Kristin Hayter n’a jamais rien fait comme tout le monde, et mérite de plus en plus son titre honorifique de Diamanda GALAS du nouveau siècle. Avec son vecteur LINGUA IGNOTA, l’artiste a exploré toutes les facettes de la douleur, de la haine, de la souffrance et de la violence, abordant la privation, et les coups avec une rage explosant à chaque impulsion rythmique ou vocale. Et alors que son dernier album accuse déjà deux ans d’âge, la chanteuse/performeuse nous propose aujourd’hui une œuvre fondamentalement différente, thématiquement et musicalement. Et elle s’attaque au répertoire Gospel le plus fondamental, mais à sa façon, ce qui va sans dire.
REVEREND KRISTIN MICHAEL HAYTER est évidemment une prolongation des travaux de Kristin, sous un autre nom pour bien différencier l’état d’esprit. Car si LINGUA IGNOTA se concentre sur le malaise et le mal-être, Saved et son point d’exclamation n’est que rédemption, guérison, et théories pentecôtistes mises en musique, selon un procédé évidemment unique et atemporel.
A la manière d’une Diamanda qui sur The Singer s’attaquait au répertoire religieux (auquel elle s’était déjà frottée par le passé), Kristin a choisi une poignée de traditionnels pour mieux donner corps à sa guérison, et à l’appropriation de sa propre histoire à des fins cathartiques. Et si les sons abrasifs habituels ont cédé la place à un piano hanté, la voix de la chanteuse prend la place d’une instrumentation globale pour s’imposer comme expression brute, quelque part entre l’incantation et le chant de libération de l’âme.
Saved n’est donc pas, comme vous l’avez déjà compris, un disque classique pour l’américaine. Il s’agit d’un projet annexe, relié à sa discographie par sa propre personnalité, mais qui s’écarte des tourments Industriels et autres cauchemars Noisy. Ici, les mélodies sont pures, l’ascétisme de rigueur, et le processus assez singulier. Enregistré sur un vieux quatre-pistes, Saved a ensuite été dupliqué sur des lecteurs endommagés, utilisés comme des filtres Instagram pour conférer à cet album une couleur passée, comme un artefact retrouvé dans une vieille caisse abandonnée lors d’une vente aux enchères.
En travaillant avec son complice de toujours Seth Manchester, Kristin a pu se laisser aller, et expérimenter divers états de conscience et physiques. Privation de sommeil, récitation de prières le plus rapidement possible, sur-stimulation sensorielle, pour parvenir à cette transcendance que l’on note sur « I Will Be With You Always », magnifique solo rempli de tristesse et de résignation, et qui renvoie aux expressions les plus intimes de l’artiste.
Pour autant, Saved n’est pas un album de gospels per se. Il est une adaptation de chants religieux pour décrire un parcours de vie chaotique, bousculé par les violences domestiques et la souffrance intérieure. Il s’inscrit donc parfaitement dans la logique de la discographie de Kristin, qui révèle ici une autre facette de sa personnalité, peut-être encore plus viscérale que la principale qui occupe les albums de LINGUA IGNOTA.
Cette sincérité crue, peut se voir comme la conclusion idéale des tourments exprimés par Kristin sur les albums de LI. Mais aussi comme un aparté étrange, hors du temps, qui se permet des extras Folk et Country totalement incongrus, à l’image de ce chantant et perturbant « Precious Lord, Take My Hand », exhumé d’un soixante-dix-huit tours fatigué et poussiéreux.
Il est évident que cette collection de chansons n’a pas grand lien avec le Gothique Noisy irritant et obsédant que la chanteuse nous propose depuis des années. Mais la puissance dégagée par cet enregistrement bricolé est au moins aussi intense que n’importe quel album de l’américaine, et confronte le lo-fi à la grandiloquence d’une voix qui va puiser dans ses réserves pour atteindre le divin. Et Kristin le touche des doigts en plus d’une occasion, avec son piano bastringue, ses cloches et ses chaînes.
Le premier morceau est déjà l’apogée d’une méthode d’enregistrement. Ne sursautez pas en subissant ces pertes de son et ces défauts dérangeants, l’effet désiré est justement de perturber, et d’éloigner l’auditeur du confort des productions modernes. La sensation de voir une ancienne cérémonie revenir à la vie est saisissante, et il est relativement difficile de croire que Saved a été enregistré en 2023. Ce qui est pourtant le cas.
J’ai toujours loué le travail de Kristin à travers les années. Je me suis toujours identifié à ses albums, à sa façon d‘utiliser sa voix comme le médium d’une douleur intérieure impossible à gérer normalement, et j’ai suivi sa carrière avec une attention soutenue. Et alors qu’aujourd’hui elle emprunte un chemin de traverse pour dessiner un point final à la première partie de son voyage, je la suis encore, tant ce disque est riche, personnel, intrigant, suscitant autant l’empathie que le malaise, lorsque les touches du piano se percutent dans un chaos onirique.
Vous avez totalement le droit de ne pas être intéressé par ce disque. Il est aussi bizarre qu’un enregistrement pirate d’une messe donnée en l’honneur de la libération, et aussi poignant qu’une prière adressée à Dieu dans un moment de grâce pure. Mais si Kristin Hayter a toujours trouvé grâce à vos yeux, lancez-vous dans cette expérience à corps perdu, ce que la chanteuse a fait pour atteindre ce point de sublimation de sa douleur.
« May This Comfort & Protect You », sublime comme du Léonard Cohen repris par Aretha Franklin, « The Poor Wayfaring Stranger », et son entame digne des onomatopées de la diva Galas avant un déroulé suave mais brut, « Nothing But The Blood », heureux et chatouilleux, le répertoire est magnifique, et couvre tous les stades de la rémission, sans jamais faire de prosélytisme.
Et si Kristin nous réserve une sortie incroyable et sublime avec « How Can I Keep From Singing » (complètement hanté par ces sous-couches de voix cauchemardesques qui renvoient aux litanies de Satan de Galas), c’est par une métaphore qu’elle nous quitte. Comment pourrait-elle arrêter de chanter, et qui a le pouvoir de l’empêcher de s’exprimer ?
Personne, et surtout pas nous.
Titres de l’album:
01. I'm Getting Out While I Can
02. All Of My Friends Are Going To Hell
03. There Is Power In The Blood
04. Idumea
05. I Will Be With You Always
06. Precious Lord, Take My Hand
07. May This Comfort & Protect You
08. The Poor Wayfaring Stranger
09. Nothing But The Blood
10. I Know His Blood Can Make Me Whole
11. How Can I Keep From Singing
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