Dans la Bible, la femme de Loth est une figure présente dans le Livre de la Genèse qui décrit sa transformation en statue de sel après qu'elle eut regardé en arrière vers Sodome. Elle ne put s’empêcher de jeter un dernier regard vers la ville maudite, et fut immédiatement changée en figure de sel, immobile, figée à jamais. Cette introduction pour dire que se retourner vers son passé vous condamne à l’immobilisme, et qu’il vaut mieux laisser derrière soi l’histoire pour continuer de l’écrire, sous peine de se voir transformé en bloc de sel dont les générations futures admireront l’érosion avec le temps. Les nantais de VOUS AUTRES ont bien compris ce postulat, et ne se retournent pas derrière eux. Ils n’en ont pas besoin, ils connaissent leur histoire, et savent très bien où ils vont. Ils vont plus loin, et plus précisément, au-delà. Avec leur premier album, ils avaient fait exploser les conventions du Black Metal moderne, que les spécialistes aiment à définir comme Post, mais après tout, le préfixe leur va bien. Car les deux musiciens sont après, au-delà, différents, et n’aiment rien de plus que modeler leur musique pour qu’elle adopte les contours brisés de son époque. Après un premier LP qui avait fait l’effet d’une bombe l’année dernière, ce Champ du Sang qui les avait fait connaître bien au-delà de leurs frontières, β (chant) et ₣ (guitare, basse, synthé et chant) reviennent donc plus tôt qu’on ne l’aurait imaginé pour dessiner la suite de leur parcours, et en posant les choses à plat, on peut rapidement constater qu’ils ont opté pour la continuité dans le changement. Avec toujours au graphisme Romain Barbot, et le support de Maxime Febvet au chant grave, VOUS AUTRES a taillé dans la pierre pour réduire son métrage, et ose les trois morceaux et vingt minutes restées sur la table de montage. Un désir de cohésion qui renforce encore plus la puissance de ce Sel de Pierre, qui n’est pas fondamentalement différent de son aîné d’une année. On y retrouve la même puissance, la même envie d’aller là où les autres ne vont pas, et de propulser le Black Metal sur des terres encore plus arides ou rien ne pousse sauf le désespoir.
En dehors de cette différence de timing majeure, on ne note pas grand changement depuis Champ du Sang. Le son est encore une fois immense, dégage une sensation de claustrophobie dans la fin du monde, comme si les deux derniers hommes attendaient la fin d’une humanité et le début d’une nouvelle bien cachés au fond d’une grotte sans vraiment savoir comment ils vont reconstruire sur le chaos. Le maelstrom de sons est toujours aussi intense, les mouvements toujours aussi violents, et les cassures mélodiques aussi nettes. Et pour bien nous prévenir que rien ne va être facile d’accès, les deux nantais ont placé dès le début de leur œuvre deux morceaux des plus conséquents, qui fonctionnent d’ailleurs comme un diptyque, ou une longue suite coupée en deux chapitres. La colère et la rage sont palpables, au moins autant que chez les PRIMITIVE MAN, les NAILS, la noirceur est équivalente au moindre cauchemar de TRYPTIKON, et le chant prend des allures de digression sur les hurlements de Peter Tägtgren. La musique elle, est caractéristique de cette scène française qui va toujours plus loin que les autres et qui tient à garder sa singularité, cette scène que le monde nous envie parce qu’elle est unique et qu’elle ne copie plus depuis longtemps ses concurrents anglo-saxons. Sans dire que nous possédons un talent que le monde n’a pas, autant avouer que le second album de VOUS AUTRES appuie le nom du groupe et regarde en dehors avec une certaine morgue, tout à fait justifiée. Il y a eux, et tous les autres, et ces six morceaux presque coupés à l’hémistiche fonctionnent comme un énorme alexandrin de désespoir, de lumière et de ténèbres, qui autorise des coupures Ambient comme le démontre le spatial et éthéré « Ecueil », qui pendant cinq minutes ne dévie pas de son mantra d’arrangements électroniques. Mais rien n’est jamais gratuit sur un album du duo, et cet intermède apaisant ne l’est pas vraiment, et sent la menace à plein nez, la reprise chaotique et cacophonique, le déferlement de violence sourde et froide, qui est effectivement annoncé par le terrifiant « Sans Sèves ».
De loin tout ça donne le sentiment d’une musique moderne, de son époque, qui mélange le BM le plus fondamental à la musique Industrielle, avec ses allusions à BLUT AUS NORD, à DODECAHEDRON, mais aussi à HYPNO5E, FRONTLINE ASSEMBLY, et aussi parfois à la scène Shoegaze, si décriée, mais utilisée ici comme simple composante durant les passages les plus évanescents. Car si la musique des nantais est violente, et certainement l’une des plus de cette scène Post qui se contente souvent de plaintes gratuites et pitoyables, elle est aussi intelligemment agencée, abordant les émotions comme des équations mathématiques, des problèmes qui n’en sont pas, et des fardeaux à porter dont on se dispense quand l’empathie est morte de sa belle mort. On peut tout à fait craindre l’écoute de « Sans Sèves », qui en quatre minutes se montre plus impitoyable que bien des discographies entière. Car les VOUS AUTRES évitent tous les clichés du Post, et opposent leur crudité aux structures trop précieuses, pour mieux évoluer à leur guise. Les fulgurances rythmiques, ce chant qui semble émaner d’une cavité lointaine, cette guitare qu’on a du mal à distinguer de la basse, et ces évolutions qui semblent se mouvoir comme de nouvelles espèces pas encore identifiées. Mais le gros morceau, « In Humus » justifie presque à lui seul toute l’entreprise. Il commence comme un rappel des rares troupes survivantes vers le feu, avec ces percussions sourdes nappées de mélodies célestes, avant d’ajouter les éléments un par un, de percer la densité de notes de clavier tout en supportant la chape de plomb d’une basse qui tremble, et si l’ensemble est à peu près aussi optimiste musicalement qu’un discours de Jim Jones cinq minutes avant d’avaler le breuvage fatal, il ressort de cet album une perspective plus lumineuse, une fin symbolisant un renouveau.
Beaucoup resteront hermétiques à cette forme d’expression brutale très personnelle. Beaucoup ne comprendront pas le final harmonique et fragile de « Nitre », ces chants d’oiseaux, ces notes qui durent et imposent la lumière d’un autre petit matin. Mais en substance, Sel de Pierre est certainement le disque qui décrit le mieux son histoire simultanée, les espoirs qui s’amenuisent, les horoscopes d’infortune, ce monde qui part et s’écrase dans le ravin d’une conclusion que tout le monde attend, mais le plus tard possible. Sauf qu’elle se rapproche de plus en plus, et qu’il n’y aura bientôt plus rien d’autre à faire que de la lire, les yeux fermés.
Titres de l’album:
01. Onde
02. Vesuve
03. Ecueil
04. Sans Sèves
05. In Humus
06. Nitre
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