Servants

Nekrokraft

04/05/2018

The Sign Records

Si d’aventure, les dernières proposées par DIMMU BORGIR vous avaient quelques peu déçu, j’ai peut-être la consolation qu’il vous faut en cet après-midi assombri. Non que le groupe que je vous propose s’inscrive dans la plus droite lignée du combo (plus si) culte susmentionné, mais autant dire que leur musique partage quelques points communs avec celle des précurseurs norvégiens. Même propension à la cinématique emphatique, même goût prononcé pour la violence théâtralisée, et provenance géographique voisine, puisque de Suède nous viennent les terribles NEKROKRAFT, encore un peu trop underground selon l’opinion de leurs fans les plus acharnés. C’est dommage, mais il y a fort à parier que leur second longue-durée aura les capacités d’inverser la tendance, en s’adressant aux nostalgiques d’un Black Thrash à forte connotation Death, qui se sentent bien seuls depuis la déchéance annoncée de leurs prophètes les plus dévoués. Il est pourtant possible que ce nom vous dise quelque chose, spécialement si la scène extrême nordique vous est familière. Car on retrouve dans le line-up des suédois une figure bien connue du brutal glacial, en la personne d’Angst, vocaliste des WITCHERY, qui semble connaître une fortune plus exposée. De sa voix grave et rauque sonnant comme une version très colérique de Jeff Walker, le chanteur nous raconte donc une fois de plus quelques légendes locales sur fond de Black fatal, à délicate empreinte progressive et symphonique, sans pourtant déborder du cadre de la pure cruauté. Et il est intéressant de constater que ce quintette bien mené a effectué une notable percée depuis sa première livrée, ce Will o' Wisp paru il y a deux années, qui nous mettait pourtant sur la piste d’un groupe aux indéniables qualités.

Fondé en 2012, NEKROKRAFT n’a pour le moment produit qu’un EP et un LP, mais a mis au point une recette simple à base de Crossover très cohérent entre Thrash bouillant, Death rampant et Black brûlant, et démontre avec Servants qu’il n’est l’apôtre d’aucun Dieu, sinon celui de sa propre inspiration. Outre la référence DIMMU que j’ai utilisée en préambule, les noms d’OLD MAN’S CHILD, de DISSECTION ou d’EMPEROR ne paraitront pas incongrus pour définir les limites de son art, même si les suédois prennent soin de se distancier de modèles un peu trop précis pour s’affirmer. La patine Death qu’ils confèrent à leur musique nous ramène même aux heures les plus cruelles d’un CARCASS encore les deux pieds trempant dans le marigot de Necrotism, tandis que la grandiloquence des arrangements synthétiques évoque avec pertinence les déclarations les plus morbides et romantiques de The Somberlain. Mais ce qui les différencie de la masse grouillante des simples usurpateurs de tendance est cette façon d’utiliser des riffs purement Thrash « à la suédoise », qui peuvent aussi bien suggérer une affiliation avec l’école des AT THE GATES ou EDGE OF SANITY, ce que le terrassant « Rotten Husk » prouve de ses rythmiques écrasantes et de son riff diablement catchy. Des ambitions donc, mais aussi, une force de persuasion dans la séduction, histoire d’attirer dans son sillage les thrasheurs nostalgiques de la fin du siècle dernier, qui se reconnaitront dans la véhémence de ce quintette (Doc & Iron - guitares, Angst - chant, Moloch - batterie et Ghol - basse) manipulant la mélodie avec flair pour l’intégrer de gré ou de force dans des structures brutales et mouvantes. Et de fait, la linéarité ne semble pas représenter un écueil dangereux pour la troupe, qui évite les poncifs en faisant appel à des motifs hautement mémorisables, mais sans jamais verser dans la facilité ou la vulgarisation de surface.

Car même si les neuf titres proposés sont suffisamment longs pour caser un maximum d’idées, celles-ci restent assez variées pour ne pas trop se répéter, et l’écart d’inspiration qui sépare l’ouverture impitoyable « Mouth Ov Ahriman » et son riff redondant et sa suite logique « Lechery », au lick de guitare aussi contagieux permet de mesurer l’étendue des possibilités de NEKROKRAFT, qui ne se contente jamais d’un plan déjà réchauffé pour éviter la redite qui le condamnerait à sombrer dans l’ennui. Chœurs grégoriens amples, technique affûtée, musiciens capables et harmonies en filigrane, pour un ballet enivrant de virtuosité, qui synthétise le dramatisme cru du BM, la sécheresse intrinsèque de la violence Death, et la souplesse rebondissante d’un Néo-Thrash efficace, le tout parfois au sein d’un même contexte, histoire d’appuyer sur les différences pour accentuer l’homogénéité. Difficile de renier cette proposition plus qu’honnête, qui apporte une bouffée d’air frais vicié à la production actuelle, un peu trop obsédée par la nostalgie pour la propulser dans une époque plus contemporaine. Et c’est à cet exercice délicat que les suédois se livrent sur Servants, qui par l’entremise de hits de l’extrême comme « Gateway To Damnation » nous offrent une relecture du BM des nineties via le prisme d’un Death de la même époque, tout en jouant l’ensemble comme un Black progressif de 2018, sans verser dans la démonstration pure et vaine d’avance. Certes, j’en conviens, les gimmicks classiques ne sont pas encore assez amplifiés pour apparenter le tout à un Black symphonique, mais les similitudes entre le style et ce second LP tenant plus de l’ordre de l’intensité et de la théâtralité, la comparaison n’est pas si incongrue que ça, et joue clairement en faveur des suédois.

