On dit premier gaou n'est pas gaou, mais la seconde blessure elle est waouh. Bien évidemment, tout ceci ne veut rien dire, mais dans ce cas précis, cette formulation tente de définir le champ d’action d’un album qui s’étend comme la pourriture dans les champs, pour produire un terreau fertile à l’expérimentation. L’Australie, vaste pays de 7 741 200 km2 dont la terre est régulièrement foulée et grattée par des créatures effrayantes faisant dix fois la taille de leurs homologues européennes, regorge de musiciens étranges se mettant au diapason de la chaleur et du côté sauvage de certaines régions.
Alors, si cette seconde blessure n’est pas gaou, elle est graou. Originaire de la capitale Canberra, PLOUGHSHARE et son nom à l’anglaise tente depuis quelques années de brouiller les pistes pour ne pas que les 4x4 les suivent dans le désert sans fin. Après deux albums bien tassés, les australiens tentent le coup du chapeau avec un troisième long encore plus abscons et douloureux, pour imposer leur vision cacophonique d’un Death/Black non seulement dissonant et agressif, mais aussi imposant. Pour presque une heure de jeu, seuls cinq titres sont proposés, se déroulant le long de minutes interminables, mais terriblement créatives.
Je ne suis absolument pas surpris qu’un de mes labels préférés, I, Voidhanger Records, se soit intéressé à leur cas. Les œuvres de PLOUGHSHARE s’inscrivent parfaitement dans la ligne artistique de la maison de disques italienne, qui est devenue le refuge de tous les désaxés incapables de rentrer dans le moule. Pourtant, les comparaisons vont bon train lorsqu’il s’agit de juger de la pertinence d’un tel discours musical. Et évidemment, la référence la plus directe et facile n’est autre que PORTAL, autre créature protéiforme qu’on n’aimerait pas découvrir au plafond de notre salon.
Second Wound est donc une plaie ouverte, qui suppure le Jazz, le Noise, l’Industriel, le Doom/Death, le Death progressif, le Black avant-gardiste, j’en passe et des plus libres. Réservé aux fans d’expérimentation poussée, ce troisième long est de ceux qu’on écoute des dizaines de fois sans parvenir à en recenser toutes les idées. S’il faut beaucoup d’imagination pour meubler des compositions de plus de dix minutes, il faut à poids égal beaucoup d’ambition pour se propulser dans un univers parallèle où toute mélodie est proscrite, ainsi que le moindre riff un tant soit peu classique.
Depuis le séminal et tordu Tellurian Insurgency, PLOUGHSHARE avance à couvert, ne révélant sa position que par informations brèves et placement sur des cartes indéchiffrables. Dans la plus droite lignée des tentateurs abstraits, WOLVES IN THE THRONE ROOM, DODECAHEDRON, BLUT AUS NORD, Second Wound ne cautérise absolument pas les plaies, et les regarde dégouliner de liquides multicolores, se passionnant pour le pourrissement et le délitement accéléré. Avec une basse de plus en plus obsédée par les boucles jazzy du Death Metal technique des années 90, un chanteur qui va finir par perdre ses poumons dans une déglutition fatale, et un guitariste qui se souvient de ses plans comme par miracle, ce troisième chapitre d’une saga opaque joue le jeu de l’élitisme et du trié sur le volet, en assumant totalement son esthétique et en embrassant son intellectualisme. Il faut connaître un peu le solfège pour apprécier ces plans qui se succèdent à une vitesse hallucinante, mais il faut aussi être rompu à l’exercice du Black le plus abrasif pour supporter ces attaques incessantes et cette tension permanente.
Loin du prêt-à-bouffer indigeste et putassier, PLOUGHSHARE privilégie un mur du son impénétrable. On a parfois un peu de mal à suivre l’intrigue, tant les épisodes critiques le disputent aux cassures ludiques, mais l’ensemble dégage une telle énergie que l’adhésion l’emporte sur le questionnement. Inutile de vous dire - mais si quand même - que Second Wound s’apprécie dans sa globalité, sans être plus tranché qu’il ne l’est déjà. Arrangements synthétiques, amertume du propos, décadence de classe supérieure, folie intrinsèque des origines, les éléments sont mixés pour mouler un hachis carnassier au gout de muscles et de chair, produit d’une chasse sans pitié aux lumières artificielles.
Dramatique, porté sur le pathos, Second Wound ne ressent aucune empathie pour ses auditeurs éventuels. Le labyrinthe des thèmes est sans sortie connue, la douleur palpable, mais la stimulation optimale. Dans la cour des grands trafiquants d’avant-garde, les PLOUGHSHARE font la loi, et négocient les armes pour un tarif prohibitif.
Imaginez-vous en prison, quelque part dans Canberra, à dix dans une cellule de trois, regardant votre voisin comme l’ennemi qu’il est. Essayez d’anticiper ses réactions, et de prévenir toute agression. Ce sentiment de paranoïa est équivalent au ressenti provoqué par « The Mockery of the Demons », qui attend tapi dans un coin que le sang gicle sur les murs.
Ambitieux, sombre, cryptique, dissonant à l’extrême, PLOUGHSHARE passe l’épreuve du troisième album avec une facilité confondante. Simplement en approfondissant ses propres recherches pour en arriver à l’essence même de la violence technique. Ni Black, ni Death, entre les deux mais ailleurs, PLOUGHSHARE jouit d’un équilibre totalement instable, et menace à tout moment de plonger dans le vide.
Mais la musique des australiens incarnant le vide absolu d’une humanité rongée, ce plongeon n’est autre qu’une situation déjà connue. Vide + vide = néant. Le néant des espoirs. Le néant des envies, des attentes et des harmonies.
Gros sel et couteau rouillé, attaché à un palan. J’ai connu situation plus enviable. Même fictive.
Titres de l’album:
01. The Fall of All Creatures
02. Desired Second Wound
03. Thorns Pressed into His Head
04. The Mockery of the Demons
05. So Reverend and Dreadful
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