Il est relativement difficile de domestiquer le chaos pour le rendre logique et présentable. Beaucoup de groupes s’y sont frottés, et peu ont réussi à faire sauter les puces. Quelques noms émergent évidemment, lorsqu’on parle d’acrobaties rythmiques, les DILLINGER, CHAT PILE, NAILS, THE LOCUST, et quelques autres s’étant amusés avec la frontière entre bruit et Hardcore. A cette petite liste qui ne demande qu’à être complétée, vient s’ajouter un nom très étrange, pour une musique qui ne l’est pas moins.
MISSOURI EXECUTIVE ORDER 44
Quand on pénètre les arcanes du bizarre, inutile de prévoir une carte. La sortie est la plupart du temps introuvable, et l’oppression agit comme un sixième sens qui vous fait redouter chaque bifurcation ou croisement à quatre-vingt-dix degrés. C’est en tout cas ce qui est stimulé par ces américains, qui rejoignent la famille des énervés notoires incapables de se calmer même en société.
Jarom Johnson (chant), Malachi Hatch (batterie/chœurs), Elos Olsen (guitare/samples/chœurs) et Esau Fullmer (basse/chœurs) nous proposent donc cette charge virulente, et pour un lundi matin, le choc est pour le moins rude. Au menu de cet EP qui se vend comme un LP, beaucoup de heurts, une rythmique capricieuse et erratique, une guitare qui privilégie le larsen sur les motifs reconnaissables, et évidemment, un brailleur de fond qui vous parle de votre emprunt comme de la météo.
L’attaque vise les mormons. On le comprend assez rapidement, et même en lisant simplement le titre de cet EP, Salt Sermon. Salt Lake City, un sermon, le parallèle est vite dressé, et même sans avoir besoin de remarquer le nom de Mitt Romney. Sénateur, gouverneur, missionnaire mormon en France, cette figure de l’histoire américaine qui défia Barack Obama lui-même aux élections présidentielles se retrouve mêlé à une histoire de Noise pur et dur, et n’avait certainement pas anticipé un tel honneur. Qui n’en est pas un évidemment.
Très bien construit, ce nouvel effort des originaires d’Independence, Missouri, est de ceux qui redonnent ses lettres de noblesse à l’art fragile du Jenga musical. On empile les riffs, les cris, les breaks, les cassures et les pour sûr, et on essaie ensuite de déconstruire un peu sans nuire à l’équilibre de la chose.
Le ridicule des intitulés ne doit pas occulter leur terrible et terrifiant contenu. Loin de l’allusion coquine vite troussée en studio pour ensuite parader parmi les fidèles avec la braguette ouverte, Salt Sermon est justement un sermon solide, que les brebis écouteront avec attention. Il parle d’hypocrisie, de fausse empathie et de réelle escroquerie, le tout sous couvert d’un humour de potache que l’on rencontre d’habitude chez les maniaques du Grind. Quelques interludes pour faire passer la grosse pilule encore plus mal (« Get on Your Knees and Fight like a Man », 45 tours passé en 33 tours pour nous faire le coup de la possession en étant le plus malin), et au final, une toute petite bordée de morceaux joués comme à la parade, avec une obsession pour le bancal et le désordonné. Le champion toute catégorie se nomme « Let's Jump a Cowboy Together! », qui pourtant n’excède pas la minute, et qui présente un tableau tout chamboulé, et repeint à la truelle par un (a)mateur non éclairé.
« Christian Pornography » ne fait pas non plus dans la dentelle, et nous rappelle le plus boutiste de notre scène Hardcore frenchy. Mais Mitt Romney a quitté la France il y a déjà fort longtemps, et jouit d’une paisible retraite salée dans l’Utah. Au milieu de sa congrégation qui ne comprendra surement pas le but de cette diatribe qui présente les mormons comme des gens décidément très étranges.
Mormon le nœud ?
OK, le jeu de mot est débile, mais en ayant subi les outrages de rigueur sur six ou sept écoutes, mon cerveau déjà affaibli exige du repos. Un repos mérité. Mais les MISSOURI EXECUTIVE ORDER 44 ignorent le sens du mot repos. Ce que souligne avec beaucoup de lucidité « They Built a Bass Pro Shop in our Zion » et son riff en mode gyrophare qui dégénère en bordel intégral, avec cris de fouine et pauvre croyante qui parle en langues. Exorcisme ?
Oui, un peu. Mais là, c’est le diable qui demande au prêtre de sortir du corps de l’enfant.
Titres de l’album:
01. Riding the Rail
02. The Unbuckling
03. Wear Me like a Mitt, Romney
04. I Would Kill Anyone for You
05. Seven is a Holy Number
06. Get on Your Knees and Fight like a Man
07. Let's Jump a Cowboy Together!
08. Millport's Demise
09. Christian Pornography
10. Salt Sermon
11. They Built a Bass Pro Shop in our Zion
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