ALICE COOPER est avec DEEP PURPLE le plus ancien des artistes Hard-Rock encore en activité, et qui plus est, sortant régulièrement de nouveaux albums. Voilà qui force le respect, surtout lorsqu’on considère que Pretties For You, le premier album de l’ALICE COOPER BAND accuse aujourd’hui cinquante-quatre ans d’existence…Alors que nombre d’autres groupes et artistes de cette génération font tourner la presse à nostalgie à fond les ballons, usant des compilations, live, et autres astuces commerciales pour continuer à exister, Vincent/Alice continue d’écrire, de composer de produire de nouveaux disques, pour notre plus grand bonheur.
Le dernier en date, Detroit Stories, était tout bonnement excellent. Plein de fougue, de verve, et proche de ce que le COOP avait pu sortir de meilleur dans les années 70. En utilisant sa bonne ville de Detroit comme terrain de jeu, le chanteur avait trouvé une troisième ou quatrième jeunesse, et la presse, souvent prompte à dézinguer les vintage artists, n’avait eu d’autre choix que de se mettre à genoux face à cette vigueur et cette qualité. La suite était donc attendue avec impatience, à peu près autant que celle du docteur West après inoculation de son produit tout vert dans le cerveau d’un macchabé.
Road.
Quel titre à propos. La route, cette vieille amie d’ALICE qui depuis les années 70 phagocyte une grosse partie de son temps. Cette route menant des Etats-Unis à l’Europe, en passant par l’Amérique du Sud, l’Asie, entre motels douteux et hôtels de luxe, entre bière bon marché et bus sentant bon la sueur et les effluves illicites. Le terrain de jeu de tout artiste Rock qui se respecte, et qui oblige à créer de nouveaux hymnes pour les promouvoir dans tous les états.
Avec cette pochette superbe, aux teintes bleutées de l’heure entre chien et loup, et cette araignée en guise de sapin désodorisant, ALICE nous séduit, et son regard dans le rétroviseur est au moins aussi complice que celui de ses serpents qui s’enroulaient atout de son cou. Le sieur COOPER veut donc nous emmener en balade sur les highways, à la recherche d’une certaine vérité Rock qui fait cruellement défaut à cette nouvelle génération avide de gimmicks. ALICE en a utilisé beaucoup durant sa carrière, le maquillage, la guillotine, les boas, cette cravache fouettant l’air, mais ce n’étaient que des accessoires de théâtre, et non des astuces pour combler le vide créatif. Et Road, une fois encore, emporte les suffrages de la façon la plus honnête qui soit :
Avec d’excellents morceaux, simples, mais à la hauteur des classiques.
Le principe de cet album était simple et clair depuis le départ. Du live en studio, pas d’overdubs, histoire de montrer à quel point son groupe de tournée assure dans n’importe quelles conditions. Les musiciens furent d’ailleurs invités à participer au processus créatif, et c’est ainsi que les titres portent les noms de plusieurs acteurs, pour bien renforcer ce côté famille que l’on sent dès les premières mesures de l’album.
Outre les guitares de Nita Strauss, Ryan Roxie et Tommy Henriksen, la basse de Chuck Garric et la batterie de Glen Sobel, on retrouve au casting la production du vieux compère Bob Ezrin, trop heureux d’obliger au désir d’authenticité et de spontanéité de son ami. Bob a donc tout fait pour que Road garde son aspect rude et Rock, en se concentrant sur l’efficacité d’un groupe uni par des centaines de concerts, et qui se replonge dans ces histoires de vie sur la route, avec son lot de plaisirs interdits, de crises de fou-rire, de sommeil réduit à la portion congrue, d’alcool, de coups du sorts et autre euphorie nocturne.
Et le résultat de ce concept album est incontestable et évident : Road tient la route, Et nous emmène loin dans le temps, dans les années 70, avant que la technologie, les gadgets et facilités numériques ne transforment le Rock en science exacte, sans aspérité ni défaut.
