Si d’aventure le Thrash nostalgique vous filait le bourdon de sa normalité épuisante, je vous propose un petit voyage en Irlande du Nord pour y rencontrer des musiciens désireux de s’écarter des sentiers battus. Et aussi plaisante soit cette vague rétro-Thrash qui nous enchante de ses hommages répétés, il convient de temps en temps de penser que le style a autre chose à proposer qu’une resucée de plans déjà connus par cœur, aussi efficaces soient-ils. Et c’est pour cette raison que des groupes comme ACID AGE sont essentiels au mouvement, puisqu’ils refusent justement son traditionalisme figé, et la copie carbone obligatoire. Ce qui leur laisse une marge de manœuvre plus large d’un côté, mais qui présente aussi quelques écueils à éviter. L’art de la violence un tant soit peu originale est donc très exigeant, et si le trio ne remplit pas encore tous les critères d’un groupe culte en devenir, il en a le potentiel, et l’expérience derrière lui. Fondé il y a huit ans à Belfast, ACID AGE n’a pas traîné à faire parler de lui et a enchainé les formats, au point de bénéficier aujourd’hui d’une discographie conséquente. On retrouve à leur tableau de chasse, une démo, trois EPs (Enter the Zomborg en 2013, The Troma-Tized en 2014 et Twenty Fifteen en 2015, belle constance), mais surtout, deux longue-durée (Drone Shark Ethics en 2014 et Like a Runaway Combine Harvester in a Field of Crippled Rabbits en 2016), soit largement de quoi se faire les dents sur un répertoire pour le moins atypique. Car si les irlandais peuvent être affiliés à la vague Thrash, ils sont loin de se contenter du minimum syndical.
Nous étions sans nouvelles d’eux depuis plus de six ans, et seul un single est venu nous rassurer l’année dernière. Alors autant dire que ce Semper Pessimus tombe à pic pour satisfaire notre curiosité, et sceller les retrouvailles. En étant honnête, il convient de souligner que le trio (Jake – basse/chant et Jude – chant guitare depuis 2016, accompagnés depuis 2016 par Iran à la batterie) est loin de faire l’unanimité, et pour cause. Sa musique est assez unique, bancale, artisanale, et ressemble parfois à un Thrash visionnaire des années 70 avant même que la Californie ne pense à sa genèse. De la même façon qu’un BLIND ILLUSION nous cueillait à froid avec son premier album, ACID AGE surprend de son audace instrumentale, et de son parti-pris personnel. Inutile donc de vous attendre à du recyclage, puisque les deux têtes pensantes du groupe ont des idées très arrêtées, et une façon d’envisager les choses très éloignée des hordes nostalgiques actuelles.
Pas question pour eux de s’approprier les plans de Mille, de Gary, de James ou de Dave, mais bien de faire cohabiter différents styles pour produire une musique surprenante, ludique, technique, en convergence du Rock progressif, du Thrash, du Jazz, et du Death Metal des années 90. Le bouillon de culture donne donc des résultats assez surprenants sur l’organisme, et nous laisse parfois pantois, comme l’entame de « The Shameless Lyre » qui provoquera chez les plus classiques un hérissement des poils. Ambiance Metal champêtre un peu Folk sur les bords, avant un délire de percussions jazzy, pour un morceau d’introduction qui défie toutes les convenances. Le thrasheur est à ce moment-là méchamment déstabilisé, et enclin à appuyer sur la touche « stop » de son lecteur virtuel, alors même que l’album lui réserve des moments d’agressivité pure.
Original, le groupe l’est, sans conteste. Unique en son genre aussi. Apte à fédérer la majorité des hordes Thrash, certainement pas. Et malgré son riff d’ouverture très CORONER, « Oh What An Artist Dies In Me » ne fait rien pour calmer la donne, et continue d’explorer toutes les possibilités pour ne pas sonner comme la masse. Tout y passe, et immédiatement, les accélérations brutales un peu gauches, la voix purement Death, les riffs dissonants et pas francs du tout, les reprises un peu incongrues, et la production évoque à merveille la transition entre Hard-Rock et Heavy Metal des années 80, avec cette basse proéminente et cette distorsion propre. Difficile de se laisser prendre au jeu sauf si on a fréquenté l’underground Thrash des années 90, mais difficile aussi de rejeter en bloc un album aussi décalé, puisqu’il offre justement ce que la norme n’offre plus depuis longtemps : du sang neuf, du culot, des erreurs, mais aussi des surprises de taille.
Un peu NECROPHAGIA perdu dans la lande irlandaise, Semper Pessimus s’impose comme une œuvre sans âge, impossible à dater, qui perce les tympans comme un cri venu des profondeurs du temps. En bons hommes de Cro-Magnon du Thrash, nos trois amis de Belfast n’hésitent jamais à laisser tourner l’horloge pour titiller un Thrash progressif light, mais vraiment fascinant. Et si vous parvenez à passer outre cette production vraiment étrange et presque live (on a parfois le sentiment d’écouter un inédit de MANILLA ROAD après une cure de KUBLAI KHAN), cette basse à la Paul Raven insérée dans un contexte moins rigide, et ce chant un peu geignard Death, alors vous avez de grandes chances d’apprécier à leur juste valeur des compositions aussi riches que complexes comme « My Wretched Womb » ou « The Burning Of Rome », qui prolongent le plaisir au-delà des six ou sept minutes. Il n’est pas incongru de voir en ACID AGE un fils illégitime des amours coupables entre VOÏVOD et BLIND ILLUSION. D’ailleurs, les deux parents éventuels doivent être connus des irlandais qui ont dû les écouter à un moment ou à un autre, même si l’ombre des cadors Techno comme CORONER ou THOUGHT INDUSTRY ont aussi plané au-dessus du berceau.
Bref, je pourrais passer ma soirée à essayer de vous convaincre du potentiel décalé de Semper Pessimus, mais la peine serait perdue, puisqu’il fait partie de cette catégorie d’albums qu’il faut impérativement écouter pour les apprécier. Troisième étape franchie avec brio donc pour les trois irlandais fous, qui jouent constamment avec les prouesses rythmiques, les soli totalement imprévisibles, transposant parfois la folie de PRIMUS dans un contexte de Thrash amateur et bricolé avec amour. Une curiosité, pour le moins, mais aussi un sacré bol d’air frais dans l’air vicié de l’aquarium nostalgique actuel.
Titres de l’album:
01. The Shameless Lyre
02. Oh What An Artist Dies In Me
03. The Banquet Of The Dead
04. Slave Girl
05. Death Of Octavia
06. My Wretched Womb
07. The Burning Of Rome
08. Severed Outcome
09. Manic Euthanasia
10. Oh What An Artist Dies In Me (Reprise)
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