Il y a des anniversaires qu’on fête avec le cœur léger. Des célébrations qui sans bougies ni gâteau offrent un cadeau inestimable, que seule l’âme envisage à sa juste valeur. Le cadeau de la mémoire, le cadeau de vieux amis toujours présents, le cadeau d’une fidélité sans failles à un genre qui ne supporte pas les gagne-petit et les fourbes intéressés. Et l'anniversaire que nous fêtons aujourd’hui est d’une importance toute particulière, puisqu’il met en avant les quatre décennies d’activité d’un de nos musiciens préférés.
Ce cher Paul Speckmann.
Il serait de bon ton de se rappeler que Paul est considéré à juste titre comme l’un des pionniers de la scène Death US, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent. Après un premier album non enregistré pour cause de jeunisme excessif, MASTER a enfin pu dévoiler ses plans, avec un peu de retard sur le calendrier. Et en 2024, alors que le groupe fétiche de notre grand poilu dépasse la quarantaine, le cœur bat la chamade et les oreilles tressaillent de bonheur. Car quelle intention plus noble que d’offrir aux fans un nouvel album, et non une simple compilation couvrant l’ensemble d’une carrière ?
Ainsi, Saints Dispelled heurte le marché à une vitesse hallucinante. Six ans après Vindictive Miscreant, Paul remet le couvert en compagnie de son guitariste fétiche Alex "93" Nejezchleba, et soutenu par la jeune frappe de Peter Bajci, embarqué l’année dernière. Le pont entre la République Tchèque et les Etats-Unis est donc toujours aussi solide, tout comme la musique présentée sur ce nouveau chapitre festif. Une musique qui n’a pas changé, qui n’a pas vieilli, et qui enthousiasmera toujours les addicts au Death le plus simple, franc, rythmique et dynamique.
En quarante ans, MASTER n’a que très peu varié son approche. Le fond est toujours le même, mais la sauce s’est affinée pour prendre plus de goût. On retrouve évidemment cet allant salé qui a fait le succès d’albums aussi mythiques que Collection of Souls et The Spirit of the West, et cette énergie teenage qui a construit la personnalité de notre bassiste/chanteur favori. Les poils toujours plus longs, Paul reste Paul, ce dealer intraitable qui refourgue la meilleure came du marché, et qui peut sans crainte rivaliser avec les fournisseurs les plus costauds.
Pour rester en phase avec un présent important, avouons immédiatement que Saints Dispelled n’est qu’une prolongation logique, une extension attendue, et surtout, un plaisir que l’on déguste les tympans ouverts à fond. Une friandise méchamment épicée qui racle le gosier et enflamme l’estomac, et qui nous ramène à cette époque bénie des débuts de la scène Death américaine, celle qui a défini les règles et posé les bases. Une certaine emprise Thrash au service d’une fougue primitive, pour un essentiel qui n’a pas changé depuis les années 80 : balancer du riff en veux-tu en voilà, grogner dans son micro à la membrane fatiguée, et enregistrer des disques honnêtes, simples mais riches, et surtout, catchy en diable.
Et le diable connaît bien Paul S. Il trinque avec lui selon la légende.
Saints Dispelled ne prend pas de gants, et nous cogne sévère d’un introductif « Destruction In June », qui avance juin en février, en plein hiver. Pourtant, la chaleur qui se dégage de ce titre transforme rapidement n’importe quel congélo en four tournant à plein régime, nous réchauffant la carcasse d’un énorme riff redondant, la spécialité de ce cher Paul qui depuis ses débuts, n’aime rien tant que cette franchise sans chichis, qui l’a peut-être privé des palmes qu’il méritait.
Comme vous le savez, il est inutile de chercher à disséquer un disque qui fait du fan service, et qui le fait à la perfection. Chaque morceau contient son lot de plans inoubliables, d'astuces rythmiques, de références Punk (« Marred And Diseased », encore plus MOTORHEAD que la croix de fer de feu Lemmy), d’accélérations brutales et d’évidences vocales. Paul n’a aucunement envie de digresser sur un sujet qu’il connaît par cœur, et se contente de signer les brûlots les plus incandescents de son répertoire. En découlent donc des évidences, des facilités d’écriture, mais jamais le plaisir n’en pâtît. Et pour cause, puisque personne ne compose cette musique plus sincèrement et efficacement que notre bon vieux Père fouettard.
On s’éclate, mais on prend acte de quelques finesses qui font du bien. L’intro de « The Wiseman » avec ses boucles de basse arabisantes est un genre de cerise sur un pain de viande juste assez cuit, et permet de s’évader quelques instants d’un territoire aux frontières bien tracées. Entre immédiateté franche et amour du travail bien fait, Saints Dispelled laisse cohabiter la perfection dans l’imperfection et la rage dans la joie-de-vivre, et livre sur votre perron le journal des actualités présentes et passées d’un groupe qui finalement, fait partie du patrimoine comme OBITUARY, DEATH, MORBID ANGEL ou CARCASS, dans un registre évidemment différent.
On sent les tics d’un contemporain de VENOM et HELLHAMMER (« The Wizard Of Evil »), et le headbanging provoqué par ces huit nouveaux morceaux plus deux en bonus est intense, et peut éventuellement servir de crash test pour une pub Head & Shoulders.
Paul Speckmann reste donc ce fan indécrottable, sheriff d’une ville fantôme pourtant peuplée par des créatures étranges, suivant leur leader depuis des décennies. Le désordre règne donc toujours sur MASTERville, et l’étoile qui brille sous la barbe du représentant du désarroi nous rappelle que la police de pensée n’oublie pas toujours ses héros les plus vaillants.
Du viagra musical pour quinquagénaires et sexagénaires en manque de puissance de feu, mais surtout, le plus bel hommage personnel rendu à une carrière exemplaire, et un musicien que nous adorons tous pour des raisons différentes.
Happy birthday Paul. You’re still our MASTER.
Titres de l'album :
01. Destruction In June
02. Walk In The Footsteps Of Doom
03. Saints Dispelled
04. Minds Under Pressure
05. Find Your Life
06. Marred And Diseased
07. The Wiseman
08. The Wizard Of Evil
09. Nomads (Bonustrack)
10. Alienation Of Insanity (Bonustrack)
Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live
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