Rome Wasn’t Built In A Day

Babylon A.d.

17/05/2024

Perris Records

BABYLON A.D., dit comme ça, ça ne va pas évoquer grand-chose. Pourtant, les fans hardcore de la scène californienne ont déjà les oreilles qui frétillent à l’annonce de ce nom qui pour eux, symbolise les derniers moments d’insouciance avant l’assignation à résidence. San Francisco, Californie, 1986, année de formation, puis 1990, année d’affirmation avec un premier album éponyme pas désagréable du tout, mais noyé dans la masse des sorties US de l’époque. Le son classique, l’attitude lascive, pour une forme de Rock n’Roll festive, comme l’était le Sunset à la grande époque.

Mais trente et quelques années plus tard, qu’en reste-t-il ?

Des souvenirs plein la tête, l’odeur d’un baiser, et la sueur qui perle sur les fronts, dans un club blindé, et entièrement voué à la passion Glam qui refait surface à intervalles réguliers. Mais nos vingt ans sont bien loin derrière, et le perfecto à franges rangé dans un coin, avec les autres reliques. Jusqu’à ce que des héros reviennent les bras chargés de morceaux, pour un nouveau baroud d’honneur.

BABYLON A.D. n’était pas le plus doué des groupes de la belle Californie. Un enfant tardif au potentiel certain, mais un peu à la bourre pour goûter au gâteau du succès. Avec un deuxième album pondu en plein marasme alternatif des nineties, et une nouvelle génération déjà tournée vers les problèmes concrets, la rue, les désillusions du reaganisme, et le spectre du chômage, de l’ennui, et des chemises ternies. Nothing Sacred n’a pas eu la chance qu’il méritait peut-être, mais qu’importe. Puisque le quintet est toujours vivant aujourd’hui, autant parler de son présent. Brûlant, mais pas tant que ça.

Sept ans après un Revelation Highway vendu par Frontiers, San Francisco revient par la porte Perris Records pour nous expliquer en substance que Rome ne s’est pas faite en un jour. C’est un fait, mais les plus grands empires peuvent à l’inverse être détruits en très peu de temps. Alors autant en profiter tant qu’ils sont encore debout, ce qui est le cas de BABYLON A.D. toujours fidèle à une recette éprouvée de Hard-Rock classique rehaussé d’une petite touche de Sleaze, mais pas trop pour ne pas glamouriser le propos à outrance. La puissance d’abord, la séduction si les choses avancent.

Rome Wasn’t Built In A Day est un album de son temps, qui trahit l’âge de ses participants. La voix est de plus en plus voilée, l’énergie bridée, les accélérations modérées, et l’émotion de plus en plus prononcée. On apprécie justement que ces musiciens (Derek Davis - chant/claviers/guitare, Ron Freschi - guitare/chœurs, John Mattews - guitare, Craig Pepe - basse/chœurs et Dylan Soto – batterie/chœurs) ne cherchent pas le jeunisme à tout prix pour tenter de faire de l’œil aux filles des groupies de l’époque, et restent sur leur propre terrain temporel. Ce qui nous donne de beaux moments de fragilité, sur le brillant « I Will Never Break Again », qui tente le coup des héros vieillissants. On imagine très bien les gars backstage, échanger sur leurs petites bobos, mal de dos, arthrite, ulcère, j’en passe et des plus sévères, et ce côté humain confère justement à cet album une patine mature de quinquagénaires qui savent que leur jeunesse s’est évanouie depuis longtemps.

Mais point d’EHPAD Rock, puisque ce nouvel album fait la part belle aux décibels, au groove animal, et à l’instinct primal. « Wrecking Machine » est d’ailleurs une belle mise en jambes, qui donne envie d’enfourcher la Harley pour un tour d’une nuit, d’une journée ou d’une vie. On se retrouve plongé dans la passion folle de ces années fanfreluches et cuir, lorsque les musiciens débarquaient la mine fière, la moue lippue et le riff trapu. Riff qui parfois se souvient de Bolan et de sa guitare sexy, pour un « White Hot Bullet » pilonné comme un vœu pieux toujours d’actualité.

Moins sauvage évidemment que lors de son émergence, le groupe maintient une ligne de conduite ferme, à base d’inspiration AEROSMITH, MÖTLEY CRÜE, et autres mastodontes des eighties. Si l’effort est un peu long et aurait mérité d’être monté avec moins de complaisance, il n’en demeure pas moins un bulletin de santé en bilan largement positif, avec toujours ces allusions Classic Rock qui affilient la scène de Californie à celle plus anglaise des années 70 (« Crashed Into The Sun »).

Bon son, découpage habile, nuance des ambiances, pour un portrait sans fard de cette engeance 1988/1991, vague qui s’est écrasée un peu tard, mais qui a pu connaître la houle d’un peu plus près. On se laisse donc bercer par le Rock puissant et émotif de « Face Of God », qui joue sur la nostalgie au moins aussi bien qu’une note laissée sur le mur des toilettes par les FASTER PUSSYCAT ou FIREHOUSE.

Du Hard-Rock adulte, avec tout ce que ça implique en concessions. Des chœurs à profusion, des burners moins polissons, pour un bilan en forme de regard en arrière prononcé, mais admettant les impératifs du présent. Plus la peine de jouer avec la provocation ou les watts à foison, la donne est sur la table depuis des lustres, et plus personne ne mise de toute façon. Alors, autant rester sincère et honnête, et ne pas bluffer. Les jetons, onze face à vous sont de valeur, et ne peuvent pas être perdus sur un coup de poker. On ne peut pas revenir en arrière, et BABYLON A.D. le sait très bien. Alors, il reste actuel, donne à ses fans ce qui les interpelle, et revient de temps en temps pour faire l’appel.

Fan un jour, fan toujours ? Sans doute, puisque comme eux, nous avons pris des rides nous aussi. Les anecdotes de l’histoire musicale sont celles qui font la grande. Il n’y a pas de mal à être sensible de temps en temps.     

       

 

Titres de l’album :

01. Wrecking Machine

02. Pain

03. Sometimes Love Is Hell

04. Rome Wasn't Built In A Day

05. Looking For A Heartbeat

06. I Will Never Break Again

07. White Hot Bullet

08. Crashed Into The Sun

09. Face Of God

10. Shut Up

11. Super Beast


Site officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 17/07/2024 à 17:32
80 %    270

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