Accolez le suffixe « Post » à n’importe quel style, et vous gagnez une liberté d’analyse totale. Mais aussi une liberté de jouer une musique affranchie des codes de genre, qui vous permet de passer du Hardcore au Grindcore, du Death à l’Industriel, et du Harsh à l’expérimental.
Parfois, c’est la solution de facilité. Lorsque les musiciens, au pied du mur, se voient sommés de nommer leur musique, ils utilisent ce préfixe pour rester suffisamment vagues et esquiver des justifications embarrassantes. Mais de temps à autres, c’est un choix, une réelle volonté de ne pas se laisser coincer dans une case trop restrictive, et surtout, la seule façon d’expliquer plus ou moins une démarche.
Et la démarche du trio de Pittsburgh, Pennsylvanie, BROWN ANGEL, est justement d’aller au-delà de tous les cloisonnements pour vous proposer leur version d’une claustrophobie musicale et éthique héritée du No Wave New-yorkais des années 80.
En détail ?
Faire mal, faire du bruit, vous enserrer les entrailles et devenir vos meilleurs ennemis.
Chaotique est sans doute l’autre mot qui colle à la peau de ce trio résolument décalé sur l’échiquier noisy mondial. Ce nouveau disque n’aurait sans doute d’ailleurs jamais dû voir le jour, tant les problèmes de stabilité furent nombreux et récurrents, et pourtant, il est bien là. Et après une valse-hésitation, un ballet séparation/reformation, les BROWN ANGEL ont donc été capables d’offrir une suite à Agonal Harvest, paru il y a déjà quatre ans, et nous présentent donc ce Shutout qui est sans conteste possible l’album le plus véhément, violent et perturbant de leur carrière…
Je sais d’expérience que ce foutu préfixe « Post » a de quoi rebuter les plus traditionnalistes d’entre vous. Pourtant, rassurez-vous, Adam MacGregor (guitare, chant, claviers, samples), John Roman (batterie) et Mike Rensland (basse) jouent une mixture hautement métallisée, même si le brouet qu’ils étalent sur la table de la discorde a de quoi déstabiliser les plus ardents fans de déconstruction musicale.
La leur répond à une logique implacable, et se veut extension de plusieurs courants de pensée des 80’s et 90’s, même si les lascars affirment s’abreuver aux sources Death et Grind de ces années-là, ce qui n’est pas flagrant à l’écoute.
Pour tenter de vous allécher et surtout de ne pas vous aiguiller sur le mauvais chemin, il est possible de voir en eux les dignes héritiers expérimentaux des SONIC YOUTH, Glenn BRANCA, FLIPPER, amalgamés dans une brutalité d’agression blanche à la UNSANE, sans pour autant renier l’immense naïveté d’un artiste comme Danny Johnston, les approximations d’amateurisme en moins.
Beaucoup de références qui certainement, vous feront tiquer. Non, Shutout n’est pas un véritable album de Metal stricto-sensu, plutôt un exercice de style viscéral forçant une union pas si contre nature que ça entre le Post Hardcore New-yorkais, le Post Metal des NEUROSIS, la liberté de ton du Free Jazz Noise, et les ambiances délétères du Post Rock en général.
Les membres du groupe l’ont donc avoué eux-mêmes, cet album est le sommet d’intensité faite violence de leur histoire.
Si Agonal Harvest traquait encore la mélodie pour l’insérer dans un contexte nihiliste, Shutout n’a cure des harmonies, même si on en trouve dans ses méandres sous une forme assez décharnée. Ici, le travail est rythmique, et parfois d’endurance, comme en témoigne la lourde et longue épreuve « Armageddon », qui pendant dix minutes joue avec vos nerfs sans jamais décoller de son motif noisy de base.
Guitare qui joue avec le feedback, le delay et la réverb’, basse à l’économie, pour une transposition du Death des origines dans un cadre Industriel à la GODFLESH/FETISH 69, plombé de stridences, de sifflements, de longs intermèdes monolithiques qui s’écroulent sous le poids des dissonances.
On peut penser à une version des YOUTH moulée dans un cake HEAD OF DAVID, à une déformation des ambiances des TALKING HEADS vu à travers un reflet du miroir UNSANE, pour finalement trouver que ce groove hypnotique à quelque chose de dansant dans son agonie…
Plus agressif, peut-être plus déconstruit, c’est ce que semble indiquer le morceau d’ouverture, le traumatique « See That I am Scourged », qui visiblement a nécessité plusieurs années de maturation avant d’être couché sur bande.
Débutant dans un déluge de stridences, c’est certainement l’épisode le plus cruel et chaotique de cette nouvelle livraison, qui emprunte au Noisy Rock, au Post Hardcore et même au Post Free Jazz ses inflexions, pour vous bousculer et vous mettre mal à l’aise.
Une apnée UNSANE dans les bas-fonds fréquentés par des JESUS LIZARD sous influence jazzy, des libertés incroyables prises par une section rythmique qui semble fonctionner en 4D, pour une mise en perspective de pulsations tribales profondes, et un rendu maladif, tendu comme un dernier fix.
« Coward’s Progress » joue aussi l’ambivalence et la marche en avant, en osant un mellotron et des superpositions de voix, mais surtout des guitares lugubres, semblant exhaler leur dernier souffle avant l’apoplexie. Une ambiance découlant directement d’une ossature Death déformée à l’envi par une basse résignée, et ce chant qui joue la parcimonie en arrière-plan.
Lancinant, éprouvant, et pourtant strié d’espaces positifs, pour une redondance irritante…
Le final « Data Control », entame sa chute sur un pattern Post Jazz, et puis décide de se fixer sur un long crescendo découlant sur un Mid tempo acharné, rappelant les plus grandes heures des LIZARD, basculant dans le vortex d’une scène New-yorkaise de la décennie précédente qui projetterait ses fantasmes sur un Deathcore répugnant et obsédant. Malsain, entêtant, agaçant mais cathartique d’une certaine façon, pour tous ceux qui ont érigé le larsen et les itérations en dogme essentiel.
Post.
Oui, ce petit préfixe est simple, mais diablement utile parfois, et justifié dans ce cas. L’accouchement de Shutout a été difficile, mais le trio de Pittsburgh a refusé la péridurale et a assumé la douleur pour nous la restituer telle quelle.
Cette douleur est bruitiste, froide, parfois torride, aussi Metal qu’elle ne l’est pas, mais donne une excuse pour se replonger dans l’histoire de l’underground qui le restera à jamais.
« Ce que vous entendez est peut-être selon moi, la musique la plus honnête et thérapeutique que j’ai eu la chance de jouer avec des amis de plus de vingt ans. Elle provoque un sentiment similaire à ce que Justin Broadrick de GODFLESH avait dit dans une interview il y a quelques années. Un truc du genre, « nous sommes le son de notre propre écrasement. Pas celui des autres » »
Et c’est tout à fait vrai.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
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