Sacramentum Obscurus

Cultus Profano

23/02/2018

Debemur Morti Productions

« CRADLE OF FILTH, ça n’est pas du Black Metal, c’est tout juste bon pour les petites femmes. Je préfère les sodomiser en écoutant un bon vieux MARDUK »

Cette citation haute en couleurs dont je m’abstiendrai bien de juger le contenu émane d’un musicien de l’underground qui visiblement, avait du mal à gérer l’ouverture du genre et son accession à un certain degré de mainstream. S’il est vrai que parfois le BM s’accommode assez mal d’un barnum le transformant en une troupe de cirque débarquant dans votre village pour amuser petits et grands (le dernier DIMMU BORGIR en est un bon exemple), il faut reconnaître que son évolution lui a permis de ne pas tourner en rond comme un diablotin dans sa cage. Nonobstant ce point de vue évolutionniste, beaucoup s’accordent à dire que le mal originel peine à retrouver sa jeunesse perdue, et que de temps à autres, un pèlerinage aux racines fait du bien au noir de l’âme. A ceux qui partagent ce point de vue immobiliste (dont je valide en partie la pertinence), je me permettrai d’introduire un nouveau concept venu des Etats-Unis qui n’a cure d’une quelconque progression, et qui n’envisage le style que sous son aspect le plus true, le plus evil, et par extension, le plus cru et devil. Le débat est ouvert, mais les portes de l’enfer se refermant, choisis ton camp camarade, et choisis le bien. Car lorsque tu auras accordé ta foi au duo CULTUS PROFANO, il n’y aura aucun retour en arrière possible. Et ton âme ne vaudra pas bien cher entre les mains du malin qui depuis 2016, a placé sa confiance en ce nouveau concept dont les dogmes semblent figés dans des années 90 capitonnées.

CULTUS PROFANO, c’est un peu l’éthique érigée au rang de croyance sans entrave. Formé en 2016, le duo (Advorsus, chant/batterie et membre de SADISTIC INTENT, IMPERIAL DECAY, Strzyga - chant/guitare), a privilégié une épure qui prend tout son sens dans une confiance aveugle en des fondements éprouvés depuis des décennies. Après avoir publié une première démo du même nom que cet album il y a deux ans, l’association californienne s’est donc lancée dans l’adaptation longue-durée, sous l’égide de nos nationaux Debemur Morti, qui ont bien senti le vent putride souffler dans la bonne direction. A vrai dire, un simple coup d’œil à la pochette suffit à comprendre que nous n’avons pas affaire à des progressistes, mais c’est bien la musique elle-même qui confirme cette impression. Car en à peine quarante minutes, les deux musiciens nous démontrent que le seul véritable BM méritant cette appellation ne doit recourir à aucun autre subterfuge autre qu’une attaque bruitiste frontale et sans pitié. Et c’est exactement ce que proposent les neuf morceaux de ce premier LP qui font montre d’un impressionnant potentiel de violence, présentant les épitres de la religion comme autant de commandements à suivre à la lettre. En refusant la facilité d’imbrication hasardeuse, et en prenant le risque de pousser les choses à leur paroxysme dans une sorte d’épure de cruauté, le duo américain n’a pas forcément choisi la voie la plus facile. Pourtant, leur conception d’une violence instrumentale a quelque chose de fascinant dans son refus de toute ouverture, lui préférant l’acidité de riffs vraiment fielleux, et la percussion d’une rythmique qui sait s’adapter à chaque ambiance. Et celle qui se dégage de Sacramentum Obscurus est méchamment blasphématoire, et salement suintante. On peut sans effort y renifler la pourriture du corps décrépi du BM originel, dès l’ouverture du tombeau via « Coventus Esbat, Op. 8 », qui de la grandiloquence de son intro nous prépare au déferlement de haine rythmique s’ensuivant. Avec un chant qui une fois encore se sèvre aux inflexions nordiques originelles, et une bande instrumentale vomissant les psaumes de MARDUK et DARK FUNERAL, avec ce petit supplément de misanthropie typiquement américaine, les CULTUS PROFANO n’ont à vendre que leurs convictions les plus profondes, et ne cherchent pas à surévaluer leur démarche artistique puriste. Ici, il n’est question que de riffs morbides, de compression rythmique, et d’agression permanente envers un auditeur certainement rassuré de constater que son style de prédilection s’est trouvé un défenseur de choix. Et ce choix vous est présenté sous la forme de mélodies amères, d’injonctions acides, sans aucune édulcoration, et avec un minimum de digression.

