Une pochette bien racoleuse avec les inévitables teintes rose/violet actuelles, un nom cliché qui en profite pour recycler une fois de plus ce tréma qui donne prétendument un air méchant, l’affaire semblait pliée avant d’avoir commencé pour les américains de LEATHÜRBITCH. Pourtant, la mention de Portland avait de quoi exciter les oreilles, la ville de l’Oregon étant connu pour être le vivier des groupes les plus instables et violents de la planète. Alors, que penser finalement de cet album, sachant qu’on a occulté le premier dans les grandes largeurs ? Heavy gras du bide ? Blackened Heavy Metal ? Speed Punk ? Metal rétrograde ? La dernière solution étant la bonne, la surprise n’en est que de taille tout en n’étant pas vraiment une surprise.
LEATHÜRBITCH est donc plus fin que son patronyme ne le laisse deviner, et avec un autre baptême et une pochette un peu plus subtile, le quintet (Pat Sandiford - guitare, Joel Starr - chant, Courtland Murphy - basse, Rand Crusher - batterie et Alex Ponder - guitare) aurait pu se rapprocher de la vérité des faits, quelque part entre le Heavy ricain pur jus et le Hard-Rock européen de la même époque.
Les mid eighties évidemment.
A la manière d’un RIOT des jours heureux et nerveux, Shattered Vanity fait donc exploser la cote du lyrisme et de l’agressivité made in USA. Entre un SAVAGE GRACE plus poli et un ZNÖWHITE moins Thrash, la bande de Portland fait montre de qualités pugnaces assez convaincantes, loin de ce pastiche que l’on aurait pu craindre, célébré à grand renfort de clous, de mines patibulaires et autre quincaillerie de circonstance. Un peu d’ambitions, un son, rêche mais puissant, une interprétation carrée et une foi sans failles en un Heavy tirant sur le Power font donc de ce second long une révélation, toutes proportions gardées.
Si la carte nostalgique est jouée de nos jours par au moins la moitié des groupes en activité, autant souligner que celle plaquée par les LEATHÜRBITCH est au moins une dame, voire un roi. Ces animaux s’y entendent comme personne pour hurler près des cages du zoo de la vague vintage, et porter à ébullition un Metal déjà méchamment brulant, avec chœurs, soli, envolées vocales et breaks théâtraux. Le tout est d’ailleurs formidablement résumé par le burner « Graveyard Eyes », qui synthétise toutes les qualités sans les brader en mode bande-annonce trop révélatrice.
Selon le label, toujours porté sur le dithyrambe, la force de ce second album réside en sa capacité à faire étalage de véritables chansons, et non de simples démarcations sur des thèmes métalliques d’usage. Je veux bien le croire, puisque « The Invitation » reste méchamment dans la tête des heures après son écoute, de même que l’imparable « Shattered Vanity », hit brûlant la partition par les deux bouts, en mode speedy Hard Rock à la limite d’un Sleaze furieux qu’on lui ait volé son make-up.
Haut en énergie, Shattered Vanity est une sacrée décharge d’adrénaline, une sorte de SCANNER après une cure de potion magique en mode « je suis tombé dedans quand j’étais petit ». La puissance développée par ces neuf morceaux est équivalente au tiers de la production passéiste actuelle, et la collection de riffs est tout bonnement impressionnante. Louons de fait le travail immense accompli par la paire Pat Sandiford/Alex Ponder, qui tricote un canevas très serré pour mieux se laisser aller en solo sans retenir ses notes ou ses bends. L’ambiance est donc surchauffée, et on pourrait presque sentir le souffre dégagé par le frottement des baguettes de Rand Crusher sur sa pauvre caisse claire. Caisse claire qui souffre d’être aussi malmenée, mais qui régulièrement peu prendre une pause bien méritée lorsque le cogneur s’attaque aux toms et aux cymbales.
Les thèmes, entre horreur facile et frissons dociles ne sont évidemment pas d’un grand intérêt, mais s’accordent très bien de cet instrumental louche et sombre. Un peu KING DIAMOND meets MALICE sur les bords avec ce surplus d’envie qui d’ordinaire nous vient de Suède, LEATHÜRBITCH est donc bien plus qu’une pauvre fille facile en cuir qui attend d’être fouettée ou malmenée. On sent une réelle passion derrière ces morceaux forts et marquants, et la voix incroyable de Joel Starr nous emmène très loin, très haut, et très en arrière dans le temps.
Alors, savourez sans arrière-pensée ni regret « Horror's Unseen », qui bouscule comme un court métrage occulte porté par la Hammer ou Amicus. Acceptez ce legs mélodique qui éloigne les américains des faiseurs malhabiles qui se contentent de reprendre tels quels des plans déjà usés jusqu’à la corde du pendu. Plus crédible que le dernier ENFORCER, dans un style différent, Shattered Vanity prend la peine d’écrire de petites vignettes crédibles, qui riment, triment, et nous provoquent dans un duel d’escrime.
Un bon album, loin des clichés de son nom et image, qui nous ramène une fois encore vers notre adolescence, mais qui soigne son décor et ses personnages.
Titres de l’album:
01. The Dark Mirror
02. Shattered Vanity
03. Betrayal
04. Shadow Mistress
05. Graveyard Eyes
06. The Invitation
07. Nasty Reputation
08. Morphina
09. Horror's Unseen
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