Pas facile d’avoir connu les feux des sunlights et de se retrouver dans l’ombre, petit à petit, sans vraiment comprendre pourquoi…Et alors que ses petits frères illégitimes de MÖTLEY ou RATT se hissaient au plus haut des charts et au plus profond du cœur des fans, QUIET RIOT se voyait condamné à la relégation en seconde division, tout en sortant des albums largement dignes d’intérêt. Certes, le clinquant, le mordant, l’apparat de diamant attirait la nouvelle génération dans le giron de la nouvelle scène de LA, certes, en perdant Kevin DuBrow, le groupe perdait en même temps un frontman explosif (un peu trop d’ailleurs), mais l’histoire les retiendra comme des VAN HALEN encore plus bigarrés qu’une troupe hirsute attendant devant le Strip mal garés. On se souviendra quand même que leur succès fut en grande partie dû à des reprises de SLADE bien senties, mais Metal Health, en tant que tel, se pose encore en testament d’une première partie d’histoire du Hard Rock américain flamboyant…
Mais depuis…Depuis ? Beaucoup de choses, des aventures, des mésaventures, et puis, des disques bâclés, des tragédies à encaisser, et la mort du pauvre Kevin, le 19 novembre 2007, condamnant de fait le cogneur Frankie Banali à porter seul l’étendard de l’émeute peinarde. Depuis, un unique LP, Quiet Riot 10, plutôt sympathique mais un peu décousu, et puis un nouveau départ, vers d’autres horizons cette fois ci, du vocaliste Seann Nicols. En perte de repères, les résistants et restants (Alex Grossi – guitare depuis 2004, Chuck Wright – basse, en entrance/partance depuis 1982) se sont donc tournés vers une valeur pas si sûre, celle du hard-rockeur de service du télé-crochet American Idol, James Durbin, qui avait régalé les téléspectateurs de ses appropriations déchaînées de « Breaking The Law » et « Living After Midnight » du PRIEST célébré. Bon choix ?
Techniquement, assurément, formellement, pas forcément.
Certes, James Durbin a du coffre, un timbre Glam intéressant, mais souvent, ses accents ont du mal à se satisfaire d’un Rock à la peine, qui tente désespérément de retrouver la flamme d’antan, et qui achève de nous convaincre que l’entreprise décolle trop péniblement. Pourtant, le jeune frontman donne de se personne, et n’hésite pas à flotter dans les aigus, mais il sonne un peu trop anonyme dans une foule de morceaux qui n’ont pas plus de personnalité qu’une compile de la scène glitter de Los Angeles des années 87/89…Pourtant, j’avais laissé les QUIET RIOT sur une excellente impression, celle de Rehab qui en 2006 laissait à croire que les mecs avaient justement fait la bonne cure pour retrouver la route du futur. Il faut dire que depuis, onze années se sont écoulées, que l’histoire a encore changé, et que la donne aussi. Ainsi, mis en standby pour une paire d’années, Road Rage a peut-être perdu de son énergie, en attendant de voir son chant réenregistré. Il est certain qu’il sent un peu le réchauffé, et que l’énergie n’est pas de tous les diables, un peu comme une grosse cylindrée bridée qui verrait son réservoir à sec tous les deux-cents kilomètres à peine emballés. Impossible dès lors de tracer la route à toute vitesse, et ces arrêts intempestifs sur des aires d’autoroutes pas très classes se ressentent, lorsque l’inspiration est en panne des sens et se contente de sandwiches stériles emballés dans du papier recyclé (« Wasted », talent gâché pour l’un des pires sons de guitare que j’ai pu entendre depuis des années). Et en abordant hors parenthèses le problème de la production, autant avouer qu’elle n’est pas franchement à la hauteur des ambitions. Rachitique, et plutôt symptomatique des courants en vogue aux USA il y a trois décennies, elle ne sert pas vraiment une ligne directrice hésitante, étouffant une guitare qui grésille de peine, et avalant l’écho d’une rythmique qu’on penserait adaptée à une démo. La preuve en est donnée dès le tonitruant « Can’t Get Enough », où l’on peine à reconnaître le frappant du cogneur Banali, celui-là même qui incendiait de ses baguettes les pistes du Headless Children de WASP. Pourtant, ce Hard-Rock léché et subtilement glamicustomisé sentait bon l’intro coup de laque, de celles qui nous font sauter dans les flaques, inondés d’une joie intense de retrouver l’un des acteurs les plus attachants du L.A d’antan.
Mais outre une production pas franchement aux normes, c’est surtout la direction artistique de l’album en question qui étonne. On a le sentiment que le combo passe du coq à l’âne, pas certain d’être à l’aise avec son lipstick aux lèvres, ou avec le Blues dans les veines. Quand l’adaptation et les transitions fonctionnent, ça nous donne le meilleur, celui d’un mélange SLAUGHTER/DANGER DANGER (« Getaway », l’un des meilleurs hits que le RIOT nous a pondu depuis très longtemps), mais quand la redite sonne à un stade avancé, on se sent lésé d’être pris pour des fans du ZEP que la nostalgie a presque noyés (« Roll This Joint », pas l’hommage souhaité, et un peu trop convenu pour décoller, surtout comparé à la jeune génération des GRETA VAN FLEET qui ont depuis signé plus enflammé). L’avantage se cache dans la durée, limitée, qui permet de sauver les meubles, et de faire illusion, avant que le chaland ne trouve le temps long. Pourtant, on aimerait bien y croire encore, et on y parvient quand l’ambiance se réchauffe et que les cœurs évitent la surchauffe (« Still Wild »), mais lorsque les musiciens cèdent à la facilité d’un passé qu’ils ne veulent pas oublier, on se perd sur la route de la jeunesse enterrée qui ne veut pas ressusciter (« Renegades » archétype du pseudo tube dont le Billboard avait l’habitude, une fois encore salement handicapé par une production anémiée). Il n’en reste pas moins que l’osmose entre les instrumentistes épargne à ce nouveau méfait un naufrage complet et on espère que l’avenir saura les unifier encore plus pour nous offrir l’album qu’on pensait mériter. D’autant plus que l’émotion est parfois tangible, sur « The Road », qui suggère à merveille un parcours qui ne date pas d’hier, et qui a connu des très hauts et des très bas, que la voix modulée de Durbin évoque avec un vibrato grave sans regrets.
Mais en se révélant trop incomplet, inconstant et trop standardisé, Road Rage ne parvient pas à nous réconcilier avec l’esprit d’un QUIET RIOT qui semble plus affaibli que ragaillardi. L’arrivée de sang neuf dans la troupe n’a pas apporté le surplus d’énergie qui aurait permis au quatuor de se replacer, la faute à des chansons un peu trop passe-partout pour convaincre et un son trop décharné pour vaincre. Mais gageons que Frankie, pas né de la dernière pluie saura (ou pas…) redresser la barre, pour peu qu’il stabilise son line-up, et que le prochain méfait de l’émeute tranquille saura nous fédérer et nous enthousiasmer. Pas le comeback dont on rêvait, mais des prémices, et des interstices qui devront se remplir d’une lumière un peu plus accentuée. Dommage, mais ça n’est que partie remise. Et puis, Frankie n’est pas du genre pressé, alors sachons contenir notre patience…
Titres de l'album:
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