Shadow Work

Warrel Dane

26/10/2018

Century Media

Il y a peu, des milliers de fans en France se ruaient sur l’album posthume de leur idole de toujours, un disque en direct de l’au-delà qui clamait que finalement, son pays c’était l’amour. Notre pays à nous a sombré dans les affres d’une tristesse sans nom, lorsque l’increvable Johnny Hallyday a fini par rendre les armes, bouffé par un cancer bien décidé à réclamer son dû d’une vie d’excès. Mais il est tout à fait normal de chercher refuge dans une ultime célébration lorsqu’on a perdu une icône que le temps avait fini par transformer en légende éternelle, et le monde du Metal n’échappe pas à cette règle, de façon plus mesurée et modeste évidemment…Alors, lorsque la triste nouvelle du décès de Warrel DANE est tombée dans les colonnes des sites spécialisés, la stupeur a fait place à la résignation, celle d’avoir perdu un des plus grands chanteurs de Heavy Metal toutes époques confondues. Les fans de SANCTUARY et de NEVERMORE ont pleuré leur vocaliste lyrique, celui là-même qui transcendait de sa voix irréelle les chansons mystiques de Refuge Denied, Dreaming Neon Black ou Into The Mirror Black, et qui avait fait partie de deux des groupes les plus emblématiques d’un Power Metal de grande classe… Mais il fallait bien accepter l’inéluctable, et se réfugier dans le giron protecteur des anciens albums du musicien, qui nous avait même gratifiés en 2008 d’un premier LP solo, Praises to the War Machine, bifurquant légèrement de sa trajectoire habituelle pour explorer des territoires moins foulés…Nous savions que l’homme en préparait un second, et nous attendions avec impatience de le découvrir, jusqu’à ce que cette funeste nouvelle tue dans l’œuf tous nos fantasmes…Allions-nous pouvoir tendre une oreille curieuse sur les travaux de ce chanteur inimitable, ou le temps et la perdition condamnaient-ils ce second chapitre en solitaire à alimenter les tiroirs des projets mort-nés ? La réponse nous en est donnée aujourd’hui par Nuclear Blast, qui publie Shadow Work, au titre si prémonitoire et au contenu si surprenant, nous permettant une dernière fois de nous envoler au son onirique d’une voix venue d’ailleurs, sublimant pour une dernière fois des compositions d’une violence épique sans pareille…

Non, Warrel DANE n’a pas eu le temps de finir cet album. Il n’a en fait enregistré que des démos et des bandes de pré-production, et la tâche s’avérait difficile pour assembler ces idées et les transformer en véritables morceaux. Pourtant, les musiciens impliqués dans le projet ont tout fait pour lui donner un aspect homogène, et surtout, vivant, malgré l’absence du moteur principal du concept. Et sous cet aspect-là, le résultat est bluffant, et sonne comme l’aboutissement d’un effort collégial, et non comme un dernier hommage rendu à un homme dont le talent n’avait d’égal que le caractère fantasque et ultra productif. Mais loin des orientations du premier album solo du regretté, Shadow Work se rapprocherait plus des albums les plus puissants de NEVERMORE, faisant ainsi le point de jonction entre Warrel et ses différentes entités, bouclant une boucle au moment de refermer les portes de l’histoire. L’histoire a commencé au Brésil, là ou Warrel s’était réfugié avec son équipe de tournée locale pour coucher sur bandes son inspiration personnelle. Le boulot avait bien avancé, et l’homme semblait satisfait de sa performance jusqu’à ce triste jour de décembre où son cœur a fini par lâcher, laissant ses compagnons dans une infortune peu enviable, et surtout, incertains de la suite à donner à cette aventure en forme de tragédie. Alors, considérant sans doute que leur chanteur méritait plus qu’un enterrement de seconde zone en discrétion assumée, Johnny Moraes (guitare), Thiago Oliveira (guitare), Fabio Carito (basse) et Marcus Dotta (batterie) ont continué le travail, se confrontant à une tâche titanesque, puisque DANE n’eut le temps d’enregistrer qu’un seul titre complet en studio. Triant patiemment les démos et bandes test, les quatre instrumentistes ont achevé le travail entrepris, et récupéré cette voix magique sur tous les supports possibles, respectant le cahier des charges pour nous offrir un véritable album, et non un simple assemblage de témoignages poignants destiné à faire pleurer dans les chaumières les fans à l’amour le plus ardent. De fait, ce second tome en solo n’en est plus vraiment un, mais garde quand même l’empreinte d’un des vocalistes/auteurs les plus imprévisibles de sa génération, qui loin de partir apaisé et repentant, nous laisse sur une ultime déflagration grandeur nature, explosant de fierté et de gloire à la face d’une mort venue le récupérer beaucoup trop tôt.

