On regarde une pochette, on pense à Ghostbusters, on remarque l’appellation Melodic Rock, et on se fait avoir comme un bleu. Et comme en sus, le bousin est sponsorisé par Mighty Music, le plus gros revendeur danois de friandises métalliques, la confiance est de mise. Pourquoi douter en effet, alors que le label a toujours joué franc-jeu avec ses poulains nationaux ? Parce qu’il ne faut faire confiance à personne ? Parce que le monde est rempli de vautours menteurs qui repartent pour un tour de bonimenteurs ? Ce sont en effet des éléments à charge, mais qui deviennent caduques dès lors que la musique se diffuse dans l’organisme.
Alors, sans jouer les avocats du diable, BIG SUN n’est vraiment pas un groupe de Hard-Rock mélodique, mais il en possède certains des attributs, ce qui peut excuser cet argument promotionnel un peu biaisé. Et avant d’aller plus loin, je vous résume la chose via le laïus fourni :
L'origine de BIG SUN remonte au début du 19ème siècle, et fait référence à une loge secrète fondée par Jean-Baptiste Jules Bernadotte, également connu sous le nom de Karl Johan le 14ème de Suède, qui avant de monter sur le trône de Suède, était maréchal sous Napoléon. Après de nombreux conflits internes, Jean Baptiste et Napoléon se réconcilièrent en 1804 et il prêta allégeance à la célèbre citation de Napoléon : « Si je devais choisir une religion, le soleil, en tant que donneur universel de vie, serait mon dieu ».
Oui, c’est assez étrange comme biographie. Mais en même temps, ça attise la curiosité, et la méfiance. On connaît le coup du concept fantasticomique, et on ne se fait plus avoir comme dans les années 70. Surtout lorsque le paragraphe suivant vient comme tel :
Les membres de BIG SUN sont tous des descendants directs du summum absolu de l'apogée de la Loge du Grand Soleil, et sont maintenant prêts à élever la vision de la loge d'un retour de la grande vérité et du véritable art - nés dans l'essence de la musique - sous le nouveau nom BIG SUN
Bon, finalement : arnaque, coup de bol ou génie en devenir ? Les deux mon capitaine, puisque d’arnaque il n’y a point, mais un premier album extraordinaire qui relève le défi de l’ouverture maximale au niveau des influences. Un internaute anonyme a même décrit la chose comme le croisement entre GHOST, BON JOVI (celui des années 80), KING DIAMOND, et RAMMSTEIN. Je pourrais être d’accord avec les deux premiers noms, comprendre l’utilisation du troisième eu égard à ces envolées vocales opératiques suraiguës, mais le nom de RAMMSTEIN est totalement hors propos, à moins d’avoir l’imagination un peu trop libre.
Je dirais pour ma part que BIG SUN vient de sortir l’album le plus WTF de cet été 2024, sans vouloir sonner extravagant. Mais la façon dont les trois musiciens jouent une sorte de proto-Hard-Rock mélodique des années 70 de façon aussi futuriste qu’un The Last Starfighter est redoutablement convaincante. Moins fendard que nos héros de ROYAL REPUBLIC, moins guindé que les derniers voyages intergalactiques de NIGHT FLIGHT ORCHESTRA, mais tout aussi dansant et entraînant, Rite De Passage est un bizutage bizarre avec épreuves improbables, mélangeant le beat du Disco, le côté synthétique des early 80’s, la mode New-Wave et ses coiffures aériennes, et le Space-Rock en version AOR, bien poli, bien nettoyé, et prêt à s’envoler.
Pour pénétrer le monde des danois, il faut montrer patte métissée. Les fans de Rock pur et dur, les maniaques du Metal non édulcoré, les accros au Rock mélodique épuré, et les obsédés des radios Classic-Rock ne rentreront pas dans la fusée, ils ne supporteraient pas la pression. Voyons plutôt la chose comme ceci : BIG SUN est un fils spirituel de TOTO, dont la nounou a longtemps été le DEEP PURPLE des années 80, qui fête aujourd’hui ses dix-huit ans, et qui s’émancipe donc de ses ascendants…
…sans pouvoir renier son éducation. Ecoutez simplement « Lovers Die At Midnight », et pensez aux trois ou quatre premiers albums de la bande à Lukather joués par un DJ obsédé par le Disco de Kylie Minogue. Difficile à imaginer je sais, mais les comparaisons sont difficiles avec ces oiseaux-là, qui ont réussi à ne donner comme personne et à sonner sans compter. Ou l’inverse ?
Des volutes de synthés, des tierces magiques, des mélodies qui s’incrustent, Rite De Passage est un pur produit de son temps, l’assume totalement, et joue avec les codes de la Synth-Wave et du revival énorme qui l’accompagne. Sans être vraiment Hard-Rock, mais tout en l’étant un peu (les guitares ne sont pas émoussées par la production ou le mixage), ce premier album prend tous les risques nécessaires, et plaque même un opératique et progressif « The Sun » en ouverture, qui ravira les amateurs de la scène UK des années 70, tout comme les danseurs professionnels qui apprécieront ces chœurs vivaces et ce tempo tenace.
Un peu KIX sur le stellaire « I Was Loving You », un peu KISS délétère sur l’ensemble de l’œuvre, en dehors des clous la plupart du temps, entre BLUE OYSTER CULT et NIGHT FLIGHT ORCHESTRA pour passer le temps, souple, séduisant, velouté et grisant, Rite De Passage ne se dévoile jamais vraiment, et ose même en guise d’au-revoir nous balancer une ballade sirupeuse à donner le diabète à Michael Bolton.
Des flashbacks (« Ra Horaktus » et son intro à la « I Was Made For Loving You » qui dégénère en Electro-Indus radio-friendly, avant de s’emballer Speed/Thrash complètement allumé), mais surtout, une pause dans le temps qui permet de reprendre son souffle tout en le perdant face à un tel tour de force.
BIG SUN est bien plus qu’une simple attraction, soyez en sûrs. C’est un véritable groupe avec un concept pensé et une musique dépensée. Je ne demande qu’à intégrer les rangs de cette loge pour découvrir l’univers sous un autre angle.
Dans l'au-delà, quand le soleil s'éteint, la musique, fil invisible de l'univers, continue dans l'éternité.
Oui, aussi.
Titres de l’album :
01. The Sun
02. I Was Loving You
03. Stronger Than Anyone
04. Directions
05. Maiden Sacrifice
06. Lovers Die At Midnight
07. You Know You Want It
08. Ra Horaktus
09. The Totem
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