Le problème avec les groupes cultes qui sont toujours en activité, ou qui tentent un comeback, c’est qu’au fil des années, ils finissent par perdre leur identité, et sonner à l’identique. Ces cadors de la scène Thrash des années glorieuses qui optent pour des productions trop compressées et génériques, alors même que leur son faisait intégralement partie de leur ADN au moment de leur avènement. On se retrouve face à une musique stérile, insipide, des morceaux passe-partout, et une attitude consensuelle qui vise à satisfaire tout le monde. Mais à vouloir trop plaire, on finit par susciter l’indifférence.
C’est le triste constat que je souligne depuis des années, en chroniquant les disques de ces mastodontes et de ces revenants, et celui que j’avais tiré du dernier XENTRIX, Bury the Pain, il y a deux ans. Je n’avais évidemment pas retrouvé le XENTRIX des années Shattered Existence/For Whose Advantage, ni même celui plus controversé de la doublette finale Kin/Scourge. Sans être un mauvais album, Bury the Pain était atteint de cette sale maladie d’anonymisation, entre charges prévisibles et attaques neurasthéniques, mélodies noyées et breaks qu’on anticipe deux minutes avant qu’ils n’interviennent. Je n’avais pas nuancé mes griefs, et au moment de retrouver le groupe pour ce second long post-reformation, ma plume était déjà trempée dans le fiel, et mes formules impitoyables. Inutile de pardonner le moindre faux-pas, même si à notre époque, les albums s’écoutent gratuitement sur les Bandcamp ou YouTube.
De la singularité. C’est tout ce qu’on demande aux meneurs, même aux acteurs de la seconde division des années 80, qui ont pratiqué avant tout le monde. Et si XENTRIX n’a jamais été membre de la première ligne d’agression, ses deux premiers disques restent des classiques incontournables. Alors, évidemment, on n’attend plus la même audace d’un sixième effort, mais au moins, une volonté de transcender ses racines et d’affirmer son nouveau potentiel. Sous cet aspect-là, Seven Words rassure plus ou moins, se montrant plus performant que son désolant prédécesseur. Il est même incomparable dans le fond et la forme, et se veut plus musclé, plus diversifié, moins niais dans l’utilisation des harmonies louchant parfois sur une version sous stéroïdes d’OVERKILL.
On ne s’en rend pas forcément compte en découvrant « Behind the Walls of Treachery », premier titre assez lyrique et emphatique, mais en décortiquant l’album morceau par morceau, et en réalisant que la qualité reste constante, et que les erreurs d’antan – tout du moins la plupart – ont été rectifiées.
XENTRIX échappe donc à la guillotine, sans pour autant se fouler au-delà du raisonnable. Mais ce Thrash hargneux et féroce est tout de même rassurant, sans échapper à cette malédiction qui frappe tous les anciens qui souhaitent rivaliser avec la nouvelle génération nostalgique. Avec un mixage et une masterisation signés du maître Andy Sneap, le groupe jouait pourtant une carte dangereuse, risquant une fois encore de se noyer dans le conformisme actuel (Sneap étant peu ou prou le Del Vecchio du Thrash), mais une fois n’est pas coutume, Andy a fait quelques concessions pour éviter que ses protégés ne ressemblent trop à ses autres brebis.
On se laisse donc amadouer par cette production claire et précise, qui met admirablement bien en valeur les passages les plus rapides mais aussi les plus sensibles. Car XENTRIX n’a pas changé son fusil d’épaule, et prône toujours le parti de cette violence matinée de délicatesse, à la manière d’un HEATHEN des jours heureux. Le cru 2022 est donc beaucoup plus savoureux, fort en bouche, avec un arrière-goût boisé californien, et se déguste avec plus de plaisir que la précédente livraison du groupe.
Mais nous sommes encore loin de ce que le quatuor de Preston, Lancashire, est capable d’accomplir. Certaines idées sont encore trop tenaces tout au long de ces cinquante minutes d’offrande, pourtant généreuses, mais encore un peu laborieuses. Les plans les plus puissants sonnent encore trop conventionnels, et certaines mélodies pèchent encore par facilité ou niaiserie. Ceci étant dit, le monstrueux title-track nous les écrase menu, et rassure quant à la santé du groupe (Dennis Gasser – batterie, Kristian "Stan" Havard – guitare, Chris Shires – basse et Jay Walsh - chant/guitare), dont la stabilité ces cinq dernières années a permis de signer des titres plus mémorisables et symptomatiques de l’école californienne des années 87/90.
Ne crions donc pas au miracle ou à la renaissance, mais reconnaissons que les musiciens sont sur la bonne voie, celle de la guérison. Seven Words est largement plus convaincant, même si la patte ANNIHILATOR est encore méchamment présente, sur un morceau comme « Spit Coin » que l’on aurait pu trouver sur les dernières productions de Jeff Waters. Et s’il se montre plus solide et stable, il n’en reste pas moins encore par trop générique pour vraiment séduire les anciens fans, ou en conquérir de nouveaux.
Alors on se rabat sur son efficacité, indéniable, et parfois effective et massive, via l’aplatissant « Ghost Tape Number 10 ». Mais l’agencement étant beaucoup trop classique, les idées répétées d’un titre à l’autre, on finit par se lasser de ce Thrash unidimensionnel, sans autre ambition que de provoquer un headbanging poli chez l’auditeur qui n’est pas dupe.
Je ne peux résolument pas condamner à la lapidation un album aussi solide, mais je ne peux décemment pas non plus en faire un modèle du genre. Disons que si vous cherchez un album de Thrash lambda, bien composé, bien interprété mais sans âme, alors Seven Words est fait pour vous. La situation s’améliore peu à peu, et peut-être pouvons-nous penser que le troisième album post-comeback sera le bon. Croisons les doigts, même si les petits jeunes en short et baskets peuvent largement toiser du regard cette arrière-garde qui se repose sur ses modestes lauriers.
Titres de l'album :
01. Behind the Walls of Treachery
02. Seven Words
03. Spit Coin
04. The Alter of Nothing
05. Everybody Loves You When You're Dead
06. Reckless with a Smile
07. Ghost Tape Number 10
08. My War
09. Kill and Protect
10. Anything but the Truth
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