Avec dix-sept ans d’existence au compteur, on peut commencer à s’asseoir sur une réputation bien établie. Jouer la sécurité, contenter les fans avec régularité, leur donner leur pitance sans chercher à savoir si un goût différent leur plairait. Ou pas. Ou se remettre en cause, jouer la versatilité, oser, se montrer culotté, et diverger grave sans perdre de vue les fondements. C’est un peu le cas des norvégiens de SVARTTJERN qui en dix-sept ans de carrière ont montré bien des visages. Après trois démos disséminées entre 2004 et 2008, le groupe d’Oslo a gravé pour la postérité et sans discontinuer quatre longue-durée, de Misanthropic Path of Madness en 2009 jusqu’au plus récent Dødsskrik il y a quatre ans, et à chaque fois, boum, la surprise, l’imprévu, l’accident, la divergence. On ne peut donc accuser ces musiciens de statisme ou d’ascétisme artistique, puisque chacune de leur sortie à surpris, décontenancé, un peu perdu, mais à chaque fois retrouvé. Les proverbiaux petits bouts de pain semés sur le chemin sont à mettre en lien avec leur talent surnaturel pour s’approprier des genres, des nuances, des fragrances. Et quatre ans après leur dernier effort, le fan de se demander à quelle sauce il va être sacrifié sur l’autel de l’anti-routine. La réponse est assez simple, et intervient quelques secondes après le début de « Prince of Disgust ». 2020 sera Black n’Roll, 2020 sera Thrash n’Black, mais 2020 sera toujours aussi méchante et professionnelle. Et c’est certainement cette complétude qui rend les norvégiens si différents, et uniques en leur genre. Black n’Roll, je déteste ce mot comme nombre d’entre vous, pour une simple raison. Il sert d’alibi, comme le Punk il y a quarante ans pour se contenter du minimum, d’un recyclage de riffs déjà périmés, et excuse dans le principe un son ignoble peinant à cacher un niveau musical médiocre. Mais le Black n’Roll, comme tout autre style, lorsqu’il est pratiqué par des instrumentistes capables et vraiment investis, peut être jouissif. Et puis pour être franc, Shame Is Just a Word n’est pas QUE du Black n’Roll. Il est aussi du Black norvégien dans toute la splendeur de ses nineties.
Qu’attendre d’autre que l’excellence de la part d’un groupe constitué de membres de CARPATHIAN FOREST, de MAGISTER TEMPLI, de VULTURE LORD et d’ex-RAGNAROK ? Une musique pleine et riche, basée sur un background solide, et une connaissance accrue du vocabulaire extrême. Avec ce cinquième effort studio, SVARTTJERN se replonge dans ses racines, et évoque le bon vieux temps des messes noires célébrées sous la lune un soir d’hiver, et attaque son propre patrimoine. Avec une nuance, et de taille. En y insufflant une passion soudaine pour le Thrash des années 80, remis au goût d’un jour sans espoir, mais constellé de thèmes accrocheurs et d’idées porteuses. Le premier indice qui nous mène sur cette piste est évidemment cette reprise totalement incongrue d’EXODUS, « Bonded by Blood ». Mais pourquoi pas, ce titre fut en quelque sorte la première vraie incursion du diable dans le Thrash, avec la voix de dément possédé de Paul Baloff, signant un pacte avec le malin pour transformer ses cordes vocales en haut-parleur du malin. Plaisir anecdotique sur ce nouvel album, cette cover en dit pourtant long sur la volonté des cinq norvégiens (HansFyrste - chant, HaaN & Fjellnord - guitares, Grimdun - batterie, Malphas - basse) de se rapprocher de leurs racines. Car au lieu de transposer cet incunable dans un vocabulaire Black, SVARTTJERN le reprend tel quel, sur le même tempo, en respectant le riff à la croche, à tel point qu’on a le sentiment d’écouter l’original avec feu Quorthon au chant. Délicieuse sensation de réaliser que les enfants du Thrash boom de 84/85 en admirent encore les effets, spécialement au sein d’un contexte aussi brutal. Et croyez-moi, SVARTTJERN qui s’offre une telle reprise, c’est autre chose que CRADLE OF FILTH qui s’amuse avec MAIDEN. C’est…crédible.
Sans avoir besoin de rabaisser les voisins pour mettre en valeur son propre jardin, Shame Is Just a Word est monument d’humilité avec des ambitions majeures. Transposer le son des années 80 dans un contexte Black nineties, tout en acceptant les impératifs actuels de perfection de production. Sous cet aspect-là des choses, ce cinquième tome frise sans-faute absolu. Car chaque secteur de jeu, chaque humeur est imperfectible, et le son, gigantesque et clair, prend aux oreilles comme le cri d’un enfant sacrifié. Le parangon, aussi bizarre que cela puisse être, en est le final, ce « Shame Is Just a Word » catchy en diable. Avec des influences qui n’ont pas vraiment changé depuis les débuts, et une propension à séduire les fans de RAGNAROK et DARKTHRONE, les norvégiens signent le manifeste le plus décomplexé de leur carrière, qui ose le résumé exhaustif et sans reproche possible, cette furie dantesque qu’est « Ment til å Tjene ». En moins de cinq minutes, le groupe cite BATHORY, DARKTHRONE, le Punk, le BM le plus rudimentaire des débuts, et s’offre un burner de luxe qui va faire un carnage en live. Du BM efficace, populaire, mais pas vulgaire, puisque la technique des musiciens leur permet d’éviter le populisme de licks trop putassiers. C’est évidemment connu, reconnu, mais la méthode prend ici une ampleur inédite, comme si les 1349 découvraient le patrimoine de DISCHARGE entre deux colères noires. Puissant mais mélodique, séduisant mais repoussant, telles sont les dualités offertes par Shame Is Just a Word, sur lequel le quintet ne se refuse rien, de la majesté viking de BATHORY à l’emphase d’IMMORTAL (« Melodies of Lust »), au rouleau compresseur mid tempo de « Ta dets Drakt ». Toutes les allusions, toutes les citations, tous les clins d’œil sont assumés, et sublimés. Si le Black a toujours été la musique la plus laide, elle sait parfois se faire plus roublarde et multiplier les œillades sales et lubriques.
Sincèrement, et après de multiples écoutes, je pourrais presque affirmer que ce nouveau tome des aventures de SVARTTJERN est le premier grand album de BM de cette nouvelle année. Rien ne dépasse, rien n’est en trop, mais rien ne manque non plus. Les riffs sont hypnotiques, allusifs (le ton VOÏVOD de « Frost Embalmed Abyss » confronté à la rigueur hivernale des pères fondateurs norvégiens), les accointances assumées et acceptées (« Ravish Me », un tube Thrash remis au goût d’une nuit Black). En somme, plus qu’une énième surprise de la part des déments d’Oslo, ce Shame Is Just a Word prouve que la décontraction et le naturel sont les paravents les plus efficaces à une honte éventuelle. Mais quelle honte y-a-t-il à se faire plaisir, quand ce plaisir personnel devient une satisfaction collective ?
Titres de l’album :
01. Prince of Disgust
02. Ment til å Tjene
03. Melodies of Lust
04. Ta dets Drakt
05. Frost Embalmed Abyss
06. Ravish Me
07. Bonded by Blood
08. Shame Is Just a Word
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