Nous parlions dans la chronique d’hier de la facilité déconcertante avec laquelle on peut classer un groupe dans le créneau « Progressif », sans qu’il n’y soit directement affilié, par facilité. Mais certains groupes s’y rattachent d’eux-mêmes, conscients de leur approche, et désireux de perpétrer une certaine optique de composition. C’est le cas des lillois de BLACKCUBE, qui depuis 2005 n’ont cessé de peaufiner leur concept pour devenir aujourd’hui une référence. D’abord concentré sur un répertoire de reprises, le groupe n’a pas tardé à affirmer sa personnalité pour développer une partition plus personnelle, certes sous influence, mais qui aujourd’hui a réussi à se débarrasser de ses parrainages les plus encombrants pour devenir une entité viable par elle-même. Et au moment de sortir leur tant attendu second album, les lillois ont donc pris grand soin de souligner encore plus efficacement ce détachement, au point aujourd’hui d’incarner une entité singulière, dont la musique étrange et hypnotique saura convaincre les plus difficiles de leurs particularités. Toujours hébergés par l’écurie Brennus, le quintet nous a donc offert en janvier dernier les fruits de sa réflexion, sous la forme de neuf nouveaux morceaux qui renforcent encore plus cette impression de distanciation, et d’affranchissement des références, développant de beaux et longs climats instrumentaux qui ne cèdent jamais à la félicité démonstrative. Et là est véritablement le point fort de ce groupe qui réfléchit longuement avant d’agir tout en gardant cette spontanéité d’interprétation, articulant sa pensée autour de structures évolutives ne se perdant jamais dans le dédale inextricable de la complexité. Pourtant, on retrouve toujours cette volonté de s’écarter des sentiers battus, et surtout, de rester collé à un Heavy Metal puissant et racé, qui n’hésite pas à tremper sa plume dans le Rock plus accessible histoire de toucher le plus grand nombre. En résulte un LP aux ambitions affichées, au dramatisme revendiqué, mais à la portée émotionnelle indéniable, composante qui fait souvent défaut aux groupes du créneau nous assommant souvent de fausses harmonies aussi stériles qu’une promesse politique emballée dans des discours pompeux.
A l’adresse des fans, sachez que ce Silencing the Sun est loin d’être une simple redite, et qu’il adopte des tonalités bien plus sombres que Last Exile. Mais il n’est pas vraiment surprenant de constater que le groupe a changé, six ans séparant ces deux opus, et assister à cette évolution en maturation est un plaisir que tous les accros au Progressif dit « intelligent » sauront savourer à sa juste valeur, et c’est avec un bonheur non feint que nous observons le groupe prendre ses distances avec ses influences, adoptant une théâtralité peu coutumière du fait. Exit donc les évidences à la SYMPHONY X, exit les aspirations emphatiques de DREAM THEATER, bien que les BLACKCUBE en gardent les aspects les plus durs et profonds. L’heure est à la cinématographie musicale, et les neuf pistes de ce nouvel album s’enfoncent un peu plus à chaque minute dans la psyché humaine, en ramenant à la surface les émotions et les souvenirs les plus durs, pour teinter leur musique d’une patine presque Post-Grunge qui n’occulte pas l’amour des mélodies travaillées. Et pour un peu, en faisant preuve d’un minimum d’imagination, on pourrait rapprocher les frenchies d’une union contre nature entre les KORDZ, MYRATH, PINK FLOYD et ALICE IN CHAINS, tant les harmonies qui constellent ce second chapitre tentent d’illuminer les ténèbres, sans se départir d’un accent subtilement oriental, sous-jacent, et jamais vraiment présent au premier- plan. De fait, Silencing the Sun se présente comme une sorte de space-opera explorant les confins d’une galaxie inconnue, et travestissant le Progressif le plus pur en dogme musical perméable à la Pop, au Jazz, au Rock, détaché de toute contrainte de retour. Et si les guitares sont toujours aussi agressives et versatiles, si la rythmique adopte des postures élastiques, et si le tout se couvre parfois d’un drap pudique de Post-Rock sensible et pertinent (« Thy Flesh Consumed », le segment le plus long et mouvant du lot, avec ce passage central tout en délicatesse et en volutes de claviers enfumés), le fond reste d’une puissance incroyable, propulsant le Heavy Metal dans le système solaire Rock, sans trahir l’un ou l’autre des deux mondes.
