La Garde meurt mais ne se rend pas. Nul ne saura jamais si Pierre Cambronne a effectivement accompagné cette fameuse tirade de son légendaire « Merde ! », désormais passé dans le langage courant. Mais le mystère qui entoure cet épisode de l’histoire rend l’anecdote encore plus fascinante…La garde d’accord, elle meurt, l’arrière-garde elle, reste solide et attend son tour. Mais qu’en est-il de l’avant-garde, celle qui est exposée sous les coups et essuie les plâtres alors que le reste de l’armée attend sagement derrière ? En termes artistiques, l’avant-garde expérimente, essaie, prend tous les risques tandis que les autres continuent tranquillement leur chemin, sans trop s’en écarter de peur de faire fuir. La prise de risques est-elle toujours valable en termes de reconnaissance ? Artistiquement parlant oui, commercialement non. Les artistes les plus expérimentaux sont rarement ceux qui ont connu les fins de mois les plus faciles, mais ils se sont enrichis d’une réputation presque immaculée. Dès lors, se pose l’éternelle problématique. Comment reconnaître un artiste avant-gardiste, les signes sont-ils évidents, et surtout, une fois identifié ponctuellement, le reste-t-il toute sa vie ? Après tout, même les SONIC YOUTH, même EINSTURZENDE NEUBAUTEN ont fini par s’adoucir, et se plier à un sens plus aigu de la communication. Alors étendons la question. Si un premier album porte les stigmates, si le second panse les plaies mais s’en occasionne quelques autres, moins profondes, et si un troisième n’arbore plus que des cicatrices superficielles, comment juger de l’appartenance à un mouvement aux contours assez flous ? Cette légitime question s’applique aujourd’hui concrètement aux allemands de PORTA NEGRA. Sont-ils encore les expérimentateurs que l’on a connus en 2012 ? Quelque part oui, mais ailleurs, et sur la quasi-totalité de la surface, non.
Qu’il semble loin le temps de Fin de Siècle, alors que seulement sept ans et un album séparent les deux chapitres de l’histoire. Fini ce chant si particulier, fini cette bande instrumentale instable, irritante, fini cette errance sur les chemins de l’aventure, aujourd’hui, les originaires de Koblenz s’achètent une conduite, et sonnent plus consensuels. Attention, pas forcément abordables pour le fan de BM lambda, mais moins abrupt, plus discernable et osons le terme, « compréhensible ». Dans les faits, Schöpfungswut (La Rage de la Création) est indéniablement l’album le moins « complexe » de la saga du trio allemand, toujours aussi précieux, mais moins abscons. O (batterie, chant) et Gilles de Rais (guitare, basse, composition et écriture) sont aujourd’hui accompagnés de Tongue (AVE MARIA, CHAOS INVOCATION, CRESCENT) dont le chant est moins pernicieux, moins vicieux, moins emphatique mais pas moins roublard. La musique, elle aussi, a subi une mutation. Elle accepte plus volontiers le classicisme, mais garde le narcissisme, composante indispensable de la création pour le pivot de tête. On sent le souffle du changement et du nivellement dès « Die Kosmiker », qui ne présente plus les sinuosités virtuoses d’avant, et qui semble parfaitement se satisfaire d’une charge traditionnelle, sevrée de blasts et de guitares en vibrato diabolique. Entendons-nous bien, si ce premier morceau porte le sceau de la seconde vague BM que nous connaissons tous, il ne s’en affilie pas totalement. Le chant, plus écorché et linéaire se permet quand même quelques divagations, et le monolithisme de l’ensemble à quelque chose d’hypnotisant dans la forme. Respectant son crédo, le groupe n’a pas abandonné sa passion pour les morceaux longs, très longs, et ne s’inscrit toujours pas dans une démarche normative. Sa singularité est toujours présente, malgré une guitare formelle et une batterie ne l’étant pas moins, disons qu’elle s’articule différemment, autour de cette dualité vocale toujours aussi particulière, presque séduisante de ses mélodies, mais réellement malsaine de son but.
Il est tout à fait possible de regretter l’ancien PORTA NEGRA, puisque les vrais groupes avant-gardistes sont rares. Je veux bien sûr parler des vrais groupes avant-gardistes, avec une vraie démarche, un dessein, et les moyens de le mettre en forme. Il est donc tout à fait possible de ne pas se laisser convaincre par ces morceaux beaucoup plus simples dans le fond, mais complexes dans l’intention. On pense parfois à une mouture du MAYHEM légendaire revue et corrigée au prisme des UNEXPECT canadiens, spécialement sur le monstrueux « Das Rad Des Ixion ». Mais cette linéarité d’apparence cache une réelle recherche de contexte, particulièrement lorsque les blasts stoppent enfin leur course pour laisser un riff dissonant occuper le premier plan. Mais il semblerait qu’en 2020, les allemands se sentent plus concernés par l’ambiance que par le moyen de l’instaurer. Et c’est sans doute pour cette raison que les titres semblent plus conventionnels qu’avant, alors même qu’ils sont toujours aussi étranges. Etranges, car presque pernicieux, constellés d’idées anticonformistes, et pourtant si concrets. Presque aucune coupure ne vient ralentir l’avancée de la progression, et « Die Augen Des Basilisken » de continuer son travail de sape, avec toujours en exergue ces riffs purement BM soutenus par une schizophrénie vocale inquiétante et roublarde. C’est effectivement déstabilisant en termes d’impact immédiat, mais à contrario de ses deux aînés Schöpfungswut ne fonctionne pas sur l’effet choc et instantané. Il s’apprécie sur le long terme, se révèle sur de nombreuses écoutes, et déverse ses richesses via un effort de patience. A ce titre, il pourrait être le plus ambitieux des efforts avant-gardistes d’un Black traditionnel, ou le plus traditionnel des albums d’avant-garde. La dualité n’est pas inintéressante et la musique dense, épaisse, presque digne d’une tragédie.
Le groupe semble ne jamais dévier de sa ligne de conduite, même en lâchant comme épilogue plus de dix-sept minutes en deux morceaux. Les plus exigeants se rabattront sur les parties vocales, méprisant les riffs concentriques. Les moins complaisants argueront du statisme d’une rythmique qui n’ose pas. Mais les plus curieux se diront que ce BM formel ne l’est pas vraiment, et que l’expérimentation, même en ayant changé de camp est toujours présente. Comme si les PORTA NEGRA avaient relevé le défi d’un album plus « normal », ce qui est pour eux le comble de l’expérimentation. J’entends déjà les colériques « merde ! » prononcés après écoute de Schöpfungswut. Ils n’auront rien de mystérieux, et le groupe les aura bien cherchés. Mais ça n’est pas parce qu’on pense comprendre quelque chose que son explication en est rendue plus facile. Ou qu’on a trouvé la bonne.
Titres de l’album :
01. Die Kosmiker
02. Das Rad Des Ixion
03. Die Augen Des Basilisken
04. Die Entweihung Von Freya
05. Unser Weg Nach Elysium
06. Schöpfungswut
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