Revigoré par une tournée anniversaire, l’homme n’avait donc pas choisi de revenir sous son propre nom animé d’humilité. Loin de l’épure mélodique basique de son précédent effort, ce Shadow Work est un véritable testament de l’ombre, unissant dans une violence patente les univers de NEVERMORE et de Devin TOWNSEND, et prônant des valeurs symphoniques extrêmes, proches parfois d’un Death opératique et technique s’appuyant sur les compétences d’un backing-band au niveau hallucinant. Il pourrait même se voir comme le paroxysme d’un LP inédit de NEVERMORE, tant certaines de ses sonorités sont proches des délires mystiques de l’ancien groupe de Warrel, spécialement sur ce final dantesque en legs ténébreux « Mother Is The Word For God », véritable orage créatif nous faisant encore plus regretter la disparition du vocaliste qui n’avait jamais chanté de manière aussi convaincante et poignante. En près de dix minutes, DANE nous démontre à postériori à quel point sa contribution au Metal a été importante, et ce morceau aux allures prophétiques synthétise près de trente ans de présence sur la scène, associant le lyrisme de SANCTUARY au pathos évolutif de NEVERMORE dans un déluge de notes, de breaks, d’arrangements de cordes synthétiques, conférant à cet épilogue une ampleur shakespearienne qui laissera des traces dans les mémoires. Mais loin d’un ultime au-revoir lacrymal et dramatique, Shadow Work est surtout un gigantesque album de Metal féroce et assourdissant, ce que « Madame Satan » prouve avec force et fougue. Bombardant sur un rythme presque indécent, ce premier véritable morceau est une litanie de gloire et d’emphase, et prend aux tripes de ses riffs saccadés et de ses accélérations maitrisées, se posant en tube improbable d’un musicien intenable. On reste bluffé face à cette démonstration de brutalité théâtralisée, et la voix de Warrel passe une fois encore par toutes les émotions, profitant sans le savoir d’un travail d’arrière-plan remarquable, spécialement au niveau de la frappe stratosphérique de Marcus Dotta…Grognements Death auxquels Warrel ne nous avait que très peu habitués, atmosphère à la KING DIAMOND/STRAPPING YOUNG LAD pour une démonstration de Death opératique et technique tout simplement époustouflante.

Et si la reprise transfigurée des CURE ne constitue qu’un intermède plaisant et presque ludique, le reste des compositions flirte avec la perfection, même si trois d’entre elles ont été laissées sur le carreau. Nous sommes donc face à six chansons inédites, dont une éponyme qui une fois encore taquine le fantôme de NEVERMORE, mais aussi une sublime power-ballad plaçant l’émotion au-dessus de tout, et nous tirant une larme de son aura SISTERS OF MERCY, enfonçant encore plus ce dernier salut de studio dans les ténèbres du manque et de la solitude personnelle. Oui, Warrel DANE nous manque comme Johnny Hallyday vous manque, mais laissez-nous partager notre tristesse entre une poignée d’initiés, sans transformer cette mort en symbole de foire qu’elle n‘est pas. Avec Shadow Work, l’artiste tire sa révérence en mode sombre, mais garde proportion humaine, nous rappelant quel musicien extraordinaire et visionnaire il fut. Le paradis a des allures d’enfer parfois pour ceux qui restent…                 

     

Titres de l'album :

                      01. Ethereal Blessing

                      02. Madame Satan

                      03. Disconnection System

                      04. As Fast As The Others

                      05. Shadow Work

                      06. The Hanging Garden (THE CURE cover)

                      07. Rain

                      08. Mother Is The Word For God

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 02/12/2018 à 14:23
88 %    1231

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Chazz

Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)

17/01/2025, 22:44

Bill BAroud

Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !

17/01/2025, 17:03

Humungus

Le coup de la goutte de résine, ça va me faire la soirée...

17/01/2025, 16:52

senior canardo

2 sisters 1 cup ! haha joli pochette

17/01/2025, 10:02

Seb

J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.

16/01/2025, 18:21

MorbidOM

Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène. 

16/01/2025, 12:15

Jus de cadavre

Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.

16/01/2025, 10:22

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Simony

Merci Styx je transmets à notre expert informatique.

15/01/2025, 15:53

Styx

Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)

15/01/2025, 12:58

Incroyable album

Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)

14/01/2025, 09:27

Humungus

Qui a dit que l'on n'était jamais content ?!

13/01/2025, 08:36

Humungus

Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.

13/01/2025, 08:36

Capsf1team

Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

13/01/2025, 07:59

Simony

Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)

12/01/2025, 17:38

Humungus

Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)

12/01/2025, 14:27

Benstard

Litany la claque a l'époque. Ce son de grosse caisse du futur.

11/01/2025, 13:35

Buck Dancer

Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.

11/01/2025, 12:16

Capsf1team

Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)

10/01/2025, 09:12

RBD

J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)

09/01/2025, 19:49