Inutile dès lors d’attendre d’autres modulations que celles proposées par le schéma d’origine, puisque c’est la direction artistique choisie par les deux auteurs. Aucun gimmick à craindre, juste un cheminement logique entre les chemins les plus traditionnels, ceux-là même qui nous guidaient jadis dans les Hadès d’une création infernale. Un rythme soutenu, soudainement brisé par des breaks intelligemment amenés, pour un périple qui suit les pas des plus grandes références, sans pour autant paraphraser leurs commandements. Plus qu’un disque, c’est une bible noire qui répète à l’envi les psaumes les plus souillés de luxure, et qui s’enivre des vices les plus caractéristiques, chaque piste conduisant à un stade avancé de plaisir malsain. Parfaitement découpés, les titres proposent chacun leur lot d’idées toutes plus répugnantes les unes que les autres, qui déstabiliseront les chantres d’une ouverture d’esprit programmée depuis quelques années, mais qui ravira les plus exigeants en termes de crédibilité crue. Mais il est difficile de résister à des saillies aussi vénéneuses que ce « Ceremony of the Black Flame Op. 4 », qui parvient à expurger le EMPEROR le plus classique de ses prétentions symphoniques pour le réduire à une peau de chagrin satanique, sans ornement ni artifice pour dissimuler sa violence la plus intrinsèque. Mais l’ambition n’en est pas pour autant occultée (sic), et prend la forme d’une logique imparable et d’une densité d’interprétation, nous plongeant parfois dans le marasme d’un Black vraiment abyssal et sans espoir de retour (« Lord of Ages, Op. 2 », et ses parties de chant doublées en écho qui font froid dans le dos). L’un dans l’autre, et c’est une évidence assez flagrante, Sacramentum Obscurus n’est rien de plus qu’une relecture classique des fondamentaux les plus incontournables, mais avec quelques impressions un peu plus accrocheuses que la moyenne, et en marge d’un Black N’Roll plus catchy que d’ordinaire (« Ignis Altare, Op. 5 »), chacun pourra donc y trouver son compte et réaliser que le duo de Los Angeles a trouvé au soleil de sa ville de quoi alimenter les ténèbres les plus obscures.

Avec une production sèche et rêche, mais intelligible, le groupe joue la carte de la franchise et ne dissimule pas une pauvreté d’inspiration derrière une éthique lo-fi, ce qui est toujours bon signe. Et lorsque les dernières notes de l’hypnotique et éponyme final « Cultus Profano » s’évaporent dans un ciel de fournaise, on reste rassuré quant à la pérennisation haineuse d’un genre qui finalement se satisfait très bien de lui-même sans chercher à prouver quoi que ce soit. Un premier album d’ores et déjà classique dans la forme et dans le fond, qui démontre en quelques préceptes séculaires que le BM peut très bien se contenter de ce qu’il est pour rester la forme musicale la plus écœurante qui soit.


Titres de l'album:

  1. Conventus Esbat Op. 8
  2. Under the Infernal Reign Op. 10
  3. Ceremony of the Black Flame Op. 4
  4. Lord of Ages Op. 2
  5. Ignis Altare Op. 5
  6. An Offering to the Prolific Goat Op. 7
  7. Forging a Covenant Op. 6
  8. Awakening the Strzyga Op. 1
  9. Cultus Profano Op. 9

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 05/03/2018 à 14:24
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