Peut-être un peu moins ambitieux que Detroit Stories, Road joue la carte du naturel, et atteint son objectif sans problème. En découvrant ces douze morceaux et cette reprise, on se croirait quelque part entre Boston et Londres, aux côtés de musiciens souriants et heureux d’être là, comme le souligne avec beaucoup de swing « Rules of the Road », qui énumère toutes les règles tacites de la vie sur la route.
ALICE COOPER voulait que cet album soit empreint d’humour, puisqu’il est censé retranscrire musicalement ce qui se passe dans un tour-bus, entre deux concerts. Et cette approche tongue-in-cheek, loin d’être futile, est la meilleure option possible, et ALICE d’énumérer avec beaucoup de mordant quelques règles incontournables qu’un groupe doit suivre pour garder la tête hors de l’eau.
Ne le nions pas, ce vingt-deuxième album du COOP en solo est une fois encore une sacrée réussite. Vincent semble avoir retrouvé une seconde jeunesse au contact de ces musiciens talentueux, et se lâche comme jamais. Mieux, il semble être redevenu lui-même, ce que « I’m Alice » souligne avec beaucoup d’affection. ALICE se souvient de sa carrière, de ses exploits, de ses démons, fait la paix avec lui-même et déclare sans ambages « I’m yours forever, but you are mine tonight ».
Et voilà le message même pas caché de Road. Alice est à nous depuis des décennies, et pourtant tous les soirs nous lui appartenons au moment même où son pied se pose sur la scène. Et nous sommes très heureux de cet accord passé entre le maître des ténèbres et nous, ses serviteurs, entre déhanché NOLA (« Dead Don’t Dance »), souvenirs pas si lointains des années 80 (« White Line Frankenstein », Frankenstein n’est plus teenage, mais il s’adjuge les services de Tom Morello), fièvre Hard-Rock du désert (« The Big Goodbye »), et binaire simple et sincère comme une dernière accolade avant le départ (« Road Rats Forever » et son piano bastringue).
Tout n’est évidemment pas de premier choix, mais une fois encore, les scories sont rares et parfaitement excusables. Et même lorsque le COOP passe en mode mineur, l’œil humide (« Baby Please Don’t Go »), ou se déguise en narrateur fatigué de milliers de kilomètres dans les pattes (« 100 More Miles »), la magie opère à plein régime, et nous entraîne dans une farandole de souvenirs chéris.
La poussière, la sueur, les sourires, les erreurs, l’alcool, la fête, la communion avec le public, les étages d’amplis à démonter, la serviette sur la tête, les cris des fans, et puis, ce silence assourdissant de sommeil dans un tour-bus parcourant les Etats-Unis en long, large et travers. Le plaisir est immense, même si la reprise des WHO reste dispensable. Un titre un peu plus sombre aux traits tirés eut été conclusion plus logique, mais comment en vouloir au maître de la peur de s’être fait plaisir avec ses propres idoles ?
ALICE COOPER accuse soixante-quinze printemps. Et pourtant, en écoutant Road, on le sent plus jeune que jamais. Le miracle de la musique et de la passion ? Non, juste la logique d’une vie passée à se faire plaisir en faisant la navette entre la salle de concert et la petite loge aux rideaux de velours. Des films d’horreur, des mises en condition, et puis, des chansons. Plein de chansons.
Que nous connaissons tous par cœur, pour les avoir chantées à tue-tête lorsque l’école se terminait pour laisser place à l’été.
Titres de l’album:
01. I’m Alice
02. Welcome to the Show
03. All Over the World
04. Dead Don’t Dance
05. Go Away
06. White Line Frankenstein
07. Big Boots
08. Rules of the Road
09. The Big Goodbye
10. Road Rats Forever
11. Baby Please Don’t Go
12. 100 More Miles
13. Magic Bus (THE WHO cover)
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