Et de temps à autres, le quintet se lâche pour oublier un peu sa condition, et nous sert sur un plateau de légèreté le très catchy « Zombies Inc. », à l’entame délicatement Jazzy de guingois, avant de se concentrer sur des riffs redondants et hachés, que des chœurs superposés mettent admirablement bien en exergue. Seule concession que nous dirons populaire de cet album, ce morceau est une petite bouffée de lumière dans un contexte plus sombre que la moyenne, et ose la tentative de hit improbable, gageure qu’il relève avec brio. Mais s’il vous plaît, considérez plutôt ça comme une saine récréation, le reste de l’œuvre faisant preuve d’une homogénéité palpable, dont les fondements de base sont posés dès l’entame « Building the Machine ». Les musiciens s’y révèlent toujours aussi précis et précieux, mais toujours aussi rebutés par un quelconque élitisme, et par une superficialité émotionnelle qu’ils prennent un malin plaisir à contredire de parties toujours étonnantes, à cheval entre le RUSH le plus riche et le DREAM THEATER le plus métallique. A l’image de sa pochette, énigmatique et pourtant claire come de l’eau de roche, Silencing the Sun sonne parfois comme l’acceptation fataliste d’une fin du monde programmée beaucoup plus tôt que prévu, et anticipe la mort de l’astre solaire avec une rancœur un peu triste, mais aux propos énoncés avec beaucoup de colère (« Cartographers of Your Mind »). Ne laissant jamais la technique s’exprimer à leur place, les cinq musiciens font le tour de la question du Progressif en l’abordant par tous ses versants, les plus puissants évidemment, mais aussi les plus subtils, lorsque cette basse omniprésente décide de se détacher de la rythmique pour officier en tant que deuxième guitare. Le chant, assez particulier et à cent lieues des tics usuels suraigus se focalise surtout sur un lyrisme viril et plein de sens, et pourra peut-être rebuter ceux lui préférant les sempiternelles arabesques de Castafiore, mais il s’accorde à merveille avec cette optique instrumentale ambivalente, entre noir et blanc, lumière et ténèbres, et le tout présente un visage d’une cohérence rare.
Mais autant l’avouer, et aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont bien les claviers qui sortent grands vainqueurs de cette fausse confrontation. Si d’ordinaire, leurs prétentions classiques les confinent au rôle d’invité pompeux et encombrant, ils trouvent ici une impulsion nouvelle, enrichissant les textures de leur choix de son, et trouvant toujours le bon interstice pour s’y glisser. Ils peuvent même parfois nous rappeler les épisodes les plus occultes des années 80, lorsqu’ils adoptent une attitude gothique sur « Giant », suggérant que l’Horror Metal de KING DIAMOND trouve toujours des échos aujourd’hui. Et finalement, après avoir constaté que chaque partie du puzzle est parfaitement à sa place et que chaque instrumentiste a joué sa partition avec créativité, on se prend de passion pour un album qui parvient miraculeusement à ne répéter aucune de ses idées pour en imposer de nouvelles à chaque instant. Et si « A Fortress on the Moon », en tant que clôture, reste sans doute la conclusion la plus logique qui soit, elle laisse le soleil se taire et se terrer dans le silence, nous obligeant à reprendre l’aventure au début pour espérer une fin moins inéluctable. BLACKCUBE signe donc avec Silencing the Sun plus qu’un simple album, mais une véritable déclaration d’intention, et l’un des LP les plus nobles d’un genre qui a souvent regardé ses armoiries se ternir sans rien faire.
Titres de l'album :
1.Building the Machine
2.Silencing the Sun
3.Cartographers of Your Mind
4.Enter the Night
5.Giants
6.Zombies Inc.
7.Thy Flesh Consumed
8.Ruins of Dawn
9.A Fortress on the Moon
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