourdissant ballet d’imagination Metal, utilisant tous les vocables de sa compréhension pour instaurer des ambiances souvent différentes, mais toujours complémentaires. Doté en la personne de David Alarcia d’un vocaliste de très grande classe, qui interprète plus qu’il ne hurle, DEMONIC peut s’autoriser toutes les incartades, s’aventurant même sur le terrain glissant de la fausse ballade qui a souvent révélé les points faibles de bon nombre de groupes établis, en nous servant sur un plateau d’argent « Insomnia », sorte de rencontre improbable entre la vague Fusion de l’orée des années 90 et FLOTSAM AND JETSAM. Et au moment où l’on se dit légitimement que la pédale va être plus douce, le quatuor décoche un impitoyable « Chaos », point d’orgue de cette première partie d’album, qui étale plus de qualités en cinq minutes que bien des LP en une heure. Entre des licks ventripotents et des allègements aménagés, ce morceau est un petit chef d’œuvre à lui seul, alliant l’efficacité à la versatilité, nous bousculant de son tempo purement Thrash pour mieux nous concasser d’un refrain incroyablement haché et syncopé. On pense à une version encore améliorée des légendaires HEATHEN, mais encore une fois, les comparaisons semblent futiles à l’heure d’un groupe qui n’admet d’autres limites que celles de son ambition.
Et c’est ainsi que nous parvenons enfin à « Voices From Hell », pavé de vingt-quatre minutes, qui réconcilie dans une grandiloquence démente les fantômes de VIRGIN STEELE, de QUEENSRYCHE, de METALLICA, de MERCYFUL FATE et de pas mal de combo ibères, pour un festival de facilité et de créativité. Quel culot d’avoir osé poser un tel pavé dans la mare à mi-chemin, ce qui en dit long sur la confiance personnelle des madrilènes, qui osent tout et réussissent tout par la même occasion. D’autant qu’ils nous refont presque le même coup quelques instants plus tard, avec l’évolutif et malicieux « To Live », qui se borne à la barre du quart d’heure sans manquer de jus. Des guitares qui semblent avoir toujours quelque chose de pertinent à dire, un chanteur au sommet de son art, une ossature basse/batterie souple et s’adaptant aux thématiques, pour un enivrement de plaisir…Toujours à cheval entre Heavy intuitif et mélodique, et Thrash en retenue, les espagnols déroulent, et ridiculisent à ce point la concurrence qu’on en arrive à oublier tout ce qu’on a écouté depuis le début de l’année. Et « Legion » de clôturer cette aventure avec le même panache, empruntant aux suédois d’AGONY cette façon de triturer un riff tricoté pour s’assurer une assise Heavy dans les moments les plus fous, tout en acceptant la violence d’un WARBRINGER…Je l’affirme sans honte, Rise from Chaos, sous les atours les plus surprenants qui soient pourrait bien incarner une sorte d’acmé pour notre style préféré, tout du moins l’album de Heavy Thrash d’une année pourtant bien chargée. Je ne peux que féliciter ces musiciens pour leur audace, et leur garantir ma fidélité, pour peu qu’ils continuent de nous abreuver d’une source d’inspiration aussi rassérénante…Auraient-il signé un pacte avec le diable pour oser se montrer sous un jour aussi flatteur ?
Titres de l'album :
1 – Burning My Soul
2 – Rise
3 – Insomnia
4 – Chaos
5 – Voices From Hell
6 – Monster
7 – To Live
8 – Legion
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49