Je retrouve avec plaisir une bande d’allemands qui m’avaient plus ou moins enthousiasmé il y a quelques années, à l’occasion de leur premier album, Heavenly Creatures. Si les créatures introduites n’avaient pas grand-chose de divin, elles n’en restaient pas moins salement hargneuses, et mordaient à tout va les mollets, les chevilles, et tout ce qui passait à portée de leurs crocs. Aujourd’hui, les créatures se sont transformées en servantes du Diable, histoire de nous faire frire le postérieur avec des tisons chauffés à blanc.
BLACK & DAMNED est en quelque sorte l’archétype même de combo Power Metal d’outre-Rhin. De la puissance, un chouïa de nuance, pour une imitation en bonne et due forme des héros locaux. Mais deux ans après leur introduction au Heavy Metal Hall of Fame, ces originaires de Stuttgart sont allés faire un stage de remise à niveau pour revenir encore plus musclés, décidés, et impitoyables. Ce qui rend ce Servants of the Devil beaucoup plus efficace, et avouons-le, impressionnant.
Axel Winkler (batterie), Aki Reissmann & Michael Vetter (guitares), Roland Seidel (chant) et Pappe Love (basse) ont un nouveau plan de bataille, plus élaboré que celui utilisé lors de la première attaque, mais reposant toujours sur une joyeuse alternance entre virilité et sensibilité rythmique. Parfois proche d’un Heavy de puriste resté coincé dans les années 90, le Metal de ces chevaliers de cuir hésite entre nostalgie rentable et durcissement d’époque, pour finalement accoucher d’une grosse bête moins vilaine que le reflet dans le miroir du temps ne le laissait présager.
Rock of Angels Records, label grec a donc fait une bonne opération en conservant les faveurs des BLACK & DAMNED. S’il est évident que le quintet n’a pas grand-chose d’original à proposer, il a au moins la politesse de nous livrer des compositions clé en main, peaufinées mais sauvages, émaillées de soli vengeurs, mélodiques et frimeurs, le tout sur fond d’instrumental formel mais percutant. On pense parfois à GAMMA RAY, à BLIND GUARDIAN, et autres défenseurs du pont-levis, ou même à une version plus allemande d’un JUDAS PRIEST des années les plus agressives.
Du bon donc, des ambitions, une tendance à jouer avec les teintes du Progressif (toutes proportions gardées), pour un résultat qui pourrait parfaitement convenir au SAVATAGE le plus brutal, ou au NEVERMORE le plus rentré dans le rang. Aussi mélodique qu’il n’est hargneux, ce second album est une mine de hits de concert, qui fédèreront les fans plus efficacement qu’un « watch out ! » de feu Ronnie James.
Certes, la marge de progression des allemands a surtout concerné la qualité inattaquable des morceaux, et non leur inspiration. Tout est traditionnel, entre lourdeur et envolée véloce enlevée, mais la diversité de ton, le professionnalisme inattaquable et le lyrisme ambiant font de Servants of the Devil une messe pas si noire très valable et recommandable. Mesurons par exemple la distance séparant « Inside », velouté mais large d’épaules, et « Black And Damned », virée en enfer sur les chapeaux de roue. Sans être considérable, elle permet de jauger des capacités indéniables de musiciens qui connaissent bien leur sujet, mais aussi son champ d’action. Ce sont donc toutes les facettes du Heavy et du Power qui sont exploitées, pour produire une chaleur au moins égale à celle d’un soleil d’août en plein désert. Je n’admettrai évidemment pas que les BLACK & DAMNED sont devenus des incontournables de la scène germaine, mais leurs efforts, la somme des arrangements et les quelques travaux entrepris pour ravaler les peintures méritent notre respect, sinon notre admiration.
D’autant que le potentiel technique est toujours aussi conséquent. Il s’exprime aussi bien en vitesse soutenue qu’en tendresse de décrue, et lorsque le quart d’heure américain sonne le gong, l’atmosphère se feutre, sans se tamiser plus que de raison (« King And Allies »). Les gestuelle est donc souple, les émotions plurielles, et les intentions claires. Rester Heavy, bien sûr, mais pas à n’importe quel prix ; les clichés sont donc évités malgré des textes parfois lénifiants, et l’écoute très agréable, et ce, de bout en bout.
« Hail To The Gods », petit précis à l’usage des metalheads incorruptibles, « Welcome To Madness », redondant mais en écho des aventures précédentes, « Servants Of The Devil » insistant, hypnotique et malsain, permettent de terminer dans la douleur de la sueur qui coule sur les fronts quand on a les foies dans d’anciennes catacombes oubliées, en mode Damien de La Malédiction.
Sans vraiment pouvoir croire que les BLACK & DAMNED sont devenus de vrais supports de Satan, leurs intentions sont toutefois bien dessinées, et assumées. Sans vendre leur âme au diable pour devenir un groupe de classe A, les allemands ont réussi à capitaliser sur la bonne tenue de leur premier album pour en proposer une suite tout à fait logique, mais améliorée.
Du Heavy à tendance Power, ou l’inverse, pour un voyage à travers les terres consacrées de Lucifer, certainement ravi d‘avoir trouvé des disciples aussi fervents. Espérons que le petit fumier cornu et enragé ne leur tende pas un piège de son cru.
Titres de l’album:
01. Hyena’s Call
02. Rise To Rise
03. Dreamhunter
04. The Quantum You
05. Golden Wings
06. Inside
07. Black And Damned
08. King And Allies
09. Hail To The Gods
10. Welcome To Madness
11. Servants Of The Devil
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