Le destin est parfois très malin. Alors que je ne suis pas encore remis de l’écoute du foutraque Camouflage de KILLING SPREE, le voilà qui place sur mon chemin le dernier album des italiens d’OTTONE PESANTE. C’est évidemment très plaisant, mais quelques jours ne m’ont pas suffi à recouvrer mes forces mentales et ma stabilité psychologique. D’où un nouvel exercice d’encaissement ressemblant à des coups de tatane portés sur un vieux sac de sable fatigué. Non messieurs, ma résistance n’est pas extensible, alors passer de l’un à l’autre nécessite un temps d’adaptation, et surtout, un peu de repos.
Mais qu’à cela ne tienne, je veux bien relever le défi.
Encore une fois, nous voilà confrontés à des musiciens qui détournent l’utilisation de leur instrument pour l’intégrer à un cadre très spécial. Si vous connaissez déjà Beppe Mondini, Francesco Bucci et Paolo Raineri, vous savez que leur monde est un tantinet différent du nôtre. Alors que le Metal s’accorde toujours très bien de l’axe traditionnel chant/guitare/basse/batterie, il autorise parfois d’autres sources pour alimenter son originalité. En parlant d’originalité, OTTONE PESANTE se pose là. Une batterie, une trompette, et un trombone pour attacher le tout. Et évidemment, des tonnes d’électronique pour lier, histoire de densifier le son et de le rendre aussi agressif qu’un groupe de Death Metal.
OTTONE PESANTE (HEAVY BRASS chez Shakespeare), c’est un peu cette banda impossible qui joue pendant les catastrophes naturelles. Un orchestre qui déboule dans un bar pour mettre une ambiance louche face à une foule bigarrée et éberluée. Un trio de gloriette qui le dimanche ne se veut pas Martin, mais bien chafouin. Une tentative d’exprimer des émotions lourdes avec une instrumentation minimale.
Difficile d’imaginer le résultat d’un effort collectif partagé entre des cuivres et une batterie. Logiquement, le Jazz devrait pointer le bout de ses chromatismes, mais il est totalement absent de ce quatrième album. Il est habilement remplacé par de l’Ambient, via des strates de sons impressionnantes qui s’imbriquent les unes sur les autres. Je veux évidemment parler du majestueux, ombrageux et terrifiant « Men Kill, Children Die », qui évoque les horreurs de la guerre par un habile jeu de répétitions en crescendo, nous faisant froid dans le dos, et nous inquiétant de sa lancinance obsédante. Mais ce titre est justement la preuve que le trio va où il veut et en revient avec ce qu’il a jugé important.
OTTONE PESANTE pourrait bien être le trio le plus Punk d’Italie. Non pas dans la musique, mais dans l’attitude, avec cette façon d’envoyer balader les convenances pour agir à sa guise. Caler un intermède purement Thrash Metal entre deux mélodies déformées, en jouant à bride abattue sur « Teruwah », cavalcade instrumentale sévère qui laisse le cul tanné pour l’année. En se dispensant de chant, le trio a évidemment pris un énorme risque. Celui du vide entre deux plans ou idées, sans rien pour le combler. Mais au contraire, occulter le micro a été la plus sage décision de ce groupe à part, et il a renforcé sa singularité sans nuire à son efficacité. D’ailleurs, certaines parties de trompette ressemblent à s’y méprendre à des interventions vocales, signe que rien n’est indispensable et que tout est remplaçable.
De temps à autres, avec une grande parcimonie, Scrolls of War laisse les cuivres sonner comme tels pendant quelques mesures. C’est une originalité qui finalement n’en est pas, mais qui rappelle que la guitare et la basse sont restées à la maison. « Battle of Qadesh » retour dans le giron classique de son instrumentation, s’en remettant toujours à son batteur pour accorder le diapason.
Un peu Zappa glauque, un peu KING CRIMSON plus ludique, Scrolls of War est une entame de trilogie consacrée à l’histoire des fanfares. Une trilogie très bien expliquée sur le site de la maison de disques, et qui se traduit ainsi :
Scrolls of War est le premier album d’une trilogie conceptuelle sur l’histoire des fanfares. Il y a longtemps, les sécheresses, les famines, les tremblements de terre, les inondations et les épidémies se produisaient presque simultanément, dans un laps de temps très court, forçant les peuples à migrer pour survivre. Ces mouvements de masse étaient désespérés et ont provoqué des guerres atroces et extrêmement violentes. Les anciens ont sanctifié ces guerres au nom d’un dieu qui les menait à la victoire, en appliquant les soi-disant "règles de la guerre." Les prêtres étaient chargés d’annoncer les mouvements de l’armée au son de leurs trompettes et cuivres.
Sous ce point de vue, l’album tape dans le mille de son concept. Beaucoup de violence, de cris, de déchirements, une saturation excessive, et des pirouettes rythmiques en charge frontale de deux armées s’affrontant sur le champ de bataille. « Slaughter of The Slains » en décrit les mouvements, les blessures, les morts, et rappelle PAINKILLER dans ce désir constant d’insérer tranquillement la brutalité la plus sourde dans un schéma jazzy décalé.
Ce triptyque s’annonce donc sous les auspices les plus fameux. En me basant sur la réussite qu’est Scrolls of War, j’ai hâte de pouvoir me délecter de ces trois parties annoncées, qui formeront à n’en point douter un tableau gigantesque, une carte des souffrances, et un historique légèrement biaisé, mais toujours fasciné et indiscipliné. L’Italie peut être fière de ses musiciens, qui ont retrouvé l’impulsion originelle de la scène Progressive nationale des années 70, pour mieux la fondre dans le dadaïsme de l’abstraction d’époque.
Destin, tu peux être content de toi. Tu as bien réussi ton coup. Le mien par contre commence à se rigidifier dangereusement.
Titres de l’album :
01. Late Bronze Age Collapse
02. Sons of Darkness Against Sons of Shit
03. Men Kill, Children Die
04. Teruwah
05. Battle of Qadesh
06. Slaughter of The Slains
07. Seven
Bon ça me parle déjà plus que leurs dernières sorties, on retrouve un peu d'adhérence dans les guitares, à voir !
14/04/2025, 07:29
La différence de style n'est pas surprenante, ils n'ont jamais refait le même album. Mais ça rend mou, fatigué, sans inspiration... et décevant après une si longue attente. Espérons que le reste soit meilleur.
13/04/2025, 12:10
@DPD je suis d'accord avec toi et c'est vrai que dans le genre, Vektor est l'un des rares groupes à avoir proposé quelque chose de neuf. Pour ma part, je rajoute également Power Trip qui, même s'il ne propose rien de foncièrement neuf, a un gr(...)
13/04/2025, 07:58
Arioch91, c'est juste que le thrash basique on a largement fait le tour, depuis une trentaine d'années en fait. Vektor avait remis un coup de boost dans la scène avec ses tendances progressives et autres, mais il semblerait que le mec était pas sympa dans sa vie pri(...)
13/04/2025, 02:02
Grosse déception pour ma part.C'est sûr que faire poireauter les fans après 34 ans, l'attente est forte et surtout, on attend LE truc qui va tout niquer.Mouais.Je passe sous silence la cover qui pue l'IA à plein nez.Qu'est(...)
12/04/2025, 18:53
Ouh que c'est bon ça !!! !!! !!!Un truc qui puise à mort dans les 90s !NECROMANTIA et BARATHRUM en tête... ... ...
11/04/2025, 09:36
Je veux bien que la société polonaise soit différente, mais ses provocations à deux balles passent pour du Manson 20 ans trop tard, c'est tellement commun..
10/04/2025, 16:41
Juste une remarque, je suis pas au courant des lois françaises, si j'ai outrepassé mes droits vous pouvez virer ce commentaire pas de soucis.
10/04/2025, 15:17
Cher Emptyrior, je suis juste homophobe, voilà tout. Il y a des gens comme ça que veux-tu. Mes excuses si tu es blessé par mes propos, j'espère que tu sauras t'en remettre.
10/04/2025, 15:04
@ DPD : Certaines personnes ne comprennent en effet pas ce qu'implique une guerre, et se permettent de faire tranquillement des commentaires dans leur canapé en mettant pays agresseur et pays agressé dos à dos. L'ignorance et la bêtise n'ont aucune limite(...)
09/04/2025, 23:31
Emptyrior, va donc écouter Taylor Swift si tu veux un safe space
09/04/2025, 05:02
"Des soli qui n’en sont pas et font passer les débuts de KREATOR et SODOM pour des examens de conservatoire" ha ha !Ce groove nihiliste encore. Le pied.
08/04/2025, 22:52
Perso j'ai de quoi faire pour me régaler avec cette affiche : Dark Angel, Enforcer, Benediction, Hexecutor (miam), Belenos, Houle, Suffo (what else ?), etc, sans parler de la scène stoner assez bien représentée cette année... Alors oui déj&agra(...)
08/04/2025, 22:45
@DPD Oui, je suis d'accord, j'ai du mal avec le flicage de tout un chacun pour ses goûts artistiques. Le Metal se nourrit du soufre et de la provocation, il ne doit pas devenir bourgeois compatible. En revanche les remarques homophobes, du genre ''particulièrement(...)
08/04/2025, 20:01