Si Se7en n’était pas un film mais un album, alors il ressemblerait beaucoup au second longue-durée des brésiliens de THE EVIL. On y retrouve tous les ingrédients d’un polar glauque, on peut y sentir la pluie tomber abondamment sur nos frêles épaules, et la menace d’une apocalypse annoncée s’insinuer dans le sang de nos veines comme un virus létal.
Originaire de Minas Gerais, THE EVIL est un quatuor énigmatique (Theophylactus - basse, Saenger - batterie, Iossif - guitare et Mistres Wournous - chant), cachant en son sein des musiciens fameux. En effet, entre deux lignes de CV, des noms sont lâchés, dont ceux de CHAKAL, SARCOGAFO, SEPULTURA ou CIRRHOSIS, ce qui donne au combo des allures de supergroupe de l’extrême, tant sa musique pousse les tombes pour y faire glisser plus de cercueils.
Et cinq ans après un départ éponyme sur les non-chapeaux de roue, le quartet nous en revient avec un nouveau concept, celui des péchés capitaux, tous cités nommément dans le tracklisting de ce Seven Acts to Apocalypse. Sept pas vers l’apocalypse, un concept classique, mais accompagné ici d’une bande son tout à fait idoine. Sans renoncer à ses principes, le groupe continue d’avancer sur la piste d’un Doom teinté de Blues Stoner, tout en jouant bas, grave et sentencieux.
Mené par Mistres Wournous, chanteuse à la voix de prêtresse, THE EVIL est un cas à part sur la scène Doom brésilienne. On sent que les influences seventies se noient dans l’inspiration eighties, avec évidemment de fréquents clins d’œil à BLACK SABBATH, mais aussi des accolades au fantôme de TYPE O NEGATIVE, et quelques œillades à COVEN ou encore CATHEDRAL. De la lourdeur donc, mais aussi des accents opératiques, pour transformer ce second long en messe païenne terrifiante, capuches fournies et Necronomicon en édition pleine peau humaine.
Si la recette est classique, le résultat est solide, fascinant, et ressemble parfois à une transposition dramatique des gialli les plus colorés de Dario Argento, comme si la Mère des Ténèbres reprenait vie pour nous emmener vers l’enfer.
A planet dominated by genocidal rulers; religious spreaders of hatred; criminals who rejoice in chaos and a corrupted justice; dominated by their parasites, aka homo sapiens;
A planet strutting its way to the final destruction…
Our final days will be marked by our acts.
Le message est clair, l’homme est le parasite d’une planète à l’agonie, et qui entraînera cette apocalypse annoncée avec tambours mais sans trompettes. Si la guitare joue évidement les riffs les plus déprimés et résignés, si la rythmique pilonne le beat sans discontinuer, le chant apporte une variété bienvenue, et permet au projet de taquiner un Doom occulte presque progressif dans l’esprit, mais terriblement efficace dans les faits. Il faut dire que Nienna Zamolodchikova aka Mistres Wournous donne de sa personne pour transcender la norme et permettre à son groupe de briller parmi les ténèbres. Sa voix si versatile, son interprétation au corps et ses soudaines montées en puissance hallucinantes rendent l‘écoute passionnante, et permettent à des modèles de classicisme de devenir de véritables chapitres d’un livre écrit à la gloire du genre, comme en témoigne l’éprouvant « Greed ».
L’ampleur dans la concision est un autre atout de cette bande diabolique, traînant dans les rues de Minas Gerais comme des prêtres défroqués en mal de messe noire. Car si les morceaux prennent leur temps, ils ne nous assomment jamais de répétitions à outrance. De fait inutile de vous croire imperméable à cette musique éprouvante, qui atteint parfois des sommets d’agression dans l’oppression. « Sloth », dénonciation de la paresse se traîne donc au rythme d’un mid-tempo méchamment appuyé, utilisant même quelques parties de double grosse caisse pour aplatir les doutes.
Totally dark and very evil powerful Doom Rock.
Une accroche promo qui finalement est un descriptif assez fidèle. Mais si quelques inflexions Rock viennent parfois alléger le propos, l’ensemble reste sous l’égide d’un Heavy vraiment méchant et agressif, parfois vicieux comme un dernier râle d’agonie lubrique (« Lust »), ou au contraire, léger comme une dernière volonté sur un lit de mort (« Voracity », vraiment pas beau mais emphatique).
Seven Acts to Apocalypse est donc un retour qui se doit d’être acclamé, ne serait-ce que pour sa façon de jouer avec les codes anciens pour les actualiser. Quasiment parfait, parfois outrancier et sévère (le final assourdissant de « Wrath », colère divine nous condamnant tous aux travaux forcés en enfer), mais toujours équilibré et versatile, il incarne le versant le plus fascinant d’un style figé depuis longtemps, et se veut déclaration d‘amour passionnée qui a recours à toutes les astuces pour garder la flamme allumée.
On croirait presque entendre les trompettes nous signifier la fin du monde. Et on se dit que finalement, disparaître reste la seule option viable.
Titres de l’album:
01. Envy
02. Pride
03. Greed
04. Sloth
05. Lust
06. Voracity
07. Wrath
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