De ci de là, on peut toujours dénicher des transitions qui assurent un service après-vente performant, et qui usent de blasts soudains pour mieux suggérer une tempête de haine (« Servants ov the Black », une digression sur EMPEROR, MAYHEM et DIMMU BORGIR en triturant le riff de « Lebanon » de MORTAL SIN), ou de simples résumés de théories déjà énoncées (« Eternal, I Am », répétition pleine de bon sens au cas où quelques plans vous auraient échappé), mais on tombe la plupart du temps sur des condensés de brutalité parfaitement satisfaisants, et surtout, assez jouissifs dans leur exutoire absolu (« Dance ov the Nekrolythes », ou comment jouer le Heavy Metal de papa en bon fiston obsédé par DISSECTION et HYPOCRISY). Et comme en plus, le quintette se permet de terminer son second effort par une dernière saillie encore plus diabolique (« Plague », CARCASS et EMPEROR vont rencontrer le malin main dans la main, tôt le matin), le bilan passe d’honorable à excellent, et d’excellent à fabuleux, transformant ce Servants en démonstration de créativité et d’inspiration que bien des groupes de premier plan auront de quoi jalouser. Ici, la grandeur est instaurée par une mise en place carrée et des idées, non par des effets de manche synthétiques bâclés, la puissance est naturelle et découlant d’une pratique instrumentale précise et cadrée, et la brutalité jaillit donc à grandes giclées, jamais forcée, mais toujours appuyée. Une jolie façon de montrer que trois styles complémentaires peuvent totalement cohabiter en tout équilibre, sans que l’on puisse accoler à une musique une étiquette trop restrictive. Espérons qu’avec ce LP le nom de NEKROKRAFT obtienne toute l’attention qu’il mérite, puisqu’il en mérite bien plus que de récents cadors qui eux, capitalisent sur un passé glorieux pour ne plus rien proposer de neuf au présent.


Titres de l'album:

  1. Mouth ov Ahriman
  2. Lechery
  3. Gateway to Damnation
  4. Servants ov the Black
  5. Rotten Husk
  6. Brimstone and Flames
  7. Eternal, I am
  8. Dance ov the Nekrolythes
  9. Plague

Site officiel

Facebook officiel



par mortne2001 le 28/05/2018 à 14:26
85 %    987

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report

Mars Red Sky + Robot Orchestra

mortne2001 17/11/2024

Live Report

Benighted + Anesys

mortne2001 02/11/2024

Live Report

Dool + Hangman's Chair

RBD 25/10/2024

Live Report

Rendez-vous

RBD 21/10/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Simony

Oui j'ai mes commentaires qui se mettent en double des fois....   

21/11/2024, 09:20

Orphan

"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)

21/11/2024, 08:46

Jus de cadavre

Est-ce qu'ils seront au Anthems Of Steel 2025 ? Pardon Simo   

20/11/2024, 22:29

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Saul D

La relève de Manowar ( vu le look sur la photo)?

20/11/2024, 14:08

Tourista

Quand on se souvient du petit son des années 80...  Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique.   C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure. 

19/11/2024, 21:57

Jus de cadavre

Album jouissif ! Le pied du début à la fin !

15/11/2024, 17:19

MorbidOM

J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)

15/11/2024, 09:51

MorbidOM

@Gargan : ils n'ont pas pu jouer l'année dernière 

15/11/2024, 08:01

Gargan

Oh purée les « clins d’œil » au Hellfest et à Glaciation  

15/11/2024, 07:18

Gargan

Encore Magma!

14/11/2024, 20:20

Tourista

Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément.  (...)

14/11/2024, 09:20

Humungus

Ca c'est de la pochette !

13/11/2024, 09:18

Tourista

Ben voyons. Le mec qui planque des jetons sous la table !

12/11/2024, 17:51

Gargan

QUADRICOLOR 

12/11/2024, 13:23

Humungus

Pas mieux.3 lettres : ÂME.

12/11/2024, 11:14

Tourista

5 lettres : MAUVE. 

12/11/2024, 06:50

Buck Dancer

J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.

11/11/2024, 16:15

Humungus

NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)

11/11/2024